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© Getty Images/iStockphoto
Ruptures de médicaments : 36 solutions pour « zéro pénuries »
Après 5 mois de travaux, la commission d’enquête du Sénat sur les pénuries de médicaments vient de rendre son rapport. Le constat est sévère. Mais pour atteindre un objectif de « zéro pénuries », le Sénat fait 36 recommandations « qui sont autant de leviers pour prendre la question des pénuries de médicaments à bras-le-corps ».
Plus de 3 700 signalements de ruptures ou de risques de ruptures en 2022 et 37 % des Français qui déclarent avoir été confrontés à des pénuries de médicaments. « L’accès aux soins n’est plus une évidence », commente la présidente de la commission d’enquête sur les pénuries de médicaments Sonia de La Provôté (Calvados, Union centriste) lors de la présentation du rapport, ce 6 juillet. Comment en est-on arrivé là ? Par quarante ans de délocalisation associés au peu d’attrait des industriels pour la France, et au fait que « les industriels pharmaceutiques implantés en France s’orientent de plus en plus vers l’export, plus rémunérateur, à la faveur de la financiarisation du secteur qui exige une rentabilité croissante », souligne la commission dans son rapport. Sans compter une production de médicaments en flux tendu et concentrée autour de quelques fournisseurs essentiellement asiatiques, un recours à la sous-traitance – qui augmente les risques de rupture et accroit le manque de visibilité – et une demande croissante au niveau mondial. Mais aussi, et surtout, un manque d’anticipation criant des instances et des industriels, l’insuffisance des mesures prises par les pouvoirs publics pour endiguer le phénomène depuis plus de 10 ans et des autorités de santé complétement débordées. C’est le constat peu flatteur de la commission d’enquête après 5 mois de travaux, 54 auditions et 119 personnalités interrogées dont la présidente de l’Ordre et les présidents de syndicats de pharmaciens.
Remise en ordre
Marquée par la situation incroyable de l’hiver dernier avec une pénurie d’antibiotiques en France, la commission recommande des mesures d’urgence, lesquelles commencent par le fait de « mieux tenir compte de la saisonnalité de la consommation et mieux détecter les risques épidémiques imminents. »
Plus globalement, l’idée est de mieux hiérarchiser les risques de rupture, de les cartographier et de les prioriser, sur la base d’une liste de médicaments d’intérêt thérapeutique majeur (MITM). La liste des médicaments essentiels et stratégiques présentée en juin, « étape importante » mais critiquée aussi par la commission, doit cependant être finalisée « rapidement » et assortie « de mesures renforcées améliorant l’anticipation et la gestion des risques de pénurie ».
En parallèle, il devient indispensable de donner à l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) « les moyens humains et matériels de mieux contrôler le respect par les industriels de leurs obligations de déclaration et de constitution de stocks de sécurité » et de renforcer son pouvoir de sanctions qui, au passage, sont aujourd’hui « peu dissuasives » ou « contreproductives ».
Pointant l’« hétérogénéité », l’ « éclatement » et le « manque d’articulation » des systèmes d’information des différents acteurs de la chaine du médicament, ainsi que leur manque d’interopérabilité et « la qualité fluctuante » des informations sur les stocks et sur les flux de médicaments, la commission recommande aussi la généralisation du DP-Rupture. Elle propose par ailleurs de « systématiser le déclenchement d’alertes à destination des médecins dans les logiciels d’aide à la prescription ».
« Il nous a semblé qu’il n’y a avait pas de pilote dans l’avion », lance la rapporteure de la commission Laurence Cohen (Val-de-Marne, Communiste républicain citoyen et écologiste). C’est pourquoi il est proposé de créer un secrétariat général au médicament, placé sous l’autorité de la Première ministre, et chargé notamment de sécuriser l’approvisionnement de la France en médicaments critiques et de favoriser sa souveraineté sanitaire.
Et l’officine dans tout ça ?
Pour la mise à disposition de médicaments en cas de pénurie, la commission sénatoriale recommande le redéploiement des stocks européens, en réduisant les divergences réglementaires en matière de conditionnement ou d’étiquetage et en promouvant les notices dématérialisées.
Des mesures doivent aussi être prises quant à la fabrication en urgence de médicaments. La commission recommande d’appliquer la possibilité de réalisation de préparations hospitalières « attendue depuis 2022 », de restaurer les capacités de façonnage de l’Agence générale des équipements et produits de santé (Ageps), de favoriser le recours aux préparations des pharmacies d’officine et de créer un nouveau statut de préparations officinales spéciales pour les situations de tension d’approvisionnement ou de rupture préparations hospitalières et officinales.
Prix et volumes de médicaments
Dans son rapport, la commission d’enquête pointe elle aussi la question du prix des médicaments. « Il est urgent de valoriser davantage les médicaments matures essentiels » en fonction de l’intérêt thérapeutique, de l’implantation de la production et de l’engagement des industriels à sécuriser l’approvisionnement, fait valoir la commission. Des médicaments matures mais pas forcément « dépassés », en tout cas « délaissés » par les industriels au profit des médicaments innovants « dont les prix connaissent une augmentation effrayante », s’agace la présidente de la commission, qui réclame aussi de la transparence dans la fixation des prix.
La commission place aussi la maîtrise des volumes de consommation et l’encadrement des prescriptions comme solution pour limiter les risques de ruptures. « La promotion du bon usage doit notamment passer par la généralisation, attendue de longue date, du recours aux tests rapides d’orientation diagnostique (Trod), qui a en particulier toute sa place dans le combat contre l’antibiorésistance, récemment érigé en priorité de santé publique », notent les sénateurs. Ce qui devrait plaire aux pharmaciens.
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