« Renoncer aux soins pour combler le trou de la Sécu ? »
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« Renoncer aux soins pour combler le trou de la Sécu ? »

Publié le 9 novembre 2024 | modifié le 26 novembre 2024
Par La rédaction
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La tribune d’Emmanuel Bodoignet, président d’Aides Bourgogne-Franche-Comté.

Alors que des maires de la Nièvre interdisent à leurs concitoyens de tomber malade afin de dénoncer l’effondrement du système de santé, le gouvernement semble avoir la solution : convaincre les patients de s’abstenir de se soigner ! Il est impossible de comprendre les arcanes du pouvoir lorsque, pour freiner l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (Ondam), il est proposé d’augmenter le ticket modérateur avec un transfert de 1 milliard d’euros de charges aux entreprises, et cela « sans conséquence » !

Diminuer de 10 % la part de remboursement de la Sécurité sociale des consultations des médecins et sages-femmes et les faire prendre en charge par les complémentaires santé… Je pense que le ministre du Budget a raison d’utiliser le conditionnel lorsqu’il explique que « cette mesure devrait être invisible » !

D’après une étude de la Mutualité française, la progression des dépenses de santé et la prise en charge de certains transferts vers les organismes de complémentaire santé ont déjà entraîné une hausse moyenne des mutuelles de 8,1 % en 2024. Évidemment, l’impact de ces hausses n’est pas le même selon que l’on soit salarié chez un employeur prenant en partie le coût de la complémentaire ou retraité la payant seul.

Par ailleurs, au cours de l’été 2024, la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) a publié un panorama sur la complémentaire santé, indiquant que 4 % de la population française n’avait pas de complémentaire santé en 2019. On peut également y lire que seulement 56 % des personnes éligibles à la complémentaire santé solidaire (CSS) y ont effectivement recours. Je comprends maintenant que l’augmentation du ticket modérateur va donc probablement coûter plus cher à l’ensemble de la population, mais surtout aux plus pauvres. Une hausse insaisissable aux yeux des autorités, mais bien réelle pour les personnes malades, en situation de handicap ou encore en perte d’autonomie, surnommée restes à charges invisibles (Raci), suscite l’indignation de France Assos Santé (FAS). FAS explique que les Raci « concernent le petit matériel de soin, les produits qui soulagent ou sont nécessaires pour apaiser les effets secondaires de certains traitements, des aides techniques, des frais d’alimentation ou de médecine complémentaire… ».

Selon une enquête menée en 2019 et répétée en 2024, les Raci ont augmenté de 50 %, passant de 1 000 € à 1 557 € en moyenne. La conséquence est simple : plus de la moitié (53,2 %) des personnes ayant répondu à l’enquête déclarent avoir dû renoncer à des soins pour des raisons financières. Renoncer à la santé entraîne de multiples conséquences, pouvant nuire à l’employabilité, rendre la recherche d’emploi plus difficile, ou encore engendrer un sentiment d’exclusion et d’injustice, laissant croire que la santé est un privilège réservé aux plus riches. Renoncer à un suivi régulier chez un professionnel de santé, c’est l’arrivée, certaine, de cas plus graves aux urgences, dans un système déjà en très grande souffrance.

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Pendant que la ministre de la Santé espère que la hausse du ticket modérateur soit « la moins importante possible », le seul professionnel de santé qui va rester accessible, c’est le pharmacien d’officine. Mais cela peut-il encore tenir longtemps ? Finalement, il semble que l’augmentation du ticket modérateur ne soit pas la solution miracle pour combler le déficit de la Sécurité sociale !