Quel rôle tiendront les pharmaciens dans le plan stratégique contre les pénuries de dispositifs médicaux ?

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Quel rôle tiendront les pharmaciens dans le plan stratégique contre les pénuries de dispositifs médicaux ?

Publié le 20 mars 2025
Par Christelle Pangrazzi
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Le Gouvernement vient de dévoiler sa feuille de route 2025-2027 pour lutter contre la pénurie croissante de dispositifs médicaux (DM). Ce plan ambitieux, intitulé « Anticiper et prévenir les pénuries et améliorer la disponibilité des dispositifs médicaux en France », répond à une préoccupation majeure du secteur de la santé.

En 2024, près de 150 dispositifs médicaux ont été signalés en pénurie auprès de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), affectant de nombreux patients. Ces ruptures d’approvisionnement, moins médiatisées que celles des médicaments, touchent principalement le secteur hospitalier et concernent aussi bien des consommables courants que des équipements spécialisés.

La crise sanitaire liée au Covid-19 a exacerbé ces difficultés, révélant la forte dépendance de la France aux importations et la vulnérabilité des chaînes d’approvisionnement mondiales. La concentration du marché entre quelques grands fournisseurs et la mise en œuvre des nouveaux règlements européens ont également contribué à cette situation.

Une stratégie en quatre axes

La feuille de route s’articule autour de quatre axes complémentaires :

– identifier et surveiller les situations à risque, en assurant la promotion d’une cartographie des risques au sein des établissements de santé et en mesurant l’impact des ruptures sur la qualité des soins ;

– prévenir les situations à risque, en optimisant l’utilisation des dispositifs médicaux à moyen et long terme, et en sécurisant l’approvisionnement par différentes mesures, notamment industrielles et tarifaires ;

– anticiper les situations à risque, en sécurisant l’approvisionnement des dispositifs médicaux particulièrement utilisés lors des épidémies saisonnières et en mettant en œuvre les obligations d’information issues du règlement européen ;

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– optimiser la gestion des ruptures, en structurant l’échange d’informations entre les parties prenantes via un système d’information dédié et en identifiant des alternatives thérapeutiques.

Le rôle clé des pharmaciens dans la gestion des pénuries

Les pharmaciens, particulièrement ceux exerçant en établissement de santé, sont au cœur du dispositif de lutte contre les pénuries de DM. La feuille de route met en évidence plusieurs aspects concernant directement leur pratique professionnelle.

– participation à la cartographie des risques : les pharmaciens hospitaliers seront impliqués dans l’identification des dispositifs médicaux critiques pour leur établissement, en fonction des spécificités de l’activité médicale locale.

– optimisation des processus d’achats : l’amélioration des stratégies d’achats est explicitement mentionnée, avec un accent sur le sourcing fournisseurs et l’identification des contraintes industrielles. Les pharmaciens, souvent impliqués dans ces procédures, devront intégrer ces nouvelles approches.

– utilisation de systèmes d’information modernisés : le plan prévoit de faire évoluer les SI-Logistique/achats pour permettre une meilleure anticipation des risques de tensions d’approvisionnement via l’exploitation de signaux faibles comme les délais de livraison anormaux.

– usage d’un circuit d’information structuré : les pharmaciens seront au cœur du nouveau dispositif d’échange d’informations, tant pour remonter les signaux de tensions que pour recevoir et diffuser les informations sur les alternatives disponibles.

– gestion des alternatives thérapeutiques : le plan souligne l’importance de l’expertise conjointe des acheteurs et des utilisateurs (dont les pharmaciens) pour identifier des alternatives adaptées en cas de rupture, tout en minimisant l’impact organisationnel pour les établissements.

– collaboration avec les Omedit (Observatoires du médicament, des dispositifs médicaux et de l’innovation thérapeutique), où de nombreux pharmaciens sont impliqués et sont mentionnés comme acteurs essentiels dans le partage d’information sur les mesures de gestion des tensions.

Le plan fait également référence au rôle des pharmaciens dans la promotion du bon usage des dispositifs médicaux, notamment pour garantir une utilisation sécurisée et raisonnée, adaptée au contexte de pénurie lorsque nécessaire.

Des spécificités sectorielles prises en compte

Le plan reconnaît les particularités du secteur des dispositifs médicaux, qui diffère significativement de celui du médicament :

– un nombre de références beaucoup plus élevé (estimé entre 800 000 et 2 millions) ;

– un secteur morcelé avec de nombreuses PME et TPE ;

– une évolution technologique rapide et un cycle de vie souvent plus court ;

– des critères de criticité spécifiques liés aux caractéristiques du dispositif, à la situation clinique et au contexte industriel.

Une mobilisation collective pour la souveraineté sanitaire

Pour concrétiser cette feuille de route, le Gouvernement mise sur une mobilisation collective impliquant les autorités sanitaires, les industriels, les professionnels de santé, les associations de patients et les citoyens.

Le plan s’appuie sur les initiatives déjà lancées, comme le soutien à une trentaine de projets dans le cadre de France 2030 pour développer des capacités de production de dispositifs médicaux en cardiologie, orthopédie, ophtalmologie, diagnostic in vitro et soins courants.

Catherine Vautrin, ministre du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles, a souligné l’importance de cette démarche : « C’est un enjeu de santé publique, mais aussi un enjeu stratégique pour notre pays, car il fonde en grande partie la souveraineté sanitaire de la France et la confiance des Français vis-à-vis de notre système de santé. »

Ce plan national s’inscrit également dans une dynamique européenne, avec un soutien actif de la France pour ajuster la réglementation européenne afin d’obliger les industriels à déclarer les tensions d’approvisionnement, permettant ainsi une meilleure anticipation et une limitation des impacts sur le système de santé.