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Projet du Medef : Tous contre, sauf Madelin

Publié le 16 février 2002
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Sus au Medef ! En proposant un système de concurrence entre organismes payeurs (mutuelles, assureurs…) dans le cadre de l’assurance maladie, le Mouvement des entreprises de France s’est attiré les foudres de la classe politique.

Dans le flot de critiques, seul Alain Madelin fait entendre sa différence. Il préconise la mise en concurrence au plan local des différentes caisses, mais aussi des assureurs complémentaires. « Laissons parler le bon sens et acceptons de voir les choses en face : le système est devenu ingouvernable car il est trop lourd, trop centralisé, et ses gestionnaires n’ont aucune incitation à améliorer leur action, explique-t-il. C’est pourquoi je suis favorable à l’introduction d’une logique de concurrence au sein de l’assurance maladie. »

Jean-Marie Le Pen, plus modéré, n’accepte du projet du Medef que la concurrence sur les « petits risques ou les risques de convenance personnelle comme le sport, définis par opposition aux gros risques que recouvrent la notion d’affection longue durée ou la prise en charge à 100 % pour lesquelles la tutelle de l’Etat reste nécessaire ».

L’opposition « classique » résiste aux sirènes de l’ultralibéralisme. Ni à l’UDF ni au RPR il n’est question de démembrement du monopole de la Sécurité sociale. « Les propositions du Medef comportent un risque pénalisant pour le patient et les professionnels de santé dans l’optique d’une rentabilité du système assurantiel », estime le RPR, qui souhaite conserver le principe d’une assurance médicale obligatoire à laquelle viendrait s’adosser une complémentaire généralisée à tous les Français, déductible fiscalement et remboursable au premier franc pour les dépenses de santé actuellement non remboursées.

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« Mesures injustes, coûteuses et inefficaces »

François Bayrou comme Noël Mamère s’opposent clairement au projet du Medef, tout comme Robert Hue qui juge les mesures préconisées par les représentants du patronat à la fois « injustes, coûteuses et inefficaces », estimant que le transfert de la charge du financement des dépenses de santé des entreprises aux ménages, par le biais de la CSG, est « absolument inacceptable ».

De son côté, le parti socialiste affirme que la mise en concurrence des organismes payeurs signerait la fin, l’acte de décès de la Sécurité sociale, « qui est un pilier majeur du pacte social qui unit les Français. Il n’est pas question de le remettre en cause ».

Finalement, le Medef a peut-être trouvé ce qu’il cherchait secrètement : se placer au centre du débat politique. Pari gagné.

Claude Le Pen, économiste de la santé, commente les réponses fournies par les candidats à l’Elysée. Grinçant.

Derrière les formules et les effets, inévitables, on entrevoit des logiques politiques assez clairement différentes, même si elles sont généralement très schématiques. Le PS est plutôt content de lui. C’est le seul ! Les thèmes : tout n’est pas si mal, le système est un bon compromis entre étatisation et libéralisation, la politique de santé actuelle va dans le bon sens, même s’il convient d’en améliorer l’efficacité et la cohérence, etc. Aucun autre candidat ne partage cet angélisme. Pour le PC, l’axe Juppé-Aubry a traumatisé le monde de la santé. Ce ne sont pas en effet les dépenses de santé qui posent problème, mais la volonté de les encadrer. La solution : augmenter les ressources. Comment ? « Une taxation forte des revenus financiers des entreprises ». Il suffisait d’y penser ! Pour le FN, tout le mal vient de la confusion des genres et des rôles. Il faut rétablir l’ordre naturel des choses : des professionnels qui soignent, un Etat qui encadre, des patients qui paient ! Tout ira alors bien mieux, comme au bon vieux temps, est-on tenté d’ajouter !

Pour le reste, on apprécie les nuances : les syndicats sont des « traîtres » et la politique conventionnelle verrouille les libéraux ! Les Verts, les plus radicaux, s’en prennent au système plutôt qu’à la politique. Il faut le « refonder ». Comment ? La solution magique s’appelle « agences régionales » dont le rôle, les missions, le financement restent indéfinis. DL a également une approche institutionnelle et dénonce un système « bâtard, pseudo-libéral, prétendument conventionnel mais en réalité étatique ». La solution : trouver un meilleur équilibre entre « mécanismes de marché et régulation publique ». Bien sur, mais il reste à convaincre nos concitoyens !

Prudents, le RPR et l’UDF ne vont pas si loin. Ils partagent finalement des visions relativement proches : pas de bouleversement du système et méfiance vis-à-vis des proposition du Medef. Le problème, c’est le mode de régulation comptable. Il faut inverser la démarche en définissant des objectifs sanitaires nationaux, le financement étant assuré à travers une loi de programmation dont le contenu reste toutefois vague. RPR et UDF misent sur la confiance retrouvée des professions de santé, notamment à travers la revivification de corps intermédiaires qui ont été laminés par le pouvoir.

RPR : des pharmaciens dans « l’antichambre du pouvoir »

C’est une particularité unique. Le RPR est le seul parti politique à disposer d’une section professionnelle pharmacie. Créée au début des années 80 par Bernard Pons, alors secrétaire général du parti gaulliste, elle a pour but, comme les autres sections professionnelles du parti d’ailleurs, « de faire connaître les orientations et les propositions du RPR ». A l’inverse, ces cellules de réflexion permettent au RPR de trouver les idées qu’il développera au plan national. « Nous ne nous substituons pas aux syndicats professionnels et nous n’avons aucun rôle de lobbying, assure pourtant Xavier Nicolas, son vice-président, pharmacien, conseiller général d’Eure-et-Loir, maire de Senonches et ancien porte-parole du Collectif national des groupements de pharmaciens. Notre rôle se borne à apporter au RPR une réflexion aux problèmes actuels de la pharmacie. Nous menons une prospective politique sur ce que la nation attend du corps pharmaceutique dans son ensemble. »

Etudes, rapports, auditions de responsables de la profession, la section, qui revendique deux mille adhérents, dispose d’un budget propre « noyé dans celui du parti » et son bureau se réunit au moins quatre fois par an. Influente cette section ? Sans doute. « Certains responsables de l’ordre national des pharmaciens ont des convictions proches des nôtres, ce n’est pas un secret, explique Xavier Nicolas, avant d’ajouter : Si le RPR revient au gouvernement, la section sera alors dans l’antichambre du pouvoir. »