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Projet de loi sur la fin de vie : où sont les pharmaciens ?

Publié le 8 juin 2024
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« Alors que le projet de loi sur la fin de vie est en débat à l’Assemblée nationale, il est important de rappeler que l’“aide à mourir” est, d’une part, un subterfuge lexical qui désigne à la fois le suicide assisté et l’euthanasie avec l’accord du malade et que, d’autre part, la très grande majorité des personnels soignants au contact direct des patients en soins palliatifs, en fin de vie ou en train de mourir sont fermement opposés à ce volet du projet de loi. En point de départ, il est essentiel de revenir sur l’historique de la profession de pharmacien. Sa création remonte à août 1353 par la “jurande des apothicaires craignant Dieu” de Jean II le Bon, qui est encore aujourd’hui la base de l’organisation pharmaceutique. La création des apothicaires fait suite à une série d’empoisonnements nécessitant un gardien des poisons avec une organisation particulière qui a été confirmée tout au long de l’histoire. Quelques dates :

– 1777 : les apothicaires deviennent pharmaciens ;

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– 1791 : la loi Le Chapelier supprime les corporations mais, pour les pharmaciens, elle est rétablie au bout de trois semaines, compte tenu des empoisonnements ;

– 1802 : le Premier consul met en place les organisations médicales et pharmaceutiques que nous connaissons aujourd’hui, notamment dans le domaine de l’enseignement.

De nos jours, le pharmacien est l’expert des produits de santé (médicaments et dispositifs médicaux) pour soigner les patients (pharmacie clinique), les guérir (lorsque c’est possible), soulager leurs douleurs, éviter les effets indésirables iatrogènes, prévenir les maladies aussi bien infectieuses (vaccinations) que métaboliques et toujours « garder les poisons », comme l’énonce le serment de Galien, prononcé par tous les pharmaciens, sans parler, bien sûr, du volet fondamental de la recherche. Des activités quasiment incompatibles avec la préparation et la délivrance de substances à des fins léthales dont le pharmacien n’a aucune expérience, ce qui modifierait profondément sa relation avec les patients.

Le projet de loi sur la fin de vie prévoit la possibilité de nouvelles préparations magistrales hospitalières. Fallait-il organiser une telle problématique alors que la loi Leonetti n’est pas totalement appliquée faute d’investissements importants, notamment dans l’augmentation des suivis des soins palliatifs en France ? Cette modification profonde du rôle des pharmaciens dans le domaine de la fin de vie est tout à fait regrettable, car le fait que l’on veuille supprimer la clause de conscience, pourtant impérative dans ce cas-là, va à l’inverse des formations assurées au futur pharmacien.

En effet, la loi dite de “fin de vie” est faite par des bien portants. Or, toutes celles et tous ceux qui ont une expérience de la fin de vie à l’hôpital savent très bien que les patients ne veulent pas d’accélération vers la mort, hormis quelques cas exceptionnels (grande insuffisance respiratoire, par exemple). Il faut développer prioritairement les soins palliatifs dont nous manquons dramatiquement (22 départements n’ont pas de structures adaptées). Des efforts importants doivent être conduits pour traiter plus efficacement les douleurs en ambulatoire comme en établissement.

Enfin, ce projet de loi n’évoque nulle part le rôle du pharmacien dans la conception, la préparation et la dispensation de produits de santé (médicaments et dispositifs médicaux) pour soulager la douleur et participer aux soins palliatifs (incompétence des auteurs, non-concertation, etc.). A minima, il nous paraît donc impératif de rétablir la clause de conscience qui doit permettre, en tout état de cause, d’avoir un consensus véritable sur quelques besoins de fin de vie particuliers et de revenir à une rédaction plus conforme aux réalités du terrain. »