Socioprofessionnel Réservé aux abonnés

Prêts pour la loi HPST

Publié le 11 décembre 2010
Par Francois Pouzaud
Mettre en favori

Les approches et les actions liées à la loi HPST sont au cœur des stratégies des groupements. Ils y consacrent des moyens à la hauteur de l’enjeu. Expériences rapportées de neuf groupements, et plan d’action du CNGPO.

Devant le poids des exigences requises pour prendre le virage de la loi HPST (investissement en temps, en formation, en démarche qualité, en personnel…), les groupements sont sur le pied de guerre et cherchent à s’en donner les moyens.

Forum santé

« Nous menons de longue date des actions au sein de l’enseigne pour anticiper l’arrivée de la loi HPST », explique Pierre-François Charvillat, directeur général adjoint de Forum santé, faisant référence aux actions de formation, au « mémo conseil », aux « rencontres Forum santé » avec les patients. Des rencontres sont également organisées dans les officines avec d’autres professionnels de santé : sage-femme, puéricultrice, diététicien. L’offre Forum santé « Loi HPST » est déclinée en outils qui « contribuent à enrichir la relation personnelle du pharmacien avec le patient et à promouvoir l’enseigne, ajoute Pierre-François Charvillat. Tout cela n’aurait pas de sens si ce n’était pas accompagné par une démarche de qualité et de labellisation pour accroître la crédibilité de l’enseigne. Forum s’est engagé parmi les premiers dans la démarche de certification qualité ISO QMS pharma. Nous voulons éviter tout risque de fausse promesse faite au public ».

Giphar

Le plus ancien des groupements de pharmacies s’est déjà bien positionné sur le terrain des nouvelles missions. « Nous nous y intéressons dans la continuité de nos différentes campagnes de dépistage et de sensibilisation des patients, indique Jean-Michel Foiret, vice-président du bureau national Giphar. Dans le cadre du “niveau d’exigence minimum obligatoire” (NEMO) de l’enseigne, obligation est faite à nos adhérents de proposer trois rendez-vous santé dans l’année pour sensibiliser les patients au dépistage du diabète, de l’hypertension et de pathologies respiratoires (asthme). » Le NEMO poursuit des objectifs éthiques et professionnels, ce qui n’empêche pas d’avoir en parallèle une démarche à visée économique. « Ces rendez-vous évoluent vers des actes calibrés, formatés et pour lesquels les équipes sont obligées de se former. Ils devront donc être réalisés moyennant une rémunération. Nous voulons prouver aux ARS que nos actions sont sources d’économies de santé. » Ce n’est pas le seul dossier que Giphar compte présenter aux ARS. « Nous travaillons la piste de la préparation des doses à administrer (PDA) à l’officine pour des patients hors EHPAD et de sa rémunération. »

Le logiciel commun des pharmaciens Giphar permet aussi d’avoir des petites attentions à l’égard des clients en leur adressant des alertes par SMS sur des actions santé ou d’observance.

« Le service MAD “FacilÔdom” permet aux adhérents d’aller au chevet du malade et de lui proposer un accompagnement de professionnel de santé », cite-t-il encore. La plate-forme de e-learning est un élément moteur du projet HPST de Giphar, car il est le garant d’une promesse de compétence des équipes officinales (titulaire compris) 100 % lisible et crédible pour le patient-consommateur. « 2011 sera une année de consolidation de toutes les actions que le groupement a lancées et qui prendront leur ampleur grâce à la mise en commun concertée des moyens de l’enseigne et à la discipline de groupe. »

Giropharm

« Tant dans les réalisations que dans les projets 2011, la loi HPST est au cœur de nos préoccupations, et Giropharm a anticipé cette loi et proposé avant la dite loi une large palette de services à ses adhérents pour faire face aux mutations du métier de pharmaciens », présente Anne Pointcheval, directrice marketing opérationnel de Giropharm. Le groupement densifie ses services sur le cœur de métier des pharmaciens, sur le soin de premier recours et sur l’éducation thérapeutique. La boîte à outils et services HPST est déjà bien garnie : opération « 1ers soins – 1ers secours », installation dans toutes les officines du groupement de défibrillateurs automatiques d’ici à mai 2011, engagement dans le dépistage du diabète avec l’AFD depuis bientôt neuf ans, création dans les officines Giropharm d’une zone de dépistage, lancement en 2010 du « Fil rouge nutrition » et d’outils de conseils nutrition développés en lien avec les opérations thématiques du mois, partenariat avec Allianz signé par 50 % des officines Giropharm en 2009, avec la rémunération de 4 conseils par an à 5 euros par pièce.

Publicité

A la fin de 2010, l’offre de services s’enrichit avec la Giro TV, qui diffuse des informations sur des thématiques santé. Pour aborder l’éducation thérapeutique, Giropharm mise sur la formation et la qualité : la démarche qualité ISO/QMS démarrera en janvier 2011 et sera déployée dans les pharmacies Giropharm dans le courant de l’année. La demande d’agrément de trois formations dans le cadre de la Formation continue conventionnelle (FCC) : cancer, risques cardio-vasculaires et diabète, correspond à une volonté stratégique du groupement. En janvier également, les pharmaciens Giropharm proposeront aux adultes un carnet de santé qui servira d’outil de suivi régulier.

Enfin, le concept du point de vente Giropharm évolue en 2011 (nouvelle identité visuelle, création d’un espace de confidentialité sous forme de paravent amovible ou d’espace séparé de la surface de vente, kit expert… pour être bien en phase avec la loi HPST.

Ifmo

« L’éducation thérapeutique du patient (ETP), telle que définie dans la loi HPST, est un véritable soin, pour lequel le pharmacien doit être formé et doit travailler géographiquement en pluridisciplinarité selon des protocoles bien déterminés. » Jean-Luc Bury, président du directoire d’Ifmo, constate que beaucoup de ses confrères parlent d’ETP alors qu’au mieux ils font de l’éducation santé. « Toutes les démarches d’ETP, de la plus simple à la plus compliquée, ne peuvent se faire sans formation, sans expérience, sans partage des pratiques professionnelles, sans traçabilité et reproductibilité (démarche qualité). »

Ifmo a pris les devants en créant en Alsace une association de développement de l’ETP. A titre expérimental, cinq pharmaciens sont déjà rémunérés pour cette nouvelle mission. « Ils perçoivent 50 € par rendez-vous, soit 250 € pour un suivi du patient qui en comporte 5 par », détaille Jean-Luc Bury.

L’association bénéficie du fonds d’investissement de la qualité et de la coordination des soins (FIQCS), et l’enveloppe financière allouée couvre le coût de la formation et la rémunération du pharmacien, qui peut éduquer et suivre huit patients au maximum. La formation complète comprend un module d’une journée sur l’apprentissage de la méthode ETP et quatre modules spécifiques à thème (asthme, diabète, hypertension artérielle, sommeil). Ces cinq pharmaciens stagiaires ont participé à la création d’outils pédagogiques, tant pour eux-mêmes que pour les patients. Ils seront rejoints en 2011 par d’autres pharmaciens expérimentateurs de l’ETP.

Pharmactiv

Pharmactiv organise aussi des opérations concrètes d’éducation thérapeutique. « Un certain nombre de dispositifs, d’outils et de programmes de formation existent déjà », souligne Lila Ouaged, responsable marketing point de vente chez Pharmactiv. On peut citer le programme de suivi personnalisé du patient diabétique et son kit composé d’un guide pour la conduite de l’entretien individuel, d’une fiche de suivi de traitement, de documents à remettre au patient, le pharmacien Pharmactiv étant pour sa part « coaché » par un « responsable formation ».

Le patient est au cœur de ce programme. « Nous avons travaillé avec des psychologues sur le choix des mots pour aider les pharmaciens à décoder les formulations du patient diabétique, à positiver leur discours auprès d’eux et à construire une communication efficace qui favorise la compréhension et l’observance du traitement », explique-t-elle. Ainsi aguerris aux techniques d’entretien, les pharmaciens éduquent les patients diabétiques et font naître chez eux les bons réflexes. Avec un an de recul, Pharmactiv dispose d’un modèle abouti et duplicable pour la prise en charge de l’asthme, des maladies cardio-vasculaires, du sevrage tabagique, de l’iatrogénie médicamenteuse, qui font partie des priorités 2011 du groupement. La loi HPST donne également de nouvelles orientations aux soirées de formations « Celle sur l’ostéoporose réunit des pharmaciens, un rhumatologue, une infirmière et une association de malades, la tendance sera de systématiser ces rapprochements nécessaires à la coordination des soins et au travail en réseau », ajoute Lila Ouaged. A côté des formations, Pharmactiv développe pour petits et grands un carnet de traitement et poursuit l’implantation d’espaces de confidentialité dans les pharmacies au label Pharmactiv Optimum.

Pharmodel

Les réalisations de Pharmodel s’inscrivent dans le droit fil de cette loi qui consacre le rôle du pharmacien acteur de santé de premier recours : sessions d’e-learning sur le portail Pharmoweb depuis deux ans, lancement en décembre 2010 de modules de formation sous forme de séquences vidéo disponibles sur Pharmoweb TV, déploiement au sein du réseau du programme exclusif Pharm’expertise (panneaux vitrines autour d’une vingtaine de thèmes de santé publique, fiches consommateurs), doublé d’une seconde vague début 2011.

« Nous sommes clairement dans une démarche reliée à l’éducation thérapeutique du patient », précise Rafaël Grosjean, président de Pharmodel. Ce groupement a pris contact avec divers laboratoires pharmaceutiques éthiques afin de développer des projets de collaboration visant à inclure le pharmacien et son équipe dans des actions de santé publique, avec un double objectif : « Il s’agit non seulement d’améliorer l’état sanitaire d’une population donnée, mais encore de tenter d’en diminuer le coût de prise en charge. Nous avons la conviction que les ARS seront intéressées par ces démarches et que certains projets bénéficieront de leur soutien. »

Dans le même ordre d’idée, Pharmodel participe avec le CNGPO au déploiement d’une opération de dépistage du risque cardio-vasculaire en officine. « L’idée est de mesurer cinq facteurs de risque cardio-vasculaire, et de collecter toutes ces mesures via un site dédié pour établir auprès des autorités de tutelle la capacité du réseau officinal à œuvrer en matière de prévention. » Pharmodel est en contact avec nombre d’acteurs à l’étranger (Suisse, Belgique, Angleterre), d’une part pour étudier les prestations réalisées en pharmacie et les rémunérations afférentes, d’autre part pour assurer une qualité de déploiement renforcée par l’échange d’expériences. Enfin, comme d’autres groupements, Pharmodel pense que la démarche qualité (certification ISO9001) sera la clé pour accéder à ces nouvelles missions de santé publique et à l’éventuelle rémunération qui y sera associée.

PHR

PHR a depuis plusieurs années anticipé et intégré cette mutation tout en rendant lisible la différenciation et le positionnement de ses deux enseignes à l’égard du patient consommateur. Son offre phare, Team Pharma, permet à tout pharmacien de mettre en œuvre la loi HPST et ses nouvelles missions. Ce groupement d’employeurs permet aux pharmaciens membres de disposer à la carte d’une diététicienne au service des clients dans l’officine, de rencontres personnalisées et de nouveaux services adéquats (identification et prévention des facteurs de risque, accompagnement et éducation des patients chroniques, préconisation de conseils adaptés et personnalisés…).

Le groupe PHR a procédé à un audit HPST auprès de ses adhérents pour savoir s’ils remplissent tout ou partie des quatre missions obligatoires et des trois missions facultatives, et quels outils ils utilisent, en vue d’inventorier les besoins non satisfaits et de mieux les accompagner individuellement. Pour Lucien Bennatan, président du groupe PHR, « aucun service est inutile ou superflu pour construire le présent et pérenniser le métier. L’enjeu de demain est de passer d’un pharmacien dispensateur à un pharmacien acteur de santé producteur de services et de valeurs, dans l’intérêt du patient et des payeurs ».

Les projets dans les cartons de 2011 sont nombreux : déploiement des consultations de prévention, d’éducation santé et d’analyse de facteurs de risque réalisées par des infirmières, recrutement de pharmaciens spécialistes en éducation thérapeutique, développement d’un site payant de suivi patients accessible aux autres professionnels de santé, mise en place d’une solution PDA, développement de services et d’outils consacrés aux pathologies des seniors, déploiement du logiciel expert Oncofficine pour la prise en charge des patients cancéreux à l’officine, lancement d’une plate-forme d’e-learning et de l’Ordo Conseil LGPI, mise en place de formations professionnelles réalisées par des diététiciennes et des infirmières sur la micronutrition, le diabète, la gérontologie, l’obésité…

Lucien Bennatan veut aller vite et se lancer dans la vente d’expertises et d’actes standardisés sans attendre le coup d’envoi officiel : « On ne retiendra que les premiers, c’est pourquoi PHR va s’engager le plus vite possible dans les services et auprès des ARS. »

Plus Pharmacie

Les premières actions de Plus Pharmacie en matière de prévention et de veille sanitaire datent de 1992 (avec la campagne « Sortez couverts »). Aujourd’hui, les missions de 1er recours, de prévention, de dépistage, d’éducation thérapeutique ou d’accompagnement restent un axe stratégique du groupement. Bilan : plus de 1 800 collaborateurs formés en 2009, mise en place de défibrillateurs dans les officines du groupe, développement de la nutrithérapie et de l’éducation thérapeutique des personnes dans leur hygiène de vie, etc.

En 2009 et en 2010, Plus Pharmacie a multiplié les initiatives et les partenariats, qui trouveront un prolongement en 2011 : partenariat avec les organismes payeurs et création de paniers de soins « économes » par pathologies, avec le CNGPO et l’Hôpital européen Georges-Pompidou, à Paris, sur le risque cardio-vasculaire pour la réalisation, suivant la méthode Framingham, d’une étude permettant de mesurer l’impact du dépistage, participation à des études cliniques sur le DNID, l’hypercholestérolémie, en collaboration avec l’hôpital parisien de la Salpêtrière et le CNRS…

Pour 2011, « nous nous préparons à la télémédecine avec des sites Internet pour le groupe et chaque point de vente, avec la création sur I-Phone et autres smartphones d’applications spécifiques à Plus Pharmacie, sans oublier le développement du dossier pharmaceutique, livre Bernard Doutres, le nouveau président de Plus Pharmacie. Les autres chantiers du groupe seront l’étude de marché concernant les robots de PDA pour nos pharmacies desservant des EHPAD, la préparation au développement professionnel continu avec notre propre structure de formation et le développement d’une démarche qualité spécifique : la charte QualiVie, et enfin, la préparation à une certification qualité collective pour une excellence dans le service rendu et pour garantir une homogénéité de prestations « haut de gamme » digne d’un réseau d’envergure nationale. »

Le groupe a aussi la volonté d’être présent dans chaque ARS, au sein des URPS, avec des candidats en tête de liste dans chaque région afin de participer à la construction d’un nouveau système de santé, et surtout d’être des acteurs pivots en coordination avec toutes les professions médicales et médico-sociales.

Univers Pharmacie

« Avec nos experts, nous avons modélisé en interne les différents points soulevés par le nouveau challenge de la loi HPST, informe Daniel Buchinger, président d’Univers Pharmacie. Nous avons la chance d’avoir dans nos rangs des experts dans différents secteurs clés, comme l’oncologie. Lors de nos conférences téléphoniques hebdomadaires, nous leur avons demandé de concevoir un schéma en conformité avec la loi HPST, chacun dans sa spécialité, afin de pouvoir ensuite le modéliser dans chacune des pharmacies Global ou Univers pharmacie. De plus, nous avons sollicité une aide juridique extérieure pour ne pas omettre un seul aspect de la conformité. C’est la force de notre groupe que d’être capable de réunir la complémentarité des savoirs au sein d’une seule entité pour pouvoir intégrer ce nouveau service. »

Point de vue

Collectif des groupements

Pour Pascal Louis, président du CNGPO, « la loi HPST est une opportunité que le collectif a déjà su saisir et qu’il faut faire fructifier ». Pascal Louis pense qu’il ne faut pas attendre les décrets relatifs au pharmacien correspondant pour se mettre en ordre de marche.

« Le système de soins vient de se réorganiser avec la mise en place des ARS. Le CNGPO entend bien profiter de cette nouvelle donne pour leur proposer, par exemple, des opérations de dépistage ou de prévention clé en main. Au travers de ses 15 groupements adhérents, le CNGPO représente près de 11 000 pharmacies réparties sur l’ensemble du territoire. Ce maillage lui permet d’être réactif sur un plan régional ou national suivant le besoin. C’est un atout de taille dont nous allons nous servir pour convaincre et pour en faire bénéficier l’ensemble de la profession. »