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Politique du médicament : les mauvaises notes de la France

Publié le 8 juillet 2023
Par Magali Clausener
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En matière d’accès aux médicaments et d’attractivité, la France est un élève très moyen au sein de l’Europe. C’est la conclusion de l’observatoire mis en place par le Leem.

 

Les résultats présentés le 27 juin par le Leem (Les Entreprises du médicament) et le cabinet Roland Berger qui a mené l’étude, ne sont pas brillants. L’observatoire de l’accès aux médicaments et de l’attractivité, dont c’est la première édition, révèle qu’en matière d’accès aux médicaments un tiers de ceux ayant reçu une autorisation de mise sur le marché (AMM) européenne entre 2018 et 2021 ne sont pas disponibles pour les patients français à fin 2022, contre 13 % en Allemagne. Sur les 35 % de médicaments non disponibles en France, cet outil de mesure, piloté par le Leem, relève que 10 % n’ont pas obtenu une évaluation permettant un remboursement et 13 % des dossiers sont en attente d’une évaluation par la Haute Autorité de santé (HAS) ou en cours de négociation de prix. Dans les 11 % restants, les industriels ont renoncé à déposer un dossier de demande de remboursement.

Des délais extrêmement longs

 

Pour 69 % des nouveaux médicaments ayant obtenu une AMM entre 2017 et 2021, dont l’inscription au remboursement n’est toujours pas publiée au Journal officiel (JO), la négociation de prix se poursuit, plus de 500 jours après la date de publication de l’avis de la commission de la transparence de la HAS. De fait, hors accès précoce, les patients français ont accès aux nouveaux médicaments en moyenne 380 jours après les Allemands, 179 jours après les Anglais, 72 jours après les Italiens mais 121 jours avant les Espagnols. Malgré une réduction de 22 jours entre 2019 et 2022, le délai d’évaluation par la HAS (médiane de 140 jours) dépasse le délai légal européen de 90 jours dans 85 % des cas. Celui de négociation du prix avec le Comité économique des produits de santé (CEPS) atteint 252 jours et le délai administratif de publication des prix au JO est de 110 jours en 2021.

 

Selon les industriels interrogés, les principales causes à l’origine des ruptures de stock sont les aléas liés à l’approvisionnement en matières premières (27 %) et ceux liés à la distribution (27 %). Par ailleurs, pour 19 % des répondants, les tensions sur les marchés d’autres pays ont été identifiées comme une cause principale, tandis que pour 12 % d’entre eux, cela était considéré comme une cause secondaire. De plus, 68 % des répondants ont signalé des ruptures de stock au sein de leur entreprise au cours des deux dernières années, celles-ci ayant duré en moyenne 68 jours.

 

Enfin, les principales causes d’arrêt de commercialisation remontées par les industriels sont la rupture de l’équilibre économique ou la rentabilité insuffisante (54 %) et la pénétration insuffisante du marché (15 %). L’arrivée d’un générique peut aussi conduire à un arrêt de commercialisation. Dans 4 % des cas, il s’agit de la principale raison et dans 12 % d’une raison mineure.

Une attractivité moyenne

 

La volonté du gouvernement de développer la recherche et le développement (R & D), de relocaliser ou d’augmenter les capacités de production va-t-elle jouer ? Pas si sûr. En effet, les investissements en R & D ont été maintenus au même niveau entre 2020 et 2021 (+ 1 %), sachant que les deux tiers sont consacrés aux produits biologiques, et 64 % des entreprises ayant répondu à l’enquête anticipent une stabilité de leurs investissements en R & D dans les trois ans à venir.

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Pour 55 % des répondants, la régulation constitue le principal frein au développement de la R & D. Les investissements de production sont aussi stables en 2021 et sont essentiellement consacrés à l’augmentation ou à l’adaptation des capacités existantes. Surtout, 77 % des entreprises adhérentes au Leem et répondantes jugent peu probable d’investir en France d’ici trois ans, le pays n’étant pas perçu comme un terrain propice aux investissements. La pression budgétaire (clause de sauvegarde et baisses des prix), l’inflation des coûts (notamment salariaux) et l’imprévisibilité (en particulier la difficulté à anticiper la rentabilité financière) sont les trois raisons du manque de confiance des entreprises.