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PLFSS de rigueur

Publié le 3 novembre 2007
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Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2008 a été adopté mardi à l’Assemblée nationale par 294 voix pour, 213 contre et 5 abstentions. La mesure phare en reste les franchises, mais de nombreux points toucheront directement ou indirectement l’officine. Tour d’horizon.

L’ONDAM sera en hausse de 2,8 % en 2008, à 152 milliards d’euros, dont 70,6 milliards pour la ville et 67,7 milliards pour l’hôpital, 5,4 pour les maisons de retraite, 7,4 pour les établissements pour handicapés… En cas de déclenchement de l’alerte sur un risque sérieux de dépassement de l’ONDAM de plus de 0,75 %, toute mesure conventionnelle de revalorisation des professionnels de santé sera suspendue pendant au moins six mois.

– Franchises de soins. Il s’agit de LA mesure emblématique de ce PLFSS, en termes de politique de santé : 50 centimes par boîte de médicament et acte paramédical et 2 euros par transport sanitaire, avec un plafond annuel total de 50 euros. Les bénéficiaires de la CMU, les mineurs et les femmes enceintes en seront exonérés (15 millions de personnes). « Nous avons choisi de peser sur les dépenses les plus dérivantes. La consommation de médicaments […] et les transports sanitaires », a expliqué Roselyne Bachelot lors des débats. Ses 850 milliards doivent être consacrés à la prise en charge de l’Alzheimer, du cancer et aux soins palliatifs. La répartition serait de 235 milliards pour la ville, 366 milliards pour les établissements de santé, 89 pour les soins palliatifs et 160 pour le secteur médicosocial.

Les complémentaires pourront prendre en charge les franchises mais sans les incitations fiscales des contrats responsables.

– Transferts favorisés, créations hypothéquées. L’article 39 est censé favoriser les regroupements de pharmacies, avec un gel des licences pendant 5 ans (l’article initial prévoyait 10 ans). L’exposé des motifs notait que « les pharmacies sont de trop petite taille pour développer de nouveaux services ». La ministre de la Santé a donné un autre argument, des plus limpides : « Si on veut abaisser le coût de la distribution, qui est plus élevé en France qu’ailleurs, il importe de procéder par ordre, c’est-à-dire de diminuer en premier lieu le nombre des points de vente pour pouvoir agir ensuite sur les marges. » La ministre en a profité pour présenter la densité officinale en Europe (1 pour 3 300 habitants, 1 pour 4 000 en Allemagne) comme une tendance à suivre…

– Avec cet article, « les créations restent possibles », mais :

– seulement dans les communes dépourvues d’officines et en zones sensibles (zone franche, zone urbaine sensible ou zone de redynamisation urbaine) ;

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– et uniquement si aucun transfert ou regroupement ne s’y est fait dans les deux ans suivant un recensement général ou complémentaire.

De fait, l’article 5125-11 du Code de la santé, qui décrivait les conditions de créations, ne parle pour ainsi dire plus des ouvertures de pharmacies qu’en termes de transfert ou de regroupement. Une manière de couper court par avance aux créations que laissait présager le recensement à venir en 2008-2009.

– Trois conditions d’ouverture possibles :

– dans les communes de plus de 2 500 habitants sans officine, une ouverture est possible par voie de transfert ;

– dans les communes de plus de 2 500 habitants disposant déjà au moins d’une officine, une autorisation peut se faire par transfert ou regroupement par tranche de 3 500 habitants recensés (ce qui traduit une augmentation du quorum) ;

– dans les communes de moins de 2 500 habitants qui ont perdu leur dernière officine, un transfert peut être autorisé si la population desservie est de 2 500 ou plus.

– Un transfert sera possible dans toute la France si la commune d’origine a moins de 2 500 habitants quand elle n’a qu’une officine, ou si elle dessert « un nombre d’habitants par pharmacie supplémentaire inférieur à 3 500 » quand il y a plusieurs officines.

– L’article 5125-12 du Code de la santé, qui établissait le rôle des cartes départementales (décrivant comment l’officine d’une commune de moins de 2 500 habitants dessert les communes environnantes), est abrogé ! Tout est donc fait pour assécher les implantations dans les petites communes.

– De plus, les créations sont gelées pendant 2 ans à compter du 1er janvier 2008.

– Enfin, en cas de cessation d’activité non déclarée d’une officine, le préfet pourra déclarer la licence caduque au bout d’un an.

– Grands conditionnements : le retour. Un amendement stipule que « lorsqu’un traitement est prescrit pour une durée d’au moins trois mois, y compris au moyen du renouvellement multiple d’un traitement mensuel, et qu’un grand conditionnement est disponible pour le médicament concerné, le pharmacien doit délivrer ledit conditionnement ». En pratique, si le médecin précise sur une ordonnance « qsp un mois, renouvelable deux fois », il faudra délivrer le conditionnement le plus économique.

– DMP et DP : séparation consentie. « Dossier mal parti », « Douste m’a planté », les surnoms ont fusé pour désigner le dossier médical personnalisé. Un amendement a été voté, qui à disjoint le DMP du dossier pharmaceutique (DP) au motif que ce dernier apparaît dès maintenant opérationnel et qu’il « convient de permettre sa mise en oeuvre au niveau national sur la base d’un décret spécifique, sans préjudice de son rôle d’alimentation du DMP ».

– Mesures renforcées contre la fraude. Suivi de près des arrêts de travail, possibilité pour l’Assurance maladie d’obtenir des informations auprès des établissements bancaires, des fournisseurs d’énergie ou des opérateurs de téléphonie, extension du contrôle médical à l’AME comptent parmi les mesures adoptées. De nouvelles amendes renforceront la lutte contre la fraude sociale et la travail illégal.

– Vaccinations sans prescription. Les infirmiers auront finalement le droit d’effectuer certaines vaccinations sans prescription médicale. Liste et modalités en seront fixées par décret. La mesure, soutenue par les syndicats de pharmaciens, sera au moins appliquée pour les vaccins antigrippe. Les médecins garderont la main sur la première injection afin de voir si l’état de santé est compatible avec la vaccination.

– Nouvelles rémunérations ? La possibilité de mettre en place des expérimentations portant sur de nouveaux modes de rémunération des professionnels de santé a été approuvée. Elles viseront prioritairement les généralistes, les spécialistes et « quelques paramédicaux comme les infirmiers ». Leur durée maximale n’excédera pas 5 ans. A quand les pharmaciens ?

– Une HAS médicoéconomique. Les députés ont validé l’attribution à la Haute Autorité de santé d’une mission d’évaluation médicoéconomique. Un amendement a été adopté pour améliorer l’information des médecins sur les prix des médicaments qu’ils prescrivent. « Les médecins pourront ainsi comparer les coûts et […] choisir les médicaments les moins chers à efficacité comparable », a souligné Valérie Létard, secrétaire d’Etat chargée de la solidarité.

– Etudes post-AMM obligatoires. Les laboratoires seront sanctionnés s’ils ne conduisent pas d’études post-AMM dans les temps requis. Sanctions qui pourraient conduire à une baisse de prix du médicament concerné.

– CMU et médecins traitants. Un amendement subordonne la prise en charge au titre de la CMU à la désignation d’un médecin traitant. En revanche, l’amendement prévoyait aussi de supprimer le remboursement en cas de refus des génériques. Cette disposition a été rejetée.

Des prix par catégorie de produits !

La très active pharmacienne et députée socialiste Catherine Lemorton a proposé un amendement visant à créer une liste des équivalents thérapeutiques, vu les possibilités de contournement du Répertoire des génériques. Amendement repoussé car « il n’existe pas de définition juridique des équivalents thérapeutiques », explique Roselyne Bachelot. Un tel répertoire est donc « prématuré ». « Par ailleurs, le CEPS mettra en oeuvre dès que possible une politique de cohérence des prix par catégorie de médicaments. » En marche pour des prix à la classe thérapeutique ?

Le PS n’a pas profité de sa majorité pour voter contre !

A rire ou à pleurer ? Le député socialiste de Paris Jean-Marie Le Guen, président de séance, a dû suspendre à trois reprises les travaux de l’Assemblée le 26 octobre… car l’UMP était minoritaire lors de l’examen du PLFSS ! Pour gagner du temps, la ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, s’est lancée dans une longue intervention, lisant des passages de rapport. « Vous n’allez pas nous lire le Bottin », a lancé un député de l’opposition. Plusieurs députés UMP sont venus ensuite remercier Jean-Marie Le Guen de sa mansuétude lors d’une suspension de séance…

Repères

La balance des quatre branches en 2007

Maladie : – 6,6 MdEuro(s) (- 5,9 en 2006)

Vieillesse : – 4 MdEuro(s) (- 1)

Famille : – 0,5 MdEuro(s) (- 0,8)

Accidents du travail et maladies

professionnelles : – 0,3 MdEuro(s) (- 0,1)

Déficit de la Sécurité sociale : – 11,4 MdEuro(s) (- 7,8)

Prévision pour 2008

Maladie : – 4 MdEuro(s)

Vieillesse : – 4,2 MdEuro(s)

Famille : + 0,3 MdEuro(s)

Accidents du travail et maladies

professionnelles : + 0,3 MdEuro(s)

Déficit de la Sécurité sociale : – 7,6 Md