PLFSS 2025 : les pharmaciens seront-ils gagnants ou perdants ?

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PLFSS 2025 : les pharmaciens seront-ils gagnants ou perdants ?

Publié le 19 février 2025
Par Sana Guessous
Après de nombreux débats, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2025 a été adopté le lundi 17 février. Parmi les dispositions clés, plusieurs concernent directement l'exercice officinal : remises sur les biosimilaires, lutte contre les ruptures d'approvisionnement, mesures anti-fraude... Tour d'horizon.

Le PLFSS pour 2025 redessine certains aspects de l’exercice officinal. Remises sur les biosimilaires, lutte contre les pénuries, renforcement de la traçabilité… Ce texte, crucial pour l’économie du médicament, comporte à la fois des avancées pour les pharmaciens et des points de vigilance.

1. Remises biosimilaires : une avancée attendue

Le PLFSS 2025 entérine la possibilité pour les pharmaciens d’officine de bénéficier de remises à l’achat sur les médicaments biosimilaires et hybrides. « Une mesure gagnant-gagnant pour les pharmaciens et l’Assurance maladie dans un contexte économique difficile », défendent les parlementaires.

Pour l’heure, l’impact financier de cette mesure reste incertain. « Tout dépendra du niveau des remises et du nombre de molécules concernées », analyse Pierre-Olivier Variot, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO). Néanmoins, certains experts estiment que l’enveloppe pourrait représenter plusieurs centaines de millions d’euros pour le réseau officinal.

Autre mesure positive pour le réseau officinal, le raccourcissement de deux à un an du délai d’inscription des groupes biologiques similaires sur la liste des groupes substituables. « Plus la substitution est rapide, plus l’Assurance maladie réalise d’économies et plus les industriels peuvent lancer la fabrication des médicaments », explique Jérôme Koenig, directeur général de l’USPO.

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2. Des efforts d’économies renforcés sur les médicaments 

Si la baisse du taux de remboursement des médicaments par l’Assurance maladie a été abandonnée, les efforts d’économies sur le médicament restent une priorité. En 2025, la Caisse nationale de l’Assurance maladie (Cnam) vise 420 millions d’euros d’économies, contre 85 millions en 2024. Comment les obtenir ? Par le biais des baisses de prix exigées par le Comité économique des produits de santé (CEPS) et la déprescription.

« Ces coupes fragilisent l’ensemble de la chaîne du médicament. Pharmaciens, industriels, grossistes-répartiteurs… Nous sommes tous sous pression. Il est urgent de rechercher des économies ailleurs, par exemple sur les transports sanitaires », alerte Yorick Berger, responsable des relations avec la chaîne du médicament à la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF).

3. Lutte contre les ruptures d’approvisionnement : un arsenal renforcé

Face aux tensions d’approvisionnement croissantes, le PLFSS 2025 prévoit la généralisation de l’outil DP-Ruptures à tous les acteurs de la chaîne du médicament. « L’ensemble des acteurs pharmaceutiques va devoir déclarer les ruptures, y compris les industriels. Si le pharmacien et le grossiste déclarent une rupture et que l’industriel n’en déclare pas, nous saurons que la rupture a lieu entre l’industriel et le grossiste. Et si toute la chaîne déclare une rupture, on saura que ça vient de l’industriel. En revanche, l’outil ne permettra pas de savoir où se trouvent les stocks », explique Pierre-Olivier Variot.

Autre avancée majeure :  la possibilité pour les officines de substituer un médicament d’intérêt thérapeutique majeur (MITM) en cas de risque de rupture (mais on attend toujours la liste !), et non plus seulement en cas de rupture avérée. En outre, la dispensation à l’unité sera imposée pour certains médicaments en pénurie, une mesure jugée « très chronophage » et contre-productive par la profession. « Il aurait été plus judicieux que les fabricants adaptent leurs conditionnements aux prescriptions », estime Jérôme Koenig. 

Le PLFSS prévoit également que la dispensation conditionnelle devienne obligatoire en cas de rupture ou de tension d’approvisionnement. « Cette mesure est bienvenue et devrait permettre de réduire les pénuries d’antibiotiques notamment. Mais il faut que les médecins jouent le jeu, en mentionnant par exemple “Si test Covid/Grippe négatif” dans l’ordonnance. Pour l’instant, ces mentions demeurent absentes des prescriptions  », assure Guillaume Racle, délégué à l’économie pour l’USPO.

Enfin, le texte de loi renforce également les sanctions contre les laboratoires et les grossistes qui ne respectent pas leurs obligations de stocks. Le plafond des sanctions de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) passe ainsi de 30 % à 50 % du chiffre d’affaires. « Les industriels du médicament doivent assumer leur responsabilité sociétale et pas seulement faire du business, assure Guillaume Racle. Ces sanctions sont donc une bonne chose. Cela dit, les inspections de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) ne révèlent pas la couverture moyenne des stocks mais leur état à un moment T. Nous avons besoin d’une transparence quotidienne sur les stocks. Il faudrait aussi que l’industriel ne garde pas ses stocks de peur d’être sanctionné, et que nous puissions les utiliser en cas de pénurie. » 

4. « AGLP-1 » : une extension prévue en 2026

Malgré la fronde des médecins, le dispositif d’accompagnement à la prescription des analogues du GLP-1 (AGLP-1) est entériné. D’ici 2026, son champ d’application s’étendra à d’autres produits de santé jugés coûteux notamment au-delà de 300 euros. « Pour l’instant, je ne sais pas à quelles molécules va s’appliquer ce dispositif. Nous n’avons pas les bonnes indications, le document est très facilement falsifiable et les hôpitaux, qui n’ont pas Ameli pro, vont devoir faire un papier manuscrit.», critique Pierre-Olivier Variot. Yorick Berger partage cette inquiétude : « Ce formulaire va nous faire perdre du temps sans garantie d’efficacité ».

5. Carte Vitale numérique : généralisation en octobre 2025

L’application Carte Vitale, actuellement en phase de test dans 23 départements, sera déployée à l’échelle nationale en octobre 2025. Grâce à une double authentification, elle vise à lutter contre la fraude en garantissant l’identité de l’assuré. En effet, la Sécurité sociale estime à 2,6 millions le nombre de cartes vitales en surnombre sur le territoire.

6. Contrôler la financiarisation

Face à la menace de la financiarisation qui pèse sur le réseau officinal, le PLFSS « met en avant les engagements pris dans les conventions conclues avec les professionnels de santé libéraux, dont les pharmaciens. Nous devons, de concert avec l’Assurance maladie, définir des objectifs renforçant l’indépendance des pharmaciens, pour éviter les dérives constatées notamment dans les laboratoires de biologie mais aussi dans le secteur de l’imagerie médicale », assure Jérôme Koenig, évoquant une « petite avancée. » 

7. Soumission chimique : vers un remboursement des tests 

Le PLFSS prévoit une prise en charge par la Cnam des tests de détection d’une soumission chimique, même sans dépôt de plainte. Cette mesure fera l’objet d’une expérimentation de trois ans et entrera en vigueur en juillet. « En tant que professionnels de santé de proximité, nous sommes prêts à accompagner les personnes concernées. Nous pouvons être leur premier lieu d’entrée dans le parcours de prise en charge. Comme il s’agit de tests urinaires, on peut aussi imaginer que le kit soit remis directement en pharmacie », détaille Guillaume Racle.