PLFSS 2023 : comment des industriels pourraient disparaître du marché pharmaceutique français

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PLFSS 2023 : comment des industriels pourraient disparaître du marché pharmaceutique français

Publié le 14 octobre 2022
Par Magali Clausener
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Jamais un projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) n’a suscité autant de réactions. Le 13 octobre 2022, l’ensemble des industriels du médicament* a manifesté son opposition au texte.

« Depuis la présentation du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), les industriels émettent de très vives protestations – et c’est un euphémisme – contre ce projet, déclare d’emblée Thierry Hulot, président du Leem (Les Entreprises du médicament). Pourquoi un tel concert de critiques, totalement inédit dans notre secteur ? Alors que la dépense réelle de nos concitoyens en médicaments en 2022 va être de l’ordre de 26,4 milliards d’euros, le budget alloué aux médicaments remboursés dans le PLFSS est de 24,6 Md€. C’est un budget sans aucune augmentation. » Audrey Deverloy, présidente de Sanofi France, souligne qu’il y a 15 ans, les budgets alloués aux médicaments étaient semblables en France et en Allemagne, soit près de 24 Md€, et qu’aujourd’hui ils s’élèvent à environ 24 Md€ en France et à plus de 40 Md€ en Allemagne. Pour le président du Leem, cette « confiscation de toute croissance » ne permet pas de répondre aux 4 enjeux de l’industrie pharmaceutique : l’innovation, la souveraineté industrielle, l’accès des patients aux médicaments et les conséquences de l’inflation.

L’inflation préoccupe grandement les acteurs du secteur. « Au niveau des PME, la hausse des coûts de production globaux est estimée entre 10 % et 15 %, de la fabrication au transport du médicament », explique Karine Pinon, directrice générale du Laboratoire X.O et présidente de l’AMLIS*, rappelant aussi que les PME produisent 35 % des médicaments d’intérêt thérapeutique majeur. Or, de telles hausses ne peuvent être répercutées sur les prix réglementés des médicaments. Pour s’assurer « une marge vitale », des laboratoires pensent à arrêter la production en France de certains médicaments d’ici la fin de l’année : paracétamol codéiné, solutés de bicarbonate de sodium et chlorure de potassium.

Retrait de l’article 30

Les baisses de prix prévues par le PLFSS, soit 800 M€, ne vont pas améliorer la situation. « Le risque est l’arrêt de la production, mais aussi de la commercialisation si les marges sont trop réduites ou négatives », prévient Jean-Louis Anspach, directeur général de Teva France et vice-président du Gemme. Dans ce contexte, le référencement sélectif de médicaments et de génériques, disposition de l’article 30 du PLFSS, constitue une menace économique pour les industriels mais aussi pour la santé publique, les patients chroniques devant changer de traitement tous les 12 ou 18 mois. Ce référencement pourrait aussi conduire à une raréfaction de l’offre de médicaments, les laboratoires n’ayant pas remporté l’appel d’offre abandonnant à terme le marché français. Enfin, une telle mesure mettrait fin à la politique conventionnelle entre les laboratoires et le comité économique des produits de santé (CEPS).

« C’est un engrenage dans lequel on ne vaut pas mettre le doigt. C’est aussi un engrenage qui fragiliserait l’économie de l’officine. On essaie de combattre les déserts médicaux, ce n’est pas une bonne idée de fragiliser les officines en France, commande Jean-Louis Anspach. On demande le retrait de l’article 30 et également le retrait pur et simple de l’expérimentation. » Celui-ci souligne également que le référencement pourrait concerner potentiellement des produits princeps matures. « D’un point de vue industriel, cela ne fait aucun sens avec des pics et des baisses de production rythmés par le référencement », ajoute Karine Pinon.

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*Le Leem (Les entreprises du médicament), G5 Santé (entreprises de santé françaises), Agipharm (Association des groupes internationaux pour la pharmacie de recherche), AMLIS (Association des moyens laboratoires et industries de santé), CDMO (Contract development manufacturing organisations), Gemme (GEnérique Même Médicament).