Pharmaciens et IA : l’ère du professionnel augmenté

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Pharmaciens et IA : l’ère du professionnel augmenté

Publié le 11 février 2025
Par Christelle Pangrazzi
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Dans le cadre de la semaine pour l'action sur l’intelligence artificielle (IA), nous vous proposons chaque jour des articles autour de cette technologie, modifiant en profondeur les pratiques des pharmaciens. Notre épisode 2 explore les premières transformations de l’exercice pharmaceutique.

L’IA promet de renforcer la sécurité des actes pharmaceutiques. Un outil développé par un pharmacien permet par exemple de détecter automatiquement les ordonnances falsifiées. En quelques secondes, une simple photo de l’ordonnance suffit pour repérer les anomalies, un atout précieux dans la lutte contre la fraude aux médicaments.

Autre avancée notable : des algorithmes s’appuyant sur les sciences comportementales analysent les habitudes des patients pour mieux comprendre leur rapport au traitement et proposer un accompagnement personnalisé. Ces outils, déjà testés en milieu hospitalier, pourraient bientôt améliorer l’observance en officine et fluidifier le lien ville-hôpital.

Vers une pharmacie clinique augmentée

L’essor de l’intelligence artificielle en officine ne se limite pas à l’aide à la dispensation. Elle pourrait aussi transformer la pharmacie clinique en facilitant l’analyse des données de santé. Grâce à l’agrégation des informations issues du Dossier Pharmaceutique (DP) et de Mon Espace Santé, le pharmacien disposerait d’un résumé instantané des antécédents médicaux, optimisant ainsi sa prise de décision au comptoir.

« Nous devons être progressistes, mais prudents, prévient Guillaume Lemaître, conseiller ordinal au CROP Île-de-France. Ces outils amélioreront la sécurité, mais l’humain doit rester au cœur de l’acte pharmaceutique. »

L’IA pourrait également jouer un rôle clé dans la conciliation médicamenteuse et la prévention des interactions. À l’instar des logiciels hospitaliers, les algorithmes d’IA pourraient comparer en temps réel les prescriptions du patient avec son historique thérapeutique et alerter le pharmacien en cas d’incohérence.

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L’officine face aux défis de demain

La montée en puissance des systèmes d’IA pose aussi la question de leur intégration dans la stratégie de santé publique. Pour David Gruson, fondateur d’Ethik-IA, « l’officine pourrait devenir un centre de coordination des soins, avec des outils d’IA régulés au niveau territorial ». Une évolution qui s’inscrit dans un contexte de désertification médicale et de vieillissement de la population, où le pharmacien joue un rôle clé dans le suivi des maladies chroniques et le maintien à domicile.

Dans les départements d’outre-mer, où les distances et le manque de spécialistes compliquent l’accès aux soins, l’IA pourrait pallier certaines insuffisances. « D’ici dix ans, la Guadeloupe et la Martinique seront les départements les plus âgés de France. L’IA nous aidera à organiser le suivi des patients isolés, mais encore faut-il que nous nous l’appropriions », souligne Lionel Combé, président de la délégation Guadeloupe de l’Ordre des pharmaciens.

Robotisation, reconnaissance vocale : quelles perspectives ?

Au-delà du conseil pharmaceutique, l’IA s’impose aussi dans la gestion officinale. Les robots d’aide à la dispensation, déjà présents dans certaines pharmacies, pourraient bientôt intégrer des algorithmes d’IA pour anticiper les besoins en réassort et optimiser la gestion des stocks en temps réel.

Autre révolution en vue : la reconnaissance vocale, qui pourrait simplifier la rédaction des comptes rendus d’échange avec les patients. En facilitant la traçabilité des entretiens pharmaceutiques et des bilans partagés de médication, ces technologies contribueraient à structurer davantage l’exercice officinal.

Une révolution inévitable, mais encadrée

L’IA s’impose progressivement comme un outil incontournable du quotidien des pharmaciens. Mais son utilisation doit être encadrée et accompagnée d’une formation adaptée. « Le jour viendra où la responsabilité du pharmacien sera engagée parce qu’il n’aura pas utilisé un outil d’IA qui aurait pu détecter une interaction médicamenteuse », anticipe Claude Marodon, président de la délégation Réunion-Mayotte de l’Ordre des pharmaciens.

Loin de remplacer le professionnel, l’IA est donc comme un levier d’optimisation. « Les patients utiliseront d’eux-mêmes ces technologies et viendront nous demander des explications. À nous d’en garder la maîtrise pour éviter qu’elles ne nous échappent » conclut Claude Marodon.

Source : Ordre des pharmaciens