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PEUT-ON S’INSPIRER DU MODÈLE ANGLAIS ?
L’Assurance maladie souhaite baisser les prix des génériques. Le modèle anglais, où les prix sont négociés entre pharmaciens et génériqueurs, lui semble optimal. Est-il transposable en France ? Des groupements et le Gemme répondent.
Le 29 septembre, l’Assurance maladie présentait les chiffres des dépenses de médicament en 2010 : 21,5 milliards d’euros. Ce qui représente un taux de croissance de 2,2 % seulement. Une évolution due à la baisse des prix, la maîtrise médicalisée et aux génériques. « Le générique est un levier important pour réduire la facture de l’Assurance maladie, a souligné Mathilde Lignot-Leloup, directrice déléguée à la gestion et à l’organisation des soins. Mais aujourd’hui, nous plafonnons sur les taux de substitution. Nous pourrions également obtenir plus d’économies si les prix étaient proches de ceux des autres pays européens. » D’après l’Assurance maladie, le prix moyen par unité standard de 74 molécules est de 15 centimes, contre 12 en Allemagne et 7 au Royaume-Uni (voir histogramme ci-contre). « Si les prix moyens étaient identiques aux prix allemands, on aurait 400millions d’euros d’économies. Avec des prix comme au Royaume-Uni, il y aurait un milliard d’économies », a commenté Mathilde Lignot-Leloup.
En Europe, trois grands modèles de fixation des prix existent. En France, en Belgique ou en Autriche, le prix du générique est fixé en fonction du prix du princeps avec une décote. En Allemagne, les caisses d’assurance maladie passent des appels d’offres auprès des génériqueurs. Aux Pays-Bas et au Royaume-Uni, les pharmaciens ont un rôle d’acheteur et mettent en concurrence les laboratoires. Les économies sont alors partagées entre les officinaux et l’assurance maladie. Frédéric Van Roekeghem, directeur général de la Caisse nationale d’assurance-maladie des travailleurs salariés, semble avoir une préférence pour le modèle anglais, qui est « un petit peu plus optimal » : « Les Anglais ont mis en place un système de quasi-marché libéral. »
Elargir le Répertoire et substituer plus largement
Un tel modèle serait-il transposable en France ? « C’est beaucoup trop tôt, on vit une période difficile sur le générique car la loi est contournée par le non-substituable, estime Pascal Louis, président du Collectif national des groupements de pharmaciens d’officine. Mais cela peut s’étudier si on élargit le Répertoire et si on remonte les taux de substitution. On est loin d’avoir développé le générique. Lorsque le marché aura atteint un développement plus important, le principe de négociations pourra être envisagé. » Pascal Geffray, président de l’association du groupement Evolupharm, partage le même avis : « En France, il faudrait que les prescripteurs prescrivent les génériques et que les patients acceptent. On rentrerait alors dans un autre modèle avec des volumes. » En outre, au Royaume-Uni, les chaînes de pharmacies sont autorisées. « L’acheteur est très fort face à l’industriel », relève Pascal Geffray.
« Je suis d’accord pour faire des appels d’offres, mais il faut changer la rémunération des pharmaciens pour qu’ils touchent des honoraires », déclare Lucien Bennatan, président du groupe PHR, qui s’interroge aussi sur l’intérêt « d’appauvrir les laboratoires de génériques » et non d’avoir « une industrie en bonne forme pour que cette industrie investisse dans des services auprès des pharmaciens ». Le Gemme s’inquiète aussi du sort de l’industrie si les laboratoires étaient mis en concurrence. « Il n’y a plus d’industrie pharmaceutique en Angleterre et plusieurs usines ont fermé en Allemagne », explique Catherine Bourrienne-Bautista, déléguée générale du Gemme. Elle met également en avant la faiblesse du marché des génériques en France, qui se situe à 25 % en volume contre 50 à 60 % au Royaume-Uni et en Allemagne.
PHR et Evolupharm dans les starting-blocks
« En Angleterre, le marché du médicament répond à la logique de l’offre et de la demande : les prix et les sources d’approvisionnement varient chaque mois. Mais les patients sont habitués à ces changements de traitement. Ce n’est pas le cas en France où l’on devrait d’abord lever les freins à l’acceptation des génériques et augmenter les parts de marché de ces spécialités, détaille Catherine Bourrienne-Bautista. Lorsque le marché aura dépassé 50 %, la situation pourrait éventuellement être reconsidérée. Toute mesure de déstabilisation du marché peut être dangereuse pour l’emploi, l’économie des officines et les économies attendues pour notre système de santé. Il faut savoir que les pharmaciens anglais doivent reverser à leur assurance maladie une partie des économies réalisées lors de la mise en concurrence et, dans un second temps, lorsque les prix baissent, leur marge diminue. »
Pour autant, PHR et Evolupharm, qui ont leurs propres gammes de génériques, sont prêts à répondre à des appels d’offres si la France mettait en œuvre un tel système. « Notre gamme est portée par le leader mondial Teva. Si, demain, nos adhérents sont confrontés à cette problématique, ils disposeront d’une molécule qu’ils pourront délivrer, observe Lucien Bennatan. Nous aurons une indépendance financière qui permettra au groupement de mettre en place les services. C’est pourquoi on attache de l’importance au développement de PHR Lab. » Pascal Geffray tient un discours semblable : « Avoir une gamme, EvoluGen, et des AMM à notre nom nous permet de rester maître d’œuvre. La mise en œuvre de contrats d’achat est envisageable si les volumes augmentent. Nous avons les moyens de le faire. »
L’ESSENTIEL
• L’Assurance maladie estime que les prix des génériques devraient être plus bas en France.
• Selon ses calculs, les prix moyens de 74 molécules sont les plus élevés d’Europe, à l’exception de la Suisse.
• Le modèle anglais semble plus optimal que le modèle français.
• Les groupements envisageraient une négociation des prix avec les industriels à condition que le marché du générique se développe en France.
Servier accusé d’entrave aux génériques
Le laboratoire Servier a annoncé début septembre qu’il arrêtait à partir du 1er novembre la commercialisation de Diamicron 30 mg, spécialité de référence du groupe générique « gliclazide 30 mg ». Le groupe PHR dénonce l’utilisation d’« un nouveau subterfuge pour contourner la loi à des fins uniquement mercantiles » et reproche au laboratoire du princeps de « protéger ses revenus en décollant les prescriptions vers le Diamicron 60 mg » dont le brevet n’est pas encore arrivé à échéance.
En effet, comment, au comptoir, peut-on délivrer un générique dosé à 30 mg de gliclazide si le médecin prescrit du Diamicron 60 mg ? Dans ce cas, la substitution n’est pas autorisée… Et, de fait, les économies pour l’assurance maladie sont moindres !
Véronique Pungier
POLÉMIQUE SUR LES CHIFFRES
Pour effectuer ses calculs de prix moyens, l’Assurance maladie a pondéré les résultats par les volumes des 74 molécules.
Le Gemme conteste la méthodologie utilisée. Selon lui, sur les 74 molécules de l’étude, seule une trentaine est vendue dans les pays cités. La pondération par les volumes est biaisée par la posologie propre à chaque pays.
Le Gemme avait présenté en mars 2011 une étude économétrique tenant compte des paniers de chaque pays : les prix français étaient inférieurs de 14 % par rapport aux prix européens (0,18 € contre 0,21 €).
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