Pénuries et ruptures de stock : 28 pays européens logés à la même enseigne

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Pénuries et ruptures de stock : 28 pays européens logés à la même enseigne

Publié le 7 février 2025
Par Christelle Pangrazzi
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Le Groupement pharmaceutique de l'Union européenne (GPUE) a publié son rapport annuel 2024 sur les pénuries de médicaments dans les officines européennes. Basée sur une enquête menée entre novembre 2024 et janvier 2025 auprès de 28 pays membres, cette étude révèle une réalité préoccupante : tous les pays interrogés ont signalé des ruptures d’approvisionnement en 2024.

Selon le rapport, 61 % des pays estiment que la situation est restée stable par rapport à l’année précédente, tandis que 21 % notent une amélioration et 18 % observent une aggravation. Les classes thérapeutiques les plus touchées demeurent les anti-infectieux systémiques, les traitements des maladies cardiovasculaires, les médicaments agissant sur le système nerveux, ainsi que ceux ciblant le tractus digestif et le métabolisme… 

Quelles sont les causes des pénuries ?

Parmi les causes identifiées:

– l’interruption des chaînes de production reste la principale explication (68 %) ;

– les politiques de fixation des prix et d’appels d’offres (54 %) ;

– une hausse inattendue de la demande (50 %).

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10 h 30 par semaine à gérer les pénuries

Ces ruptures ont des répercussions majeures sur les patients : • 82 % ont subi des interruptions de traitement, • 61 % ont vu leur reste à charge augmenter, • 57 % ont constaté une baisse d’efficacité des traitements alternatifs, • 46 % ont été confrontés à des erreurs médicamenteuses lors de substitutions, • 32 % ont souffert d’effets indésirables accrus.

Les pharmaciens, en première ligne face à cette crise, consacrent désormais en moyenne 10 h 30 par semaine à la gestion des pénuries, soit 4 heures de plus qu’en 2022. Cette charge supplémentaire s’accompagne d’une pression administrative accrue, d’une perte de confiance des patients et d’une démotivation du personnel officinal.

Les baisses de prix en France : un facteur aggravant

Parallèlement, en France, des baisses significatives des prix des médicaments ont été annoncées au Journal officiel du 4 février 2025. Des spécialités telles que Victoza (liraglutide), Forxiga (dapagliflozine) et Vaxelis verront leurs tarifs diminuer respectivement de 31 %, 4,5 % et 8 % dans les semaines à venir. Quelques semaines plus tôt, des baisses tarifaires avaient été imposées sur les dispositifs médicaux et des génériques.

Si ces ajustements visent à contenir les dépenses de santé, ils pourraient renforcer les risques de pénuries. En effet, des prix plus bas en France pourraient inciter les laboratoires à privilégier d’autres marchés plus rémunérateurs, réduisant ainsi la disponibilité des médicaments sur le territoire.

Vers quelles solutions ?

Face à cette situation critique, le GPUE préconise plusieurs mesures :

– sécuriser l’approvisionnement : placer les besoins des patients au cœur des décisions politiques et économiques ;

– donner plus de latitude aux pharmaciens : autoriser la substitution plus large en cas de pénurie ;

– renforcer la coordination européenne : améliorer le suivi et la communication sur les ruptures.

Une stratégie sans doute insuffisante

Cependant, ces propositions suffisent-elles à endiguer une crise qui semble s’enliser ? L’absence de progrès tangible et la persistance des pénuries sur l’ensemble des spécialités pharmaceutiques interrogent sur l’efficience des mesures mises en place. Une approche plus volontariste, associant une régulation des prix plus équilibrée et une politique industrielle adaptée, apparaît désormais indispensable pour garantir un approvisionnement pérenne en Europe.