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Pénuries de médicaments : les stocks de la discorde
Le 14 février 2024, la Commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale examine une proposition de loi sur la pénurie de médicaments visant à augmenter les stocks chez les industriels. Un texte auquel ces derniers sont opposés.
« C’est la première fois qu’une loi consacrée spécifiquement aux pénuries de médicaments est débattue à l’Assemblée. L’objectif est d’interpeller le gouvernement et de montrer aux pharmaciens que la représentation nationale est auprès d’eux. », déclare Valérie Rabault, députée du Tarn-et-Garonne (Socialistes et apparentés), à l’origine du projet de loi
La proposition de loi ne comporte que deux articles : le premier crée une obligation de détenir un stock de sécurité « plancher » et relève les « plafonds » jusqu’à huit mois ; le second augmente le montant des sanctions. « L’augmentation du stockage ne concernerait que certains médicaments comme l’amoxicilline. Actuellement, la loi prévoit un plafond mais pas de plancher », précise la députée. Quant à l’augmentation des sanctions, elles pourraient s’élever jusqu’à 5 millions d’euros et « tout le monde est d’accord », souligne Valérie Rabault.
Les industriels freinent des quatre fers
En revanche, ces nouvelles obligations de stockage sont loin de susciter l’enthousiasme des industriels et des acteurs de la chaîne du médicament. Le 13 février 2024, le Gemme (Générique même médicament) a même estimé que « cette proposition pourrait aggraver la situation. Les industriels du générique seront les premiers pénalisés, en raison de leur portefeuille étendu de produits, majoritairement des médicaments d’intérêt thérapeutique majeur (MITM). Or, la viabilité du modèle économique du générique est déjà remise en cause avec une profitabilité à peine à l’équilibre, voire négative, à cause de la clause de sauvegarde payable en 2024 dont le montant atteindra son niveau historique », souligne le Gemme. Interrogé par Le Moniteur des pharmacies, le Leem (Les entreprises du médicament), explique, lui aussi, être « fermement opposé à cette proposition » estimant cette « mesure purement nationale est contre-productive alors que l’Europe s’organise sur le sujet ». « Les délais actuels de deux et quatre mois constituent déjà une exception au principe de libre circulation des médicaments en Europe en cas de tension d’approvisionnement sur plusieurs marchés et une désincitation au maintien de ces médicaments sur le marché français », explique-t-il. Sans oublier l’impact économique sur les entreprises : « Une extension des obligations de stocks entraînerait, faute de soutenabilité économique, un risque d’arrêt de commercialisation, voire d’arrêt de production en France ».
Libérer les stocks
Quant aux pharmaciens, ils sont sceptiques. « Les industriels sont déjà en flux tendus. Une augmentation des stocks pose aussi la question des capacités de production et la possibilité de reconstituer des stocks. Le sujet c’est d’avoir les produits au plus près des patients », remarque Lucie Bourdy-Dubois, présidente de la commission Métier pharmacien de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). « Huit mois de stocks, ce n’est pas cela le plus important. Le problème, c’est la libération des stocks. Cette obligation de stocks doit être assortie d’une obligation de les libérer en cas de pénurie. Il faut aussi donner plus de clarté et de transparence sur les stocks afin de savoir où ils sont », considère Pierre-Olivier Variot, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO). Des arguments entendus par Valérie Rabault qui a introduit des amendements à l’article premier pour que l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) ait le pouvoir de faire libérer les stocks en cas de pénurie sans que les industriels soient sanctionnés.
Le texte de la Commission sera examiné en séance publique le 29 février prochain.
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