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Partout en France, la grève des gardes
Pas de trêve estivale quand il s’agit de se battre pour l’économie de sa profession. Un mois et demi après le mot d’ordre national de grève des gardes, notre enquête montre que les pharmaciens se sont mobilisés. Inégalement, certes, selon les régions et, donc, selon le syndicat majoritaire, mais force est de constater qu’aujourd’hui la profession ne se contentera plus de promesses ministérielles.
De la Picardie à la région Midi-Pyrénées en passant par l’Alsace et la Normandie, les pharmaciens se sont engagés avec conviction dans le mouvement de grève des gardes et des urgences lancé le 10 juillet par les trois syndicats de la profession. Et notre enquête en régions comme notre sondage en ligne le prouvent. Toutefois, la discorde syndicale qui a finalement prévalu après la réunion du 20 juillet au ministère de la Santé a forcément rendu inégal le suivi du mouvement. Si les négociations sur l’économie de l’officine furent alors officiellement ouvertes, aucune solution concrète ni piste de travail n’avaient été proposées aux organisations syndicales. L’UNPF et la FSPF ont alors décidé de maintenir la pression en poursuivant la grève des gardes, au moins jusqu’au 15 septembre, date de la prochaine réunion au ministère. En revanche, l’USPO s’est retiré du mouvement, l’estimant désormais « inutile et inefficace pour peser sur les négociations, le calendrier ayant été accepté ». Immédiatement, les deux autres syndicats ont vivement critiqué cette position, qualifiée par l’UNPF de « complaisante vis-à-vis du gouvernement » tandis que la FSPF « s’interroge sur sa conception de la défense professionnelle ».
L’USPO lance une enquête en ligne
Qu’à cela ne tienne : l’USPO a lancé le 10 août une enquête en ligne* auprès de tous les pharmaciens, invités à « participer pour la négociation de septembre ». Cette enquête porte sur la marge (« Etes-vous favorables à la revalorisation de la marge par l’augmentation de 10 centimes du forfait à la boîte ? »), les difficultés de trésorerie des officines et l’arrêt des conditionnements trimestriels. L’USPO désire également savoir si les pharmaciens ont remarqué une hausse de la mention « non substituable » sur les ordonnances et connaître leur éventuelle activité auprès des établissements d’hébergement des personnes âgées dépendantes. Réponse attendue avant le 6 septembre, chaque syndicat préparant ses munitions pour la réunion, donc, du 15 septembre.
Le Nord continue seul
En juillet, les syndicats avaient décidé de reporter la mise en place de la grève afin d’éviter toute cacophonie. De fait, seules quelques officines, 3 ou 4 dans le Nord et 1 dans le Pas-de-Calais, ont rejoint le mouvement. L’USPO, majoritaire dans le Pas-de-Calais, a décidé de ne pas poursuivre, tandis que le syndicat du Nord, majoritairement FSPF, démarrera le mouvement lundi 30 août.
Jean-Luc Decaestecker
Les 617 officines picardes grévistes
« Pharmacie en grève. » L’affiche est présente sur les devantures des 617 officines des trois départements de l’Aisne, de l’Oise et de la Somme. Selon Christophe Koperski, président régional des syndicats de pharmaciens et membre du conseil d’administration de la FSPF, représentative dans les trois départements, « le mouvement est bien perçu et bien suivi. Idem pour la clientèle à qui nous expliquons que la menace porte sur la création de zones blanches et que le service de proximité peut être remis en cause ». Le risque de durcissement est réel. « Jusqu’ici, on a donné nos tours de garde sur un mois. Nous serons peut-être amenés à être plus restrictifs et à les donner sur une semaine, tous les jours, ou même plus du tout », précise Eric Richet, coprésident du syndicat de l’Aisne, en phase avec Jean-Claude Thomas, de la Somme.
Jean-Luc Decaestecker
L’Alsace affiche son ras-le-bol
Le mouvement semble bien suivi en Alsace. Il faut dire que, depuis début juillet, le syndicat régional (FSPF) ne dresse plus de tableau de garde. Sur sa vitrine, Patrick Hoermann, titulaire de la pharmacie Saint-Thomas à Strasbourg, a affiché le tract du syndicat, « Un mouvement pour la défense de votre système de santé ». Il regrette un manque de communication auprès du grand public. « On attend la réunion du 15 ? septembre et, selon les résultats, on verra si le mouvement se poursuit », ajoute-t-il, bien décidé, lui, à continuer.
Michèle Thomas
Grève unanime dans le Centre
Cette grève des gardes a été bien suivie dans la région Centre, à l’exception de l’Eure-et-Loir. « Nous n’avons pas eu la possibilité d’organiser la grève », explique Jean-François Philippe, le président du syndicat (FSPF). Ailleurs, « tout le monde suit, y compris des confrères non syndiqués », souligne Denis Brançon, président du Loir-et-Cher (FSPF). Seules difficultés : les problèmes de réquisition. Dans le Loiret, selon Jean-Marc Franchi, président (FSPF), « c’était le souk complet avec des réquisitions non délivrées ou parvenues trop tard ». Mais Marylène Guinard, présidente du Cher (FSPF), a pu « engager un dialogue avec ses clients. Et, dans l’ensemble, ils ont très bien compris ».
Jean-Jacques Talpin
Cafouillage dans l’Aube
Très suivi dans l’Aube, le mouvement a entraîné un cafouillage au niveau des services de l’Etat. « Pour les 12 astreintes prévues pour la période du 10 au 19 juillet, qui portaient sur 9 secteurs de garde, la préfecture avait réquisitionné 33 officines, ce qui aurait engendré un coût de 29 700 € (33 × 12 × 75 euros) au lieu de 8 100 € (9 × 12 × 75 euros). Nous avons donc informé de cette situation les autorités, et tout est rentré dans l’ordre », rappelle Yves Noizet, titulaire à Les Noës-près-Troyes, coprésident départemental du syndicat des pharmaciens (FSPF). Pour sa part, Pierre Kreit, président régional de la Champagne-Ardenne (FSPF), est satisfait de la mobilisation de ses confrères. Un sentiment partagé par Philippe Wilcque, président du syndicat des pharmaciens de la Meuse (FSPF) et praticien à Spincourt : « Nos confrères se sont bien mobilisés, et la presse locale a rendu compte de nos préoccupations, pour l’essentiel bien comprises par les patients. Beaucoup nous ont encouragés à aller jusqu’au bout. »
Pascal Ambrosi
La grève ne faiblit pas en PACA
Malgré la période estivale et l’afflux de touristes, la détermination des titulaires ne connaît pas de baisse de régime. La grève se poursuit partout, à l’exception des deux départements alpins. Et Michel Siffre, président du Var (FSPF), de préciser : « Dans 4 départements sur 6 (Bouches-du-Rhône, Var, Vaucluse, Alpes-Maritimes), les pouvoirs publics ont dû envoyer gendarmes ou policiers pour réquisitionner les pharmacies de garde (sauf celles qui assuraient la nuit à Marseille ou à Nice). » Dans les Alpes de Haute-Provence (60 officines), le président Emmanuel Luthringer a levé le mot d’ordre de grève fin juillet pour cause de discorde syndicale (la FSPF n’est pas majoritaire) et parce que la réquisition « était trop difficile à organiser en période de fermeture estivale ». Majoritairement USPO, les Hautes-Alpes ont, selon Erland Watrin, titulaire à Gap, « refusé de suivre le mot d’ordre de la FSPF ».
Dominique Fonsèque-Nathan
Discorde en Poitou-Charentes
En Poitou-Charentes, région dont les quatre départements se partagent entre l’USPO et la FSPF, la grève des gardes a été naturellement inégalement suivie. Mais l’administration a connu un certain flottement pour organiser les réquisitions, et les brigades de gendarmerie ont rapidement été débordées par les appels de particuliers. En Charente-Maritime, Philippe Grilleau (FSPF) considère que la grève des gardes est très bien perçue par les confrères – « Certains nous trouvent même trop coopératifs avec les autorités, et souhaiteraient un peu de désobéissance civile. » – comme par le public. « La presse locale a bien répercuté la problématique et contribué à redessiner l’image de la profession. »
Olivier Jacquinot
Le Limousin ne reculera plus
Dans les trois départements limousins, la grève des gardes a été, globalement et sans surprise, très bien suivie même si « l’information a mis un peu de temps à être relayée sur le terrain ». De fait, l’affichette annonçant la grève des gardes placardée sur la porte des officines n’est apparue qu’après la mi-juillet. Et quelques couacs ont été constatés, comme en Corrèze, où la préfecture a, la première semaine, réquisitionné plus de pharmacies que nécessaire. Franck Nicoulaud, installé à Gouzon dans la Creuse, affirme : « Pour que les pharmaciens fassent grève, il faut vraiment que la coupe soit pleine. Et là, nous sommes arrivés à un point où on ne peut plus reculer. S’il le faut, il y aura d’autres actions. »
Olivier Jacquinot
Grève totale en Midi-Pyrénées
« Le malaise est profond et le ras-le-bol général. La grève des gardes est donc très suivie et va continuer si rien n’est fait. » Claude Malgouyard, coprésident du syndicat départemental des pharmaciens de Haute-Garonne (FSPF), ajoute : « D’autres actions seront engagées sous d’autres formes si l’on n’est pas écouté, et je suis sûr qu’elles seront aussi très suivies. »
Selon Philippe Caussignac, président de l’Aveyron (FSPF), « ici, la grève est suivie à 100 % ».
Marc Pouiol
La Normandie se mobilise
En Normandie, le mouvement de grève est suivi « entre 90 et 100 % », assure Patrick Lair, président de l’UNPF Basse-Normandie. Même son de cloche du côté de Jean-Claude Dunoyer, de l’UNPF Haute-Normandie, où « les pharmaciens répondent bien » au mouvement de grève. Dans son officine, le pharmacien a placardé une petite affichette expliquant à la clientèle la grève des gardes. « Elle n’est pas très visible, mais en général les patients nous soutiennent. »
Katell Prigent
Les Franciliens s’étonnent
En Ile-de-France, le mouvement de grève n’est pas très connu du grand public. Les villes comme Bois-Colombes ou Courbevoie, dans les Hauts-de-Seine, affichent sur leur site Internet la liste des pharmacies réquisitionnées. Brigitte, une cliente du Val-d’Oise, ignorait la grève jusqu’à ce qu’elle ait besoin d’une pharmacie un soir. « Le pharmacien m’a alors expliqué les raisons du mouvement. Je ne pensais pas qu’il y avait des pharmacies qui devaient mettre la clé sous la porte. Le métier de pharmacien a toujours eu une image de notable », s’étonne cette quinquagénaire.
Katell Prigent
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