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Pan sur la marge !

Publié le 4 octobre 2008
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La maîtrise médicalisée du projet de loi de la Sécurité sociale (PLFSS) 2009 et les mesures réglementaires qui l’accompagneront auront un impact d’environ 300 milliards d’euros sur la marge du réseau. Les syndicats ont aussitôt réclamé un rendez-vous à la ministre.

Ne cherchez pas de mesures législatives concernant l’officine dans ce PLFSS 2009, il n’y en a pas. Rassuré ? Il n’y a pas de quoi. « Les marges de distribution des médicaments seront réexaminées en fonction de l’évolution du marché pharmaceutique », commente le document de présentation du PLFSS. En fait, des mesures réglementaires sont déjà planifiées, notamment une baisse de 75 millions d’euros de marge pour l’officine, plus 25 via une baisse du coefficient de prix des pharmaciens domiens et une baisse du forfait de rétrocession hospitalière. On sait, en outre, depuis la dernière réunion du CEPS, mi-septembre, que 300 millions d’économies se feront via les baisses de prix du médicament (260 MEuro(s) de baisses ciblées sur des médicaments princeps et 40 MEuro(s) sur les génériques), 30 MEuro(s) via les grands conditionnements…

Une facture de 280 à 320 millions d’euros pour l’officine

Ce n’est pas tout. Au rang des mesures « indirectes », on retrouve dans ce PLFSS la maîtrise médicalisée (pour 300 MEuro(s) d’économies). A cet égard, le ministère de la Santé attend beaucoup, d’une part, des logiciels d’aide à la prescription qui doivent être labellisés d’ici fin 2008, d’autre part, des avis médicoéconomiques que la Haute Autorité de santé doit bientôt publier. Les premières recommandations porteront sur les hypertenseurs, statines et IPP, « en indiquant à chaque fois la stratégie thérapeutique qui, pour une efficacité médicale équivalente, présente le coût le moins élevé pour la collectivité ». Les médecins seront censés s’y référer, « mais ils resteront libres de leurs prescriptions », selon Roselyne Bachelot. Il reste qu’un médecin qui prescrirait outre mesure et sans justification pourra se voir infliger « directement » une peine plancher de 1 350 euros. Cette amende figure au chapitre de la… lutte contre les fraudes (elle sera d’ailleurs applicable à tout professionnel de santé).

Facture finale pour l’officine l’an prochain : de 280 à 320 millions d’euros calcule la FSPF. 12 à 14 000 euros par pharmacie. « Ce n’est pas supportable, nous sommes aux abois : – 2,7 % de marge en huit mois, tous les clignotants sont au rouge ! », commente Gilles Bonnefond, président délégué de l’USPO.

La restructuration du réseau à l’ordre du jour

FSPF, USPO et UNPF ont conjointement demandé un rendez-vous à Roselyne Bachelot. Première interrogation : comment peut-elle placer le médicament parmi les secteurs à forte croissance tendancielle, au même titre que la biologie et la radiologie ? Alors que « nous constatons une baisse en unité de 4,6 % depuis le début de l’année, chiffre recoupé avec le CEPS et la CNAM, on nous répond que le tendanciel est à + 7 % sur le médicament », s’enflamme Philippe Gaertner, président de la FSPF. « Le ministère se fie encore probablement aux chiffres 2006-2007, et sans mesurer les transferts de prescriptions hôpital-ville ! En oubliant de surcroît que nous ressentons depuis les effets des déremboursements, de l’arrêt des marges arrière, des baisses de prix et, surtout, des franchises médicales », plaide Gilles Bonnefond. « On nous asphyxie, estime Philippe Gaertner. C’est l’application pure et simple des recommandations de la Cour des comptes. » Vraiment ? Au total, 2,2 milliards d’économies sont prévues en 2009. Parmi les instruments cités figure la restructuration du réseau officinal.

EHPAD : le médicament sera-t-il forfaitisé ?

Le PLFSS 2008 prévoyait une telle restructuration en facilitant les regroupements d’officines. Roselyne Bachelot avait fait des comparaisons avec l’Allemagne (82 millions d’habitants pour 20 700 officines). Autrement dit, il y avait beaucoup trop d’officines dans l’Hexagone. Un an après, on compte plus que jamais sur cet « instrument » pour réaliser des économies. Alors, les regroupements se faisant attendre, compte-t-on sur le « laisser-faire » qui, compte tenu des tensions économiques, aboutira de fait à des fermetures d’officines (déjà 85 en 18 mois en Ile-de-France, informe l’USPO) ?

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Les économies ayant un impact sur l’officine « représentent un effort 13 fois supérieur » par rapport à celui de l’hôpital, a fulminé, lundi, Philippe Gaertner devant la Commission des comptes de la Sécu (300 MEuro(s) d’économies sur la marge officinale pour un secteur représentant 3,3 % de l’ONDAM, contre 260 MEuro(s) pour l’hôpital qui représente 44 % de l’ONDAM, a calculé la FSPF). « Nous allons déjà supporter des mesures indirectes. Toute mesure directe sur la marge serait inacceptable ! », déclare de son côté Gilles Bonnefond, qui rappelle en outre que la pharmacie respecte ses objectifs conventionnels, contrairement aux médecins qui n’en ont rempli que 60 %, selon le gouvernement. Même raisonnement côté UNPF, qualifiant de « scandaleuses » les mesures projetées sur la marge officinale. « En l’état, nous considérerons que l’ONDAM ne pourra pas nous être opposable », lance Gilles Bonnefond.

Mais la coupe ne serait pas pleine sans l’intégration des médicaments dans le forfait des soins des EHPAD. Inaperçue dans la présentation du PLFSS, lundi, cette mesure semble pourtant bel et bien prévue au 1er janvier 2010. « C’est ainsi qu’on nous l’a présentée en réunion la semaine dernière, informe Philippe Gaertner. Nous n’accepterons pas cette mesure qui mettrait dans les mains des comptables de maisons de retraite les traitements des résidents. Sans compter qu’avec la concentration des EHPAD, on verra ainsi inéluctablement apparaître de gros faiseurs au sein de la profession. » Ou se développer les PUI. « Inacceptable et aberrant, alors même que les EHPAD sont aujourd’hui le meilleur exemple de coordination des soins entre médecins, pharmaciens et infirmières », observe Gilles Bonnefond.

Repères

-Déficit prévisionnel de la Sécurité sociale en 2008 : 8,9 MdEuro(s).

-Déficit prévisionnel de la Sécu en 2009 : 8,6 MdEuro(s).

-Déficit prévisionnel de la CNAM en 2008 : 4 MdEuro(s) (750 MEuro(s) de dépassement de l’ONDAM).

-Déficit prévisionnel de la CNAM en 2009 : 3,4 MdEuro(s).

-Effort de redressement de la branche maladie en 2009 :

– Recettes nouvelles : 1,4 MdEuro(s).

– Economies : 2,2 MdEuro(s).

– Reprise de dette : 0,4 MdEuro(s).

– Transfert : 0,3 MdEuro(s).

-ONDAM 2009 : + 3,3 % (ville : + 3,1 % ; hôpital : + 3,1 % ; médico-social : + 6,3 %).

-Prévisions de déficit de la CNAM

– 2010 : 2,3 MdEuro(s).

– 2011 : 1,2 MdEuro(s).

– 2012 : 0,1 MdEuro(s).

-Reprise par la Caisse d’amortissement de la dette sociale de l’intégralité des déficits cumulés : 26,6 MdEuro(s).

Les autres mesures

– Baisse de 20 points du taux de remboursement (passant à 30 %) si vous consultez un spécialiste sans passer par votre médecin référent.

– Signature obligatoire de l’UNOCAM (représentant les complémentaires) dans les accords conventionnels des secteurs « où le financement des organismes complémentaires est important ». Les organismes complémentaires seront taxés à hauteur de 1 MEuro(s) en 2009.

-Création d’un « forfait social » : contribution due par les employeurs sur les « niches sociales » telles que l’intéressement, la participation ou l’épargne salariale… Recette attendue : 400 millions.

– Passage au crible des dépenses hospitalières de médicaments inscrits sur la « liste en sus » (médicaments souvent coûteux pris en charge en plus du prix de journée) avec, le cas échéant, une baisse des remboursements en cas de pratiques anormales non justifiées.

– La taxe sur le CA des laboratoires pharmaceutiques est maintenue à 1 % (100 millions d’euros).