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Mon maire, mon pharmacien
On comptait 236 pharmaciens maires en 1971. En 2006, ils étaient 150. Même si l’engagement républicain demeure, il devient de plus en plus difficile de cumuler l’exercice d’une profession indépendante et celui d’édile. Combien de pharmaciens seront-ils encore élus aux prochaines municipales ?
Combien des 150 maires pharmaciens actuels seront-ils réélus à l’issue du scrutin du 16 mars ? Pourquoi le nombre de pharmaciens élus locaux décline-t-il ? S’il y a, en effet, davantage de médecins maires (484), démographie oblige, leur nombre, comme celui de tous les professionnels de santé non salariés et, plus largement, des professions indépendantes, baisse lui aussi inexorablement depuis 1971, et dans les mêmes proportions que pour les pharmaciens.
« La fonction de maire est de plus en plus lourde, qu’il s’agisse de responsabilité ou de gestion de finances, explique-t-on à la Direction générale des collectivités locales (DGCL, ministère de l’Intérieur). On assiste à une professionnalisation de l’élu. Du coup, de plus en plus de maires de petites communes ne se représentent pas. »
De surcroît, dans le pays qui compte le plus de communes en Europe, on multiplie les communautés de communes, d’agglomérations… « On mutualise tout, poursuit la DGCL. Mais la gestion est devenue très difficile. » Si la structure intercommunale est plébiscitée, les élus craignent en même temps d’y être noyés et de subir une perte d’influence. « La représentation décroissante de ces professions indépendantes peut être interprétée comme une double évolution, celle de la fonction de maire, effectivement de plus en plus prenante, notamment en milieu périurbain et rural, mais aussi celle des professions de santé dans la société, complète Lise Monneraud, du laboratoire Spirit, de Sciences-Po Bordeaux. Il y a des similitudes dans l’évolution des métiers de médecin, de pharmacien, comme des autres professions indépendantes : modes d’exercice bouleversés, burn-out, désertification médicale… Tout ceci pèse sur la volonté de prendre une charge élective. Et puis, on est passé de la figure de l’élu local essentiellement administrateur à un rôle de « producteur d’actions publiques », de « maire-entrepreneur ». » Dans ce contexte, la « figure de notable s’amenuise, analyse-t-elle. En même temps que la compétence implicite qui allait avec. »
Des élus locaux en mal de reconnaissance
« Les élus sont aujourd’hui massivement saisis par le doute », analysait de son côté le politologue Dominique Reynié, évoquant « un sentiment d’isolement », suite au sondage réalisé en janvier 2007 à la demande de l’Observatoire de la décentralisation du Sénat auprès de 500 élus locaux : 58 % sont mécontents de leur statut, 55 % de leur protection sociale, 62 % de leur régime de responsabilité pénale, 66 % de leurs conditions de travail, et 58 % de leurs possibilités de reconversion. En revanche, ils se montrent attachés (à 78 %) à la décentralisation, laquelle a amené des transferts de compétences – mais aussi, semble-t-il, généré beaucoup de déceptions tant l’attente était forte et les espoirs déçus.
La moitié des maires souhaite une pause dans le transfert de compétences, un sur cinq que l’on revienne en arrière. D’autant plus que le transfert de responsabilités, du risque juridique et des difficultés a, lui aussi, été au rendez-vous de la décentralisation. « La responsabilité accrue pousse un certain nombre de maires en place à ne pas se représenter », confirme Lise Monneraud. Car le partage de compétences avec l’Etat, lui, reste souvent flou. Et les élus s’arrachent les cheveux tout en voyant parfois, paradoxalement, leur légitimité s’étioler auprès des citoyens. Un manque de reconnaissance qui serait la principale cause du malaise des élus, selon Dominique Reynié, alors même que la pression des citoyens s’est accentuée avec la décentralisation.
Si ce manque de reconnaissance ne perce pas vraiment à travers les interviews de nos candidats pharmaciens (voir p. 28), on sent parfois l’embolisation pointer. L’un d’eux, troisième sur la liste UMP à Marseille, n’en est-il pas venu à vendre sa pharmacie ?…
Sans statut de l’élu local, le cumul des mandats perdurera
Reste que ce phénomène, qui conduit les actifs, notamment non salariés, à se retirer du jeu, « profite » aux retraités (10 365 maires pour 36 678 communes en 2006, contre 4 160 en 1971, 5 707 en 1997). Cette surreprésentation des retraités pose-t-elle un problème ? « L’une des solutions de plus souvent évoquées à ces soucis de représentativité est le recours croissant à la démocratie directe, comme les référendums locaux », analyse Lise Monneraud.
Enfin, ce n’est pas l’indemnité d’un maire, et a fortiori celle d’un conseiller municipal (voir p. 28), qui compensera le manque de temps passé à la tête de l’entreprise, même si nos candidats pharmaciens ne semblent pas estimer que leur mandat nuit à leur officine. Faute de statut de l’élu, pour pouvoir aujourd’hui en vivre sans pénaliser son entreprise, « il faut soit être fonctionnaire, soit être retraité, soit cumuler les mandats », analyse encore Dominique Reynié. « Au lieu d’avoir une carrière professionnelle privée plus une fonction mayorale, on a plus volontiers recours au cumul des mandats, confirme Lise Monneraud. D’une part, on additionne les indemnités, d’autre part, on diminue le risque lié à la perte d’un mandat en cas de revers politique. »
Reste que la mise en place d’un statut de l’élu, corollaire d’une certaine professionnalisation, n’apparaît pas pour autant une solution à la tendance en cours, notamment pour ce qui concerne les petites communes. Le ministère de l’Intérieur s’y montre réticent malgré la demande pressante des sénateurs, en ce début 2008, de se saisir du sujet. « Et puis, avec un statut de l’élu local, la fonction de maire deviendrait une pure opportunité », conclut Lise Monneraud. Et s’il existe un domaine de la politique où subsiste le dévouement à la chose publique, c’est bien les élections locales. En témoignent les propos des pharmaciens que nous avons interrogés.
Le taux de féminisation est de 10,9 % pour les maires en 2001, de 10,5 % pour les conseillers généraux et 47,5 % pour les conseillers régionaux.
Source : ministère de l’Intérieur, bureau des élections et des études politiques.
Source : ministère de l’Intérieur.
Source : DGCL
S’il y encore davantage de médecins que de pharmaciens maires, démographie oblige, leur nombre, comme celui de tous les professionnels de santé, baisse inexorablement depuis 1971, et dans les mêmes proportions que pour les pharmaciens.
53 conseillers généraux pharmaciens
Source : ministère de l’Intérieur
Je suis un pur produit de la parité homme-femme ! »
Solange Biaggi, Marseille
Difficile de conjuguer vies familiale, politique et professionnelle. Conseillère municipale depuis 2001, chargée des relations avec les commerçants, les artisans et les professions libérales, Solange Biaggi repart en campagne aux côtés de Jean-Claude Gaudin, 2e sur sa liste. Mais elle a dû vendre son officine…
A quoi tient votre engagement ?
Je suis un pur produit de la parité homme-femme ! Jusqu’en 2001, je n’avais jamais imaginé faire de la politique. Je tenais une pharmacie de quartier et je présidais un groupement, Star 13, créé avec cinq consoeurs. La loi sur la parité a conduit le maire à chercher des femmes. Il connaissait ma famille. Ma soeur aînée a décliné son offre, mes deux enfants étaient grands, j’ai accepté…
La double activité a-t-elle été difficile pour vous ?
Effectivement, mais la question ne se pose plus depuis le 18 février : j’ai vendu l’officine. Depuis 2001, je n’avais guère le temps d’être au comptoir. Mon assistante a géré la pharmacie et j’ai continué à m’occuper du groupement, des achats. Le chiffre d’affaires a augmenté normalement mais je n’étais pas disponible pour développer l’activité.
Comment vous êtes-vous préparée ?
J’ai mis en pratique la « méthode spartiate » : se jeter à l’eau pour leur apprendre à nager. Les meilleurs s’en sortent. Quant aux autres, ils coulent !
Votre métier est-il un plus pour cette délégation ?
Un pharmacien est issu du monde économique. Il apporte un oeil nouveau aux politiques. Je suis une femme de terrain. Je comprends les préoccupations quotidiennes des commerçants, des artisans, des professions libérales, parce que je suis comme eux. Par contre, j’étais novice en matière politique, j’ai dû m’y mettre, apprendre à faire des discours, etc.
Qu’est-ce qui vous plaît dans le rôle de conseiller municipal ?
J’ai exercé le métier de pharmacien pendant plus de 20 ans. Je le quitte à l’âge de 54 ans pour commencer une autre vie. C’est exaltant de faire bouger Marseille. Il y a de gros projets d’investissement pour endiguer l’évasion commerciale vers la périphérie. Plus il y aura de monde ici, mieux les pharmacies de l’hypercentre tiendront le choc, surtout dans un contexte où elles doivent affronter trois pharmacies mutualistes.
Propos recueillis par Dominique Fonsèque-Nathan
Une leçon de tolérance, de patience et d’écoute »
Isabelle Oger, Plaine-Haute (Côtes-d’Armor)
Quand Isabelle Oger s’est lancée en politique, il y a 19 ans, c’était « un pur hasard », dit-elle. Aujourd’hui, cette préparatrice de 51 ans, maire sortant de Plaine-Haute (1 235 habitants), termine son troisième mandat !
Qu’est-ce qui a fait que l’on est venu vous chercher ? Votre profession ? Vos relations ?
En tant que préparatrice, j’étais effectivement en contact avec beaucoup de monde. L’autre facteur, c’est que j’habite là où je suis née… Quand on est venu me voir, j’ai trouvé le challenge important et passionnant. Pendant deux mandats, je me suis trouvée sur une liste de minorité comme conseillère municipale. La dernière fois, on m’a sollicitée pour être tête de liste.
Votre profession est-elle un atout ou un handicap vis-à-vis des électeurs ?
On me l’a reprochée parfois… Même si je ne travaille pas à Plaine-Haute (il n’y a pas de pharmacie) mais à Quintin, à 6 kilomètres. On m’a dit, par exemple : « Tu es en contact avec tellement de gens ! C’est normal que tu aies été élue ! » Sur le plan pratique, je travaille à 80 %. J’ai des personnes compréhensives autour de moi. Et une certaine souplesse au niveau de mes horaires…
Votre engagement politique a-t-il des répercussions sur votre travail à l’officine ?
J’ai fait mon apprentissage dans cette officine et cela fait 34 ans que j’y travaille. Mes responsabilités politiques n’ont pas changé grand-chose puisqu’on me connaissait déjà auparavant. Et j’espère que l’on me connaîtra après ! Les gens font plutôt bien la différence entre mes fonctions.
Inversement, être professionnel de santé influe-t-il sur votre politique ?
Oui, pour la santé. Et, parfois, mes fonctions de maire font bouger les choses. Je pense à l’assainissement. Nous sommes une petite commune, mais elle a été primée en 2007 en recevant le Trophée de l’eau, parce que nous nous sommes battus pour avoir une commune propre. Le Gouët et son affluent, la Maudouve, alimentent le barrage de Saint-Barthélémy, la réserve en eau potable de Plaine-Haute, et c’était normal que nous nous en préoccupions. Et puis Quintin, qui comprend dix communes, dont Plaine-Haute, doit se doter dans quelques années d’une nouvelle structure gériatrique, et si je suis réélue, j’aimerais faire avancer ce dossier.
Une autre préoccupation des zones rurales concerne les personnes qui ne peuvent pas rester chez elles faute de logement adapté. J’aimerais développer le service à la personne âgée.Que vous apporte votre engagement politique à titre personnel ?
La tolérance. On apprend aussi la patience et à écouter les autres un peu plus… Je le fais déjà dans mon métier, alors j’avais une certaine habitude.
Propos recueillis par Anny Letestu
Pour que la pharmacie reste, il faut une commune dynamique »
Joël de Moor, Milly-sur-Thérain (Oise)
Joël de Moor, 55 ans, a monté une liste sans étiquette, baptisée Concertation et avenir, dans le village où il exerce (1 850 habitants). Il se présente pour la première fois sur une liste d’opposition au maire sortant.
Pour vous, faire de la politique représente un engagement purement local, dans le village même où vous exercez…
Je souhaite redynamiser le village, c’est en effet aussi simple que cela. Nous avons un maire qui est là depuis trente ans. Nous sommes en périphérie de Beauvais, je ne veux pas que mon village devienne une cité-dortoir. Il faut que nous ayons une vision à long terme, y compris avec la communauté de communes. Je veux plus de concertation. Il n’y a rien de politique dans ma démarche, je ne suis ni de droite, ni de gauche, ni vert…
Comment comptez-vous faire face à votre double activité ?
Grâce à ma fille, qui est également pharmacienne et qui travaille déjà avec moi à l’officine. Si je perds de la clientèle, tant pis, c’est un risque à courir. Je le fais pour le village. Vous savez, il suffit parfois d’avoir la tête ailleurs et de ne pas dire bonjour à quelqu’un pour perdre un client. De toute façon, dans ma pharmacie, tout le monde à droit aux mêmes égards. Si je passe, cela ne changera pas, que les gens aient voté pour moi ou non. Et, une fois élu, un maire représente l’ensemble des villageois !
Vous ne craignez pas d’être exposé à un cortège de plaintes au comptoir ?
Ce sera certainement le cas. Vous savez, j’ai pour habitude de dire que la croix verte, c’est la croix de miracle ! Les gens viennent vers vous pour tout : demander s’il y a une maison à vendre dans le village, vous parler des chiens écrasés, râler sur tel ou tel problème…
Faites-vous un parallèle entre engagement politique et défense de la profession ?
Pas vraiment. Il s’agit d’une élection locale, pour les gens de la commune. En revanche, je leur explique que les mesures prises au niveau national risquent d’avoir des répercussions pour notre village. Il risque d’y avoir de moins en moins de pharmaciens. Il faut se battre pour que la pharmacie reste au village et, pour cela, il faut un village dynamique. Vous savez, je ne fais pas cela pour moi, à 55 ans, je suis plus près de la sortie…
Propos recueillis par Katell Prigent
Les 35 heures aidant, j’ai aménagé mes horaires »
Isabelle Caron, Neuville-sous-Montreuil (Pas-de-Calais)
Depuis l’obtention de son CAP de préparatrice en 1981, Isabelle Caron, 45 ans, travaille à la Pharmacie Douay à Neuville-sous-Montreuil. Mais, depuis 2001, Isabelle est devenue « Madame le Maire » d’un village proche, Sempy. Une fonction qu’elle espère bien voir reconduite pour un nouveau mandat.
Votre arrivée au pouvoir municipal était-elle un acte prémédité ?
Elle fut plutôt le fait du hasard. Je me suis installée à Sempy en 1993 pour retaper une ancienne ferme, mais, en 2002, j’ai divorcé et quitté le village pour mieux y revenir un an après. Ce village, je l’ai toujours trouvé accueillant et mon idée était de le faire apprécier par d’autres. Aucun de mes colistiers ne voulait occuper le fauteuil mayoral. J’ai fini par céder aux « T’inquiète-pas-on t’aidera ». Je peux dire que mes colistiers sont venus me chercher malgré ma jeunesse, mon inexpérience et, surtout, parce que j’étais une femme qui, dans un village agricole, n’a rien à faire à la mairie ! Le début du mandat a d’abord été pour beaucoup une période d’étonnement et de curiosité. La pharmacie a reçu bien sûr la visite de quelques curieux, mais tout cela est fini depuis bien longtemps !
Vous avez pu concilier travail à l’officine et fonction élective ?
Mes collègues de travail – nous sommes douze – se sont montrés conciliants. L’ambiance ici est on ne peut plus conviviale. Et puis l’officine compte aussi une adjointe au maire, ici à Neuville, l’épouse de monsieur Douay, et un conseiller municipal de longue date à Ecuires, Michel, un collègue livreur. De plus, les 35 heures aidant, mes horaires ont pu être aménagés. Je peux consacrer mon vendredi matin à la tenue d’une permanence en mairie. L’après-midi, je bats la campagne à l’écoute des Sempinois et pour pouvoir constater par moi-même les chantiers en cours et régler divers problèmes communaux. Je me suis fait une règle de séparer mon activité de préparatrice de ma fonction.
Vous arrive-t-il de regretter votre engagement politique ?
Non, car je me refuse à faire de la politique politicienne. Il s’agit juste de dynamiser notre village, un peu oublié au bout du canton. Par exemple, grâce aux 39 habitations construites depuis 2001, la population du village est passée de 176 habitants en 1999 à 280 ! Certes, il reste beaucoup de travail. J’ai aussi dû prendre une assurance spéciale pour me garantir dans l’exercice de mes fonctions. Mais l’important est de mener concrètement des projets à leur terme. Et ils ne manquent pas, cela va du terrain de football à recréer au projet d’installation d’éoliennes à concrétiser…
Propos recueillis par Jean-Luc Decaestecker
J’ai dû céder la moitié de nos parts à un associé »
Jean-Louis Gaby, Commentry (Allier)
Jean-Louis Gaby a détrôné en 2001 le maire de Commentry, la commune qui avait élu en 1882 le premier maire socialiste du monde ! Toujours pharmacien en exercice, il a vendu la moitié de ses parts pour pouvoir se consacrer à son mandat et être aujourd’hui candidat à sa propre succession.
Qu’est-ce qui a fait que vous soyez entré un jour en politique ?
La chose publique m’a toujours intéressé. Cette envie de servir mes concitoyens est même chez moi antérieure à mon choix professionnel (j’ai obtenu le diplôme de pharmacien en 1973). Concrètement, après nous être installés dans la région parisienne, nous avons eu la chance d’acquérir, en 1990, une officine à Commentry, une commune située à mi-chemin entre Clermont-Ferrand et la Corrèze, région natale de mon épouse. Le lieu se prêtait donc à l’enracinement et, très rapidement, je me suis engagé localement, jusqu’à être sollicité en 1995 pour diriger une liste aux municipales. Notre liste n’a recueilli que 33 % des suffrages, mais dans une ville, rappelons-le, qui était tenue par les socialistes depuis 1882 ! Pendant un mandat, j’ai donc été l’un des cinq conseillers municipaux de l’opposition. Nous avons gagné en 2001 avec 24 voix d’avance !
Vos responsabilités politiques ont fait basculer votre vie personnelle et professionnelle…
Pendant un an, j’ai bien essayé de concilier mes deux fonctions, d’autant que la pharmacie se situe en face de la mairie. Mais les journées ne font que 24 heures ! J’avais épuisé les limites de l’exercice. Avec mon épouse, nous nous sommes résolus à céder la moitié de nos parts à un associé. Elle demeure assistante et, pour ma part, je suis présent à l’officine tôt le matin, en fin de soirée, j’en assure les gardes et la gestion, suppléant le cas échéant le personnel manquant. La progression de l’officine s’est poursuivie au même rythme, malgré la concurrence (la population diminue).
Votre engagement politique vous permet-il de servir votre profession ?
Il se trouve que le président du conseil général de l’Allier, Gérard Dériot, qui est également sénateur et à ce titre membre de l’Office parlementaire d’évaluation des politiques de santé, est pharmacien de profession. En tant que confrère, il lui arrive de me solliciter. Par exemple sur le maintien à domicile ou sur les solutions à apporter aux problèmes provoqués par la désertification médicale.
Et si votre liste est battue en mars prochain ?
Je serai naturellement contraint d’envisager différemment mon avenir. La cession de la moitié des parts de notre pharmacie en 2001 constituait pour moi un gros risque. Je n’avais que 50 ans et un pharmacien ne peut aspirer à la retraite à 57 ans ! Je ne suis pas en mesure de reprendre une place que j’avais laissée. Qu’importe, je ne suis pas dans cet esprit.
Propos recueillis par Serge Trouillet
Engagez-vous ! «
Olivier Dosne, Joinville-le-Pont (Val-de-Marne)
Renoncer à la politique, Olivier Dosne y a pensé tant il est difficile de mener de front une activité politique et celle d’une entreprise. Mais les Dosne ont l’engagement politique dans la peau ! Déjà député, Olivier Dosne est, à 46 ans, candidat pour la première fois comme tête de liste UMP à Joinville-le-Pont.
La politique, c’est presque une histoire de famille chez les Dosne…
Effectivement. J’avais dans ma famille des oncles maires ou conseillers municipaux. Mon père était aussi impliqué politiquement dans le Loiret. Ils m’ont transmis la fibre. J’ai ensuite été militant à la faculté de pharmacie. Plus tard, lorsque j’étais jeune pharmacien assistant à Blois, j’ai soutenu ma famille politique face à Jack Lang. Enfin, je suis devenu conseiller municipal à Joinville-le-Pont de 1995 à 2001. En 2001, j’ai souhaité quitter la vie politique, je trouvais que les choses n’avançaient pas assez vite. En tant que chef d’entreprise, la machine administrative est très lourde. Et puis j’ai rencontré Anne-Marie Montchamp. Je pensais qu’il fallait de la parité en politique, c’est un milieu macho. Je me suis lancé avec elle, comme député suppléant en 2002 puis titulaire en 2004.
Vous l’avez expérimenté : gérer une officine et faire de la politique est compliqué…
Oui, mais heureusement je peux compter sur mes équipes. J’emploie deux pharmaciens adjoints. Et puis, en cas de victoire aux prochaines municipales, la pharmacie sera juste en face de la mairie… Par ailleurs, si j’ai perdu des clients, j’en ai aussi gagné d’autres. Mais si on s’engage, ce n’est pas par calcul ! J’ai annoncé autour de moi que je partais pour un mandat, deux au maximum. Sur un autre plan, c’est vrai que je vois depuis longtemps déjà défiler des gens à l’officine qui veulent en fait s’adresser à l’élu local que je suis. J’ai pratiquement créé un « comptoir des confidentialités ». Je leur dis que nous ne sommes pas là pour ça, qu’il faut qu’ils m’envoient un courrier ou un mail. Ça se passe bien.
Votre engagement politique aide-t-il la profession ?
Je pense. Quand j’étais député, je me suis rapproché des confrères officinaux également députés. Il ne s’agissait pas de faire du lobbying, mais c’est vrai que je me suis davantage concentré sur les politiques de santé publique. Pour mon engagement dans les municipales, c’est la même chose. Si je suis élu maire, je développerai une politique de prévention, de santé publique.
Que pensez-vous de la position actuelle du gouvernement vis-à-vis de la profession ?
Nous sommes dans un système pervers où nous n’avons pas de visibilité. Heureusement, nous avons des syndicats de qualité et un Conseil de l’Ordre qui font du travail efficace. Je l’ai découvert lorsque j’étais député.
Conseilleriez-vous de faire de la politique à vos confrères ?
J’aime mon métier et j’ai envie de leur dire : « Engagez-vous ! » Il faut effectivement des pharmaciens maires, conseillers régionaux, conseillers généraux. Même si, personnellement, je dois vous avouer quand même que si je ne réussis pas aux municipales, je rentrerai dans ma pharmacie.
Propos recueillis par Katell Prigent
Le mandat électif échappe aux restrictions de l’exercice personnel
Selon l’article L. 5125-20 du Code de la santé publique, « le pharmacien titulaire d’une officine doit exercer personnellement sa profession ». Ce qui signifie qu’il doit préparer et délivrer lui-même les médicaments ou surveiller attentivement l’exécution de tous les actes pharmaceutiques qu’il n’accomplit pas lui-même. Première conséquence, pendant les heures d’ouverture, son absence doit avoir un caractère momentané et exceptionnel. Sinon, le pharmacien doit se faire remplacer. Seconde conséquence, « l’exploitation d’une officine est incompatible avec l’exercice d’une autre profession », précise le Code de la santé publique. Toutefois, certaines activités du pharmacien échappent à cette interdiction, notamment parce que leur pratique ne correspond pas à l’exercice d’une véritable profession… Tel est le cas d’un mandat électif. Fabienne Rizos
La santé se « territorialise »
Si, d’après le Code de la santé publique, le maire est chargé de la police sanitaire avec le préfet, s’il a des obligations de salubrité et d’hygiène publique, il ne dispose pas pour autant de réelles prérogatives en matière de santé, et ce « même s’il y a aujourd’hui un important mouvement de territorialisation de la santé », écrit Lise Monneraud, auteur d’une thèse sur les problématiques de santé au niveau local, qui parle d’une « réaction ambivalente des élus » : volonté de gérer des problèmes auxquels ils sont confrontés localement, mais prudence compte tenu des transferts de charges et des problèmes organisationnels à en attendre (comme dans la gestion de la permanence des soins ou la gestion des DASRI…). « On retrouvera davantage les élus locaux impliqués pour soutenir des actions ponctuelles nécessitant essentiellement des moyens logistiques (MAD, action de nutrition en milieu scolaire…), ou pour soutenir le maintien du service public (maisons médicales, transformation des hôpitaux locaux en établissements médico-sociaux…), que dans une démarche de santé proprement dite, observe Lise Monneraud. On a même vu un maire proposer d’offrir son indemnité pour le maintien d’un médecin. »
Certes, la complexification des problèmes sociaux rencontrés au niveau local fait qu’ils ne peuvent plus être traités de façon cloisonnée : « Les maires sont donc obligés de s’intéresser aux problèmes de santé, analyse encore Lise Monneraud. Mais la participation à des démarches relevant d’une vraie politique de santé, à l’instar des ateliers santé-ville, tient davantage à la trajectoire personnelle d’un ou deux personnels techniques dans telle mairie que d’une volonté des élus de développer un gouvernement local de la santé. Finalement, le fait d’être un professionnel de santé est alors surtout un avantage dans les rapports qu’a l’élu avec les services déconcentrés de l’Etat. »
François Silvan
« Pourquoi j’arrête la politique »
En mars, Guy Barral sera de retour à 100 % en officine. « Je peux abandonner la politique locale car j’ai un métier flatteur », explique-t-il, partisan d’une limite de deux mandats à ne pas dépasser. Mais s’il met donc de côté la politique, ce sera pour s’engager dans le combat syndical.
Pharmacien à Brignais, dans le Rhône, Guy Barral pointa le bout de son nez en politique, en position de non éligible, sur la liste des municipales de sa commune en 1995. En 2001, mieux placé sur la liste sortante apolitique, il était élu conseiller municipal. Comment est-il entré en politique ? « Par sympathie pour une personne, répond Guy Barral, et parce que je préfère agir que râler. » C’est pourquoi il pense un jour revenir à la politique. « C’est un honneur, une gratification ! Et c’est dans le prolongement du souci que peut avoir un pharmacien dans une commune à taille humaine. Je pense qu’il devrait s’impliquer davantage dans la vie politique et notamment la vie municipale. »
Alors pourquoi arrêter ? « A cause du temps que cela prend, se justifie Guy Barral. Pendant six ans, je n’ai même pas eu le temps de faire du bricolage ! Et, concernant mon mandat, Il ne fallait pas compter sur moi pour faire de la représentation, d’autant plus que, le public, je le rencontre tous les jours… »
Si, selon Guy Barral, son engagement politique a eu peu d’incidence au comptoir, il a la certitude d’avoir été utile. « Même si on peut toujours faire plus et mieux, regrette-t-il. Il y a quinze ans, par exemple, j’avais voulu créer un service de maintien à domicile. Sans succès. Aux dernières municipales fois, on l’avait inscrit sur la liste. » La promesse ne pouvait qu’être tenue une fois passée l’élection…
Jean-Claude Pennec
Le demi de mêlée pharmacien face au pilier médecin
Pharmacien installé en centre commercial à Mérignac, en Gironde, Guy Accoceberry fut, en 1994, le bourreau des All Blacks lors de la légendaire tournée victorieuse de l’équipe de France de rugby en Nouvelle-Zélande. Il figure aujourd’hui, au titre de l’ouverture à la société civile, troisième sur la liste du maire de Bordeaux Alain Juppé pour les prochaines élections.
Avec ce recrutement, l’équipe de l’ancien Premier ministre s’est mise au niveau de la concurrence. La liste de son challenger comprend en effet Serge Simon, ex-pilier de Bègles-Bordeaux, devenu consultant à la télévision.
S’il est loin, avec seulement deux sélections, d’avoir le même palmarès international que Guy Accoceberry, Serge Simon est médecin, donnant aussi à cette course à la mairie un petit parfum de duel entre professionnels de santé.
Nés la même année, tous les deux passés par le club de Bègles-Bordeaux, les deux hommes se connaissent bien. Mais Guy Accoceberry préfère ne pas commenter la situation. « Le rugby est bon vecteur d’image, et c’est pour cela que l’on a fait appel à moi, pas parce que je suis pharmacien, sourit l’ancien demi de mêlée. Je n’ai pris aucun engagement précis. Il y a pas mal de choses à faire pour le sport à Bordeaux, mais je n’ai aucune envie de devenir adjoint à plein-temps. L’officine me prend 45 heures par semaine et elle reste toujours dans mes priorités. »
Car cet officinal ne perd pas le nord et surveille les réactions de ses clients comme le lait sur le feu, avec même une pointe d’inquiétude. « Pour le moment, ça se passe plutôt bien. Certains me disent « Tiens, on vous a vu à la télé ! » J’évite d’épiloguer, mon officine n’est pas une tribune », tient à préciser Guy Accoceberry.
Jean-Philippe Dejean
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