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 « Moi, j’ai eu peur »

Publié le 27 mai 2023
Par Laurent Lefort
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A midi pile. Une minute de silence a été respectée le 24 mai dans les établissements de santé et médicosociaux publics et privés partout en France pour rendre hommage à Carène Mezino, l’infirmière décédée la veille, ainsi qu’à la secrétaire grièvement blessée à la suite de l’agression qu’elles ont subie le 22 mai au CHU de Reims. En parallèle de cette tragédie, l’Ordre des médecins diffusait le 23 mai son observatoire annuel sur la sécurité des médecins, lequel met en exergue une augmentation notable des violences (+ 23 % par rapport à 2021). Ce sont essentiellement ces agressions du quotidien que les équipes officinales connaissent hélas trop bien : le ton qui monte trop vite, trop haut, trop fort, les mots qui dépassent la pensée, les menaces aussi*. L’un des principaux motifs de tension chez les médecins ne surprendra pas non plus les professionnels du comptoir : le refus de prescription (notamment d’un médicament) entre en jeu dans 20 % des cas. Qui, en effet, n’a pas connu pareille situation en refusant telle ou telle délivrance ? Malgré la présence rassurante de l’équipe autour de soi, le moment reste anxiogène ; alors le désarroi des médecins dans la solitude de leur cabinet, on le comprend aisément. Je me souviens comme si c’était hier d’une ordonnance si ubuesque que, face au « patient », je ne pouvais faire autrement que d’appeler le prescripteur. Dont la réponse me revient aujourd’hui comme un boomerang : « Faites comme vous voulez, mais ils étaient deux, la salle d’attente était vide, j’étais toute seule, alors oui, j’ai prescrit pour m’en débarrasser. Excusez-moi, ne délivrez surtout pas, mais moi, j’ai eu peur. » 

Tant de situations qui valent bien cette minute de non-silence.

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  • * Lire « Stop à l’agressivité au comptoir », le dossier « Management » de Pharmacien Manager à paraître en juin.