Médicaments essentiels : les industriels n’oublient pas la question des prix

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Médicaments essentiels : les industriels n’oublient pas la question des prix

Publié le 19 juin 2023
Par Magali Clausener
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Le ministère de la Santé a diffusé le 13 juin 2023 une liste de 450 médicaments essentiels. Les industriels saluent cette première étape, mais attendent une hausse des prix de certains médicaments.

C’est en lisant Le Parisien que les industriels ont découvert la liste des 450 médicaments essentiels établie par le ministère de la Santé. Pour autant, le Leem (Les entreprises du médicament), le G5 Santé et le Gemme (Générique même médicament) se félicitent de l’existence de cette liste. 

Une hausse des prix

« Cette liste doit guider des choix de réindustrialisation, de relocalisation, de maintien ou de soutien des activités industrielles », souligne Thomas Borel, directeur des affaires scientifiques du Leem. Une opinion partagée par le Gemme et le G5 Santé. Mais à condition de revoir la politique des prix. « Pour favoriser une offre diversifiée sur le marché français afin de lutter contre les tensions d’approvisionnement, il faut que les produits soient viables économiquement », commente Sébastien Trinquard, directeur général du Gemme. Et d’ajouter : « Certains pays ont augmenté les prix de tous les produits à bas coût. Par exemple, au Portugal, les prix des médicaments inférieurs à 10 € ont augmenté de 5 %. En mai, le Gemme a demandé au Comité économique des produits de santé (CEPS) une augmentation des prix de nombreux génériques dont nous avons dressé la liste. Les 2/3 des molécules figurant sur cette liste sont considérées comme des molécules essentielles selon la liste du ministère de la Santé ». Le Gemme n’a d’ailleurs pas reçu de réponse du CEPS.

Thomas Borel abonde dans ce sens : « Pour ces médicaments essentiels, la prise en compte du tarif pratiqué en France est importante, parce que si vous voulez qu’un médicament soit suffisamment disponible sur le marché français, ne fasse pas l’objet d’un arrêt de commercialisation, de difficultés pour les fabricants, il faut qu’a minima son tarif d’achat soit supérieur au coût de revient industriel ». Et d’indiquer : « Les prix des médicaments essentiels doivent être au mieux au niveau de ceux des pays de référence afin d’éviter des mécanismes d’exportations parallèles ou d’allocations de produits vers d’autres marché alors que nous sommes en situation de tension. »

Le prix est d’autant plus essentiel que le contexte économique et la fiscalité pèsent sur les industriels. « La clause de sauvegarde sur les génériques devrait en 2023 dépasser les 300 millions d’euros pour les génériques en ville – elle s’élèverait à environ 200 millions d’euros en 2022 -, ce qui représente l’intégralité de l’accroissement du chiffre d’affaires des génériqueurs. De fait, la rentabilité qui était de + 0,3 % en 2021 a fortement diminué et s’établit entre – 3 % et – 10 % en 2022 et 2023 », détaille ainsi Sébastien Trinquard.

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Un fonds de souveraineté sanitaire

Le Gemme propose par conséquent une révision de la clause de sauvegarde génériques, la fixation d’un prix plancher et la promotion de la substitution des biosimilaires pour réaliser des économies.

« Diversifier l’offre avec notamment l’arrivée de nouveaux produits, c’est également donner des perspectives de croissance. Or, le taux de pénétration des biosimilaires sur le marché français n’est que de 30 % pour les biosimilaires des molécules essentielles de la liste du ministère de la Santé (Insuline aspart, insuline glargine, enoxaparine) », souligne Sébastien Trinquard. Pour sa part, le G5 Santé réclame la mise en œuvre effective de l’article 65 de la Loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) 2022 sur la prise en compte de l’implantation des sites de production dans la fixation et la révision des prix des médicaments mais aussi l’application rapide de hausses de prix sur des médicaments à fort enjeu d’indépendance sanitaire dans le cadre de l’article 28 de l’Accord Cadre. « Nous appelons aussi à la création d’un fonds de souveraineté sanitaire, en-dehors de l’enveloppe médicaments mais au sein de l’Ondam (Objectif national des dépenses d’assurance maladie), qui permettrait d’avoir des hausses de prix de certains médicaments, déclare Didier Véron, président du G5 Santé. Le CEPS doit avoir un budget fléché. »

Les industriels ont fait part de leurs propositions à la mission interministérielle sur les mécanismes de régulation et de financement des produits de santé. Celle-ci devrait rendre ses conclusions fin juin-début juillet.