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Mauvais comptes pour le médicament

Publié le 22 septembre 2001
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La politique du médicament depuis 1998 a eu une efficacité limitée, estime la Cour des comptes dans son dernier rapport publié mardi. Un avertissement pour le gouvernement qui prépare son projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2002.

C’est un avertissement. Alors que le gouvernement doit présenter le 10 octobre son projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2002, la Cour des comptes a axé son dernier rapport sur la politique du médicament menée depuis trois ans par le susdit gouvernement. Et le bilan n’est pas très glorieux. Les magistrats ont pris acte de « la série de mesures qu’Elisabeth Guigou a annoncée le 11 juin dernier (un plan de maîtrise des dépenses de médicaments fondé notamment sur des baisses de prix) : ces annonces vont dans le sens de certaines propositions de la Cour ». Mais il faut aller plus loin, car « les mesures prises depuis 1998 n’ont eu à ce jour qu’un faible impact sur les dépenses [de santé] », estime la Cour, qui semble regretter l’absence de déremboursements.

Au contraire, ces dépenses se sont même accélérées (+ 4,5 % en 98, + 6,6% en 99 et + 8,9 % en 2000). Les derniers chiffres présentés cette semaine par la Caisse nationale d’assurance maladie confirment la tendance : sur les huit premiers mois de 2001, les soins de ville ont progressé de 6,8 %, à 182,7 milliards de francs. Une progression entraînée notamment par le médicament, qui croît de 9,3 %, à 58,2 milliards de francs.

« Cette croissance n’est pas près de s’achever », a estimé le rapporteur général de la Cour des comptes lors de la présentation du rapport. Il y a plusieurs problèmes centraux. La réévaluation des médicaments n’est pas assez fréquente et leur prix pas assez flexible. Il serait naturel que les produits, après quelques années d’ancienneté, aient un prix différent de celui fixé pour leur commercialisation. Ce système serait plus efficace que l’actuelle politique de remises, qui oblige les laboratoires à faire des reversements à l’ACOSS en fin d’année en cas de dépassement des objectifs de progression des ventes.

L’officine à la sauce générique

Autre priorité soulevée par la Cour des comptes : pour devenir plus sélective, la procédure d’admission au remboursement doit donner plus de moyens à la commission de transparence. La Cour estime également qu’« il ne faut pas laisser le monopole de l’information sur les diagnostics, les conseils en prescription aux laboratoires et à leurs équipes de visiteurs médicaux, mais élaborer un système d’information publique ».

Enfin, les magistrats reviennent sur le médicament générique, dont le développement devrait permettre des économies à l’Assurance maladie. « L’objectif de doublement de la part de marché des génériques n’a pas été atteint », soulignent-ils : en 1998, elle était de 1,8 % mais seulement de 2,9 % en avril dernier. « L’objectif de substitution fixé aux pharmaciens n’a pas été atteint […]. Les sanctions prévues en cas de non-respect de cet engagement n’ont pas été appliquées à ce jour. »

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Seront-elles à l’ordre du jour ? Dans sa réponse à la Cour des comptes, Elisabeth Guigou a assuré les magistrats que la politique de développement des génériques allait être renforcée « par un certain nombre de mesures : simplification des procédures d’inscription au Répertoire des génériques, possibilité pour les prescripteurs de rédiger leurs prescriptions en DCI [NdlR : prévue au prochain projet de loi de financement de la Sécurité sociale], redéfinition avec les pharmaciens d’un objectif de substitution… ». Pour l’instant, les négociations du gouvernement avec les syndicats de pharmaciens sont toujours au point mort (voir encadré). La ministre a assuré également les magistrats que le mouvement de baisses des prix initié l’année dernière sera « poursuivi et amplifié cette année et l’année prochaine ». Mais c’est une fin de non-recevoir pour une réévaluation systématique des médicaments : « Il ne semble pas pertinent d’engager cette procédure. »

Rémunération : Les syndicats font front commun

Les négociations sur la rémunération, suspendues fin juillet, n’ont toujours pas repris. Pourtant un accord avait été trouvé : une baisse maximale de 40 centimes du forfait à la boîte, compensée par une hausse de un franc du forfait par boîte de générique, auquel les syndicats liaient une libération des remises commerciales. C’est sur ce dernier point que les négociations ont achoppé, le SNIP refusant toute modification du régime des remises.

Le temps presse. Car toute réforme sur les remises devra être inscrite dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2002 qui sera présenté en Conseil des ministres le 10 octobre prochain. En attendant, l’UNPF et la FSPF sont à l’unisson : l’accord trouvé est un « package » indissoluble. « Ce sera tout ou rien !, prévient Jean-Marc Yzerman, chargé du dossier économique à la FSPF. On ne signera rien si aucun volet n’est prévu sur les remises. »

Une des solutions préconisées consistait à libérer les conditions commerciales, en l’échange de quoi les dépassements des remises légales seraient taxés par le biais des reversements de 50 % des « trop-perçus de remises » à l’Assurance maladie. « Peu importe les taux de reversement. Un accord sur les remises est indispensable parce que nous ne voulons plus que nos confrères se retrouvent devant les tribunaux », plaide Jean-Marc Yzerman. Durant l’été, en effet, les contrôles de la DGCCRF ont abouti à des mises en cause d’officinaux au pénal pour dépassement des remises légales.

Sur la suite des événements, les syndicats professionnels ne veulent pas faire de pronostics. « Nous ne sommes ni optimistes, ni pessimistes, mais attentistes, explique Claude Japhet. La balle est dans le camp du gouvernement. Il ne s’agit plus d’une décision technique ou économique, mais purement politique. L’Etat veut-il un accord ? »