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« Mattei m’a tuer »
En janvier, Jean-François Mattei voulait relancer le générique avec une campagne télévisée. En mars il lui offre un enterrement de première classe. On appelle ça gouverner… Explications.
Certaines nouvelles peuvent faire frémir. D’après les informations transmises aux représentants des officinaux, le ministre de la Santé Jean-François Mattei souhaite généraliser rapidement les tarifs forfaitaires de responsabilité (TFR) (lire encadré). Dans un premier temps, les groupes génériques dont le taux de substitution en volume est inférieur à 50 % se verraient appliquer un TFR (qui reste à définir) dès le 1er juillet. En pratique, s’il était appliqué aujourd’hui, 80 % des groupes (199 sur 249) pourraient se voir appliquer un tarif de référence, parmi lesquels quelques « poids lourds » : carbamazépine LP 400 mg, ticlopidine 250 mg, clomipramine 75 mg, prednisolone 20 mg, acide tiaprofénique 200 mg, bromazépam, céliprolol, spironolactone, zopiclone ou troxérutine.
Une catastrophe. Car dès que le TFR sera fixé (sur le tarif du générique le plus cher, dans le meilleur des cas), il semble quasi inévitable que le princeps aligne son prix sur ce tarif. Dès lors, la substitution n’a plus aucun avantage puisque les remises sur le générique comme sur le princeps seront gelées à 6 %. Quant aux médecins, ils n’auront plus intérêt à prescrire en DC puisque les génériques ne feront plus faire d’économies à la Sécu. Du coup, les patients peuvent reprendre leurs bonnes vieilles habitudes. Des mois d’efforts à la trappe.
« Le forfait ne fera pas obstacle à une dynamique [des génériques] qui s’imposerait d’elle-même », estimait pourtant Jean-François Mattei lors des débats sur le PLFSS à l’Assemblée en novembre. Le TFR ne devait être qu’une « clause de sauvegarde », ne s’appliquant qu’aux groupes « à faible rendement ». On voudrait comprendre, Monsieur le Ministre. Pourquoi lancer en janvier une campagne nationale télévisée vantant les mérites des génériques sur le thème « Les médicaments génériques : tout le monde y gagne »… et les assassiner deux mois plus tard ? « Ou ça marche avec la bonne coopération de tout le monde, ou il y a des failles, de la mauvaise volonté et nous mettrons en place le tarif de responsabilité », aviez-vous assené en présentant cette campagne.
Le générique victime de son succès.
Mais où sont les failles ? Depuis l’accord du 5 juin 2002 signé entre les médecins généralistes et les caisses d’assurance maladie, la part des génériques du Répertoire délivrés par les officines ne cesse de progresser. Elle est passée, en unités, de 51,68 % en décembre 2002 à 52,10 % en janvier 2003 contre une proportion de 36,85 % en mai 2002. Plus 15,25 points en sept mois, 60 millions d’euros d’économie pour la Sécu chaque mois, 330 millions d’euros en six mois, quelle faille, quelle mauvaise volonté !
Et si la faille c’était justement le succès des génériques ? Car certains princeps commencent à y laisser des plumes. Le Prozac : 11,44 millions de chiffre d’affaires en janvier 2002, 5,6 un an plus tard, moins 48 % ! Moins 55 % sur la même période pour la Rocéphine, moins 58 % pour l’Augmentin, moins 60 % pour le Roaccutane et moins 65 % pour le Clamoxyl. Un jeu de massacre.
« Cette annonce de Mattei sent le LIR à 200 kilomètres ! », fulmine Bernard Capdeville, président de la FSPF. L’association des Laboratoires internationaux de recherche (LIR) regroupe quatorze des plus grands laboratoires internationaux présents en France. Tous également membres du LEEM (ex-SNIP), ils représentent à eux seuls plus de 40 % du marché pharmaceutique français. « Le TFR vient tuer le marché du générique au moment où les grosses molécules sont sur le point de tomber dans le Répertoire, reprend Bernard Capdeville. C’est comme si on voulait nettoyer le terrain pour toutes ces molécules intéressantes qui pour la plupart se retrouvent, hasard, dans les affections longue durée. » « Les labos appellent les pouvoirs publics au secours pour faire baisser les prix et organiser une non-concurrence », s’indigne Gilles Bonnefond, secrétaire général de l’USPO.
Le calcul est vite fait pour les labos. Mieux vaut une baisse brutale de 30 % du marché en valeur, quitte à se refaire sur les volumes, plutôt que de voir filer leurs parts de marché chez les génériqueurs. En réponse, le LEEM reste elliptique, répétant que quels que soient les scénarios « le princeps ne doit pas être discriminé », sans jamais formellement s’opposer au TFR.
Un coup pour voir ?
« A vouloir chercher 100 % d’économies, on ne fera qu’accroître les dépenses de santé, pense Philippe Ranty, P-DG de GNR-Pharma et secrétaire général du Gemme (Générique même médicament), association regroupant les principaux génériqueurs. La généralisation du tarif de référence ne permettra pas de réaliser des économies durables. En cas de généralisation, les laboratoires de princeps n’auront plus intérêt à promouvoir les produits soumis au forfait de remboursement et porteront leurs efforts sur d’autres produits, ce qui engendrera des transferts de prescriptions. »
Heureusement, il semble que les mesures annoncées par le cabinet du ministre soient en partie négociables. Le procédé a fait ses preuves. Lâcher une bombe, contempler les dégâts, apprécier les prises de position, puis revenir avec des mesures un peu moins rigoureuses mais qui ne seraient jamais passées sans cela. Le gouvernement Raffarin est coutumier du fait. Les syndicats de pharmaciens et les génériqueurs ont donc fait des contre-propositions, plaidant notamment contre une généralisation du TFR et un échéancier plus adapté. Des décisions gouvernementales devraient être connues lundi. –
A retenir
6 % de remises.
Le plafond de remise accordé sur les princeps et les génériques concernés par un forfait de remboursement sera de 6 % du prix de vente au pharmacien jusqu’au 30 juin 2004 et de 2,5 % au-delà. Le taux de 6 % correspond à la moyenne entre les taux actuels de 2,5 % (sur le prix de vente au pharmacien) sur les princeps, et 10,74 % (sur le prix fabricant hors taxes équivalant à 9,7 % sur le prix de vente) sur les génériques.
Le pire du pire
– Au 1er juillet, application d’un TFR (qui reste à définir) à tous les groupes génériques, dont le taux de substitution en volume est inférieur à 50 %.
– Au 1er septembre, ce serait le tour des groupes dont le taux de substitution est compris entre 50 et 60 %.
– Au 31 mars 2004, généralisation de la mesure à tous les groupes.
– Pour les groupes génériques nouvellement créés, le TFR s’appliquerait après neuf mois si le taux de substitution de 40 % n’est pas atteint ou à quinze mois si le seuil de 60 % n’est pas atteint. Mais quels que soient les résultats de la substitution, le TFR se mettrait en place au bout de 30 mois.
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