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Mattéi aligne le médicament

Publié le 28 septembre 2002
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Le ministre de la Santé a présenté mardi les grandes lignes d’un PLFSS 2003 qu’il qualifie « de transition ». Mais avec des déremboursements sur trois ans et un tarif de référence dès 2003, l’impact pour l’officine va être immédiat.

Ce que les ministres socialistes Aubry et Guigou avaient rêvé sans l’oser, Jean-François Mattéi l’a fait : faire dérembourser une partie des médicaments à service médical rendu insuffisant et mettre en place un forfait de remboursement (tarif de référence) au sein du Répertoire. Officiel au 1er janvier 2003, il sera applicable le 1er juillet 2003. Toutefois, le ministre affirme n’avoir aucune idée du mode de fixation du tarif de remboursement appliqué aux génériques – « ce sera à voir avec les professionnels et la Direction de la Sécurité sociale » -, même s’il sait déjà que la mesure occasionnera 300 à 350 millions d’euros d’économies. « A efficacité égale, la Sécurité sociale n’a pas le droit de payer deux fois plus cher le même service pour la même molécule. » Jean-François Mattéi dit également n’avoir actuellement aucune liste de médicaments dont le passage en automédication, par exemple, serait d’ores et déjà acquis.

A quoi bon substituer ? Une chose est certaine cependant, le pharmacien va perdre à la fois au plan financier et au plan politique. « Il n’y a pas de mesure contre les pharmaciens dans ce PLFSS, déclare le ministre. Pourtant ils avaient signé un engagement sur les génériques… ils ne l’ont pas rempli. J’ai compris que les médecins s’y étaient opposés, que les patients voulaient toujours leur pilule ronde ou bleue… Alors on passe l’éponge et on recommence sur cette base. » Autrement dit, l’officine ne risquerait plus de baisse de marge mais n’a pas à venir se plaindre des conséquences indirectes des déremboursements et du tarif de référence sur son économie. A noter que les officinaux les plus touchés seront ceux qui ont fait le plus d’efforts pour substituer…

De plus, le forfait remboursement menace à terme le marché des génériques : quel intérêt de les prescrire ou de les délivrer si tous les prix baissent ? En fait Jean-François Mattéi ne semble pas convaincu par l’« engagement moral » des médecins à prescrire en DCI : « Il sera toujours plus facile d’écrire Bactrim que sulfaméthoxazole-triméthoprime. Chassez le naturel… » D’où la décision finale d’instaurer le forfait de remboursement.

L’association d’industriels LIR, qui représente plus de 40 % du marché pharmaceutique français, demande dans ces conditions un traitement égal entre laboratoires en ce qui concerne les remises, avec la suppression de la surremise sur les génériques. De l’avis même du ministère, il eût été possible, au contraire, de libéraliser les remises, mais c’est effectivement le « 2,5 % pour tout le monde » qui semble tenir la corde. Selon des observateurs économiques du marché du médicament, les remises et autres conditions commerciales représentent un minimum de 2,5 points sur le taux de marge comptable de l’officine. Reste à savoir quelle part en revient aux génériques…

« Un séisme ». Le coup de bambou est d’autant plus dur pour les représentants syndicaux qu’ils sont dans l’incapacité de chiffrer les conséquences de ces mesures dont l’effet sera dilué dans le temps. « Le ministre nous a dit qu’il avait pensé nous faire contribuer via une réduction de notre marge, mais il dit y avoir renoncé, considérant les obstacles qu’il a fallu surmonté sur le générique », précise Bernard Capdeville, président de la FSPF. Seulement voilà, « il est possible que l’impact de toutes ces mesures indirectes soit pire que celui d’une baisse de marge », selon Claude Japhet, président de l’UNPF, qui estime cependant que la mise en place d’un prix libre de niveau européen la première année pour les médicaments innovants permettra peut-être de compenser des déremboursements. « Je croyais que le Premier ministre était adepte du dialogue social, intervient, atterré, Gilles Bonnefond, secrétaire général de l’USPO. Aujourd’hui, Jean-François Mattéi met à mal trois ans de travail des pharmaciens sur les génériques, juste au moment où le marché commence à décoller. Désormais il faut au moins libérer les remises sur le Répertoire. Quant aux déremboursements, c’est un séisme ! »

Les syndicats officinaux auront la possibilité de négocier ce qui peut l’être (remises, automédication…) lors d’une rencontre au ministère jeudi 3 octobre. Mais d’autres surprises ne sont pas à exclure à entendre les propos sibyllins du ministre mardi dernier : « Les pharmaciens, je leur demanderai autre chose… » « Le ministre nous a dit compter sur le pharmacien pour développer l’automédication et renforcer la pharmacovigilance, précise Bernard Capdeville. Et puis on aura bien besoin des pharmaciens pour expliquer aux assurés sociaux les tenants et aboutissants de ces mesures », conclut-il.

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La profession devra peut-être désormais aussi jouer la carte de la prévention : « Elle doit être érigée en impératif, a souligné le ministre. Le choix implicite du curatif par rapport au préventif explique le niveau relativement élevé de mortalité prématurée, avant 65 ans, dans notre pays, alors même que nos indicateurs de santé globaux sont excellents. »

A retenir

– tarif de référence : Officiel au 1er janvier 2003, il sera applicable au 1er juillet 2003.

– prix européen : L’idée d’un niveau de prix européen pour les médicaments innovants, proposée par le SNIP, est reprise par le ministère.

– contre-vérité : Contrairement à ce qui a été annoncé dans les médias grand public, il n’y aura pas 18 à 20 % de médicaments déremboursés pour SMR insuffisant.

Un forfait de remboursement sur tous les génériques

C’est ce qui ressortirait du discours du ministre mardi. Pourtant la lecture de la fiche technique communiquée sur le sujet est ambiguë : « La mesure sera mise en oeuvre classe par classe [NdlR, groupe générique par groupe générique] en fonction de stratégies des industriels. » Est-ce à dire simplement que la mesure sera étudiée pour chaque groupe successivement, qu’elle ne concernera pas tous les groupes ou encore qu’elle touchera inégalement les industriels et donc les produits ? Cette subtilité changerait totalement la donne, atténuant l’impact économique de la mesure et laissant au pharmacien un rôle stratégique dans la substitution. Les syndicats officinaux entendent avoir un éclaircissement rapide sur le sujet.

Quel sort pour les produits à SMR insuffisant ?

Le ministre s’est donné trois ans pour « tirer les conséquences de la réévaluation du SMR par les médicaments ». Mais on sera loin des 18 à 20 % de médicaments déremboursés annoncés dans la presse. Toutefois 150 produits devraient être examinés dans les trois mois en vue d’un déremboursement rapide. Trois sorts différent attendent les produits à SMR insuffisant :

– les « produits qui n’ont plus leur place dans la stratégie thérapeutique » : les sirops qui contiennent de faibles doses d’antibiotiques (« dont la seule efficacité est créer des résistances ») ou de cortisone ;

– « ceux qui peuvent rentrer dans une logique d’automédication » (magnésium, veinotoniques…) ;

– et enfin « ceux qui ont une utilité sociale sans alternative crédible et qui ne peuvent faire l’objet d’une automédication »… tels les vasodilatateurs. Les produits toujours sans alternative thérapeutique d’ici trois ans seront-ils finalement déremboursés ? Certains passeront-ils alors dans le groupe 2 ? D’autres resteront-ils inscrits au remboursement ? Rien n’est décidé.

Dans l’immédiat, chaque laboratoire devra défendre ses produits en commission d’appel…

Repères

– ondam 2003 : + 5,3 % (+ 4 % prévu en 2002, 7 % réalisé)

– Régimes de base

2001 (MdEuro(s)) :

– maladie : – 2,1

– acc. du travail : 0

– vieillesse : + 1,5

– famille : + 1,7

2002 (prévision) :

– maladie : – 6,1

– acc. du travail : + 0,1

– vieillesse : + 1,6

– famille : + 1,1

2003 (prévision) :

– maladie : – 8,2

– acc. du travail : + 0,4

– vieillesse : + 1,5

– famille : + 1,7

– Économies

Les baisses de prix 2000-2002 : 276 MEuro(s)

– PIB 2001 : 1 463,7 MdEuro(s)

– budget de l’Etat : 266 milliards d’euros

– prestations versées par les régimes de base : 283,5 milliards

– part maladie dans les dépenses du régime base : 40,5 %