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MARISOL TOURAINE INCITÉE À DÉREMBOURSER
Un rapport sur l’évaluation des produits de santé qui sera rendu début septembre pourrait bien aboutir au déremboursement de nombreux médicaments. Explications.
Complexe, opaque, incohérent… Pour améliorer le système actuel d’évaluation des produits de santé qui connaît aujourd’hui ses « limites », comme l’a reconnu la ministre de la Santé, Dominique Polton n’a pas fait dans la dentelle. Le 21 juillet dernier, l’actuelle conseillère du directeur général de l’UNCAM (Union nationale des caisses d’assurance maladie) a formulé devant le groupe de travail mis en place en mars par Marisol Touraine ses premières propositions. Elles sont quelque peu décoiffantes.
Pour clarifier et simplifier les critères qui permettent le remboursement des médicaments, Dominique Polton a d’abord rappelé les trois éléments communs qui ont servi de base à cinq scénarios. D’abord, le service médical rendu (SMR). Pour ouvrir le droit au remboursement, la conseillère considère que le médicament devrait être gratifié d’un service médical rendu (SMR) suffisant (lire l’encadré ci-dessous). Pour entrer dans cette catégorie, les critères pris en compte restent peu révolutionnaires par rapport au système actuel. Deuxième élément : l’amélioration du service médical rendu (ASMR). Ce critère utilisé aujourd’hui deviendrait une « valeur thérapeutique relative » (VTR) à 4 grades: majeure, importante, mineure, pas d’amélioration. Enfin, une évaluation médico-économique permettrait de déterminer progressivement le prix du médicament. Des valeurs de référence de coût par année de vie ajustée à la qualité (QALY) seraient prises en compte par le Comité économique des produits de santé (CEPS).
Vers un taux unique de remboursement ?
Se fondant sur ces règles communes, les deux premiers scénarios préconisés par Dominique Polton redéfinissent le SMR et l’ASMR, tout en modifiant peu de choses par rapport au système actuel, tandis que dans les trois pistes suivantes, l’économiste n’hésite pas à introduire le principe de larges déremboursements. Particulièrement sur la sellette, le taux de remboursement à 15% qui disparaît dans le scénario 3 est compensé par un forfait de remboursement pour les pathologies particulières et des indications incluses dans l’AMM. Des critères qui devraient être soumis à un accord préalable de l’Assurance maladie.
Dominique Polton va encore plus loin en préconisant dans le scénario 4 un taux unique de remboursement. L’Assurance maladie a réalisé des simulations avec un taux à 60 % avec intégration de la majorité des produits à 30 % et déremboursement de la quasi-totalité des médicaments à 15 %. Là aussi un système de forfait compensatoire viendrait atténuer l’impact du reste à charge dans certaines pathologies et pour certains patients.
Incertitudes sur l’application pratique
Dérembourser les médicaments à 15 % ou passer à un taux unique implique d’évaluer chaque cas particulier. Une telle réforme ne pourrait se faire du jour au lendemain. Selon les indications de l’AMM, pour une même molécule, le SMR peut être différent. Parmi les médicaments pris en charge à 15 %, on retrouve les bains de bouche, les hypnotiques, des antispasmodiques, certains médicaments du système digestif, les médicaments de la maladie d’Alzheimer… Dans quel cas serait-il justifié de les rembourser ? Quel serait le statut de médicament non remboursé mais pris en charge dans le cadre des forfaits ? Et le prix en serait-il réglementé ? Quel impact sur l’équilibre financier des officines?? Cette réforme sera-t-elle acceptée par la population ? Autant de questions qui seront posées à la ministre de la Santé, laquelle s’est toujours prononcée contre les déremboursements. Une position pas facilement tenable dans un contexte budgétaire contraint.
Pour l’heure, rien n’est encore tranché et il n’y a pas de réactions officielles du côté des acteurs concernés (industriels, mutuelles, associations de patients). Les membres du groupe de travail qui se réuniront le 8 septembre devraient faire part de leurs préférences entre les 5 scénarios proposés.
SMR, ASMR… Quésaco ?
Le laboratoire souhaitant voir son médicament remboursé par la Sécurité sociale doit soumettre un dossier à la Haute Autorité de santé, qui commence par évaluer le service médical rendu (SMR) selon plusieurs critères (efficacité, effets indésirables, place dans la stratégie thérapeutique). Elle attribue un niveau de SMR parmi 4 : « important » (remboursement 65 %), « modéré » (remboursement 30%), « faible » (remboursement 15 %) et « insuffisant » (pas de remboursement). Puis elle évalue l’ASMR (A pour amélioration), qui est l’appréciation du progrès par rapport aux traitements ou à la prise en charge existants, ainsi que le nombre de patients potentiels. Cette ASMR se décline sous la forme d’une note de 1 à 5 (progrès thérapeutique majeur, important, modéré, mineur, inexistant). Sur cette base, le CEPS fixe le prix du médicament et l’UNCAM le taux de remboursement.
Quelles conséquences pour la profession ?
Même si les pistes de réforme de Dominique Polton restent encore hypothétiques, elles inquiètent les représentants des pharmaciens dans une conjoncture financière de baisse massive de prix et d’incertitude sur la pérennité des remises génériques.
→ Gilles Bonnefond, président de l’USPO, qualifie de « simpliste » la proposition de taux unique du rapport. « Les propositions de réévaluation se transforment en propositions de déremboursement des médicaments à 15 % et d’une partie de ceux à 30 %, comme s’ils étaient inutiles. L’économie officinale pourrait en souffrir gravement. » En effet, de nombreux médicaments peu chers seraient concernés, ceux dont la marge officinale est meilleure et pour lesquels les honoraires à un euro ne seront pas compensés.
→ Jean-Luc Fournival, président de l’UNPF, pointe les conséquences qu’auraient de telles décisions sur les officines. « Trois pharmacies ferment par semaine. Ce rapport arrive après une suite ininterrompue de plans d’économie drastiques qui s’attaquent toujours au médicament. Trop, c’est trop ! » Pour lui aussi les économies sont à chercher ailleurs, par exemple dans les dettes des pays étrangers envers la CNAMTS, dans les propositions des pharmaciens sur la PDA pour les personnes âgées ou d’autres actes pharmaceutiques.
→ Philippe Gaertner, président de la FSPF, reste plus mesuré, en attente de plus amples précisions sur l’application pratique de ces mesures. Les pistes évoquées lui paraissent risquées et d’application irréaliste au point de vue technique et politique.
REPÈRES
2010
Création du taux de remboursement à 15 %.
2013
Suppression de la vignette.
2015
Proposition du rapport Polton de supprimer le taux de 15 %.
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