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Marathon woman

Publié le 1 juillet 2010
Par Violaine Badie
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Préparatrice en Indre-et-Loire et syndicaliste Force Ouvrière, Arielle mène ses journées à un train d’enfer. Une endurance entretenue grâce à la course à pied et le marathon.

Elle court toute la journée. Elle court, de décembre en été. » Ce refrain de Goldman rythme son quotidien surchargé. Après huit heures derrière le comptoir, Arielle Bonnefoy saute dans ses baskets et fonce avaler les kilomètres. Sous le soleil comme sous la pluie, dans le froid ou même de nuit, trois fois par semaine sans exception, Arielle court. Elle a même poussé sa passion jusqu’au marathon.

Toujours plus haut. En quelques années seulement, la joggeuse du dimanche a cédé la place à une férue de l’endurance. « J’ai commencé à courir pour suivre mon mari et mon fils. Des courtes durées, dix à quinze minutes, puis je les laissais continuer et finissais ma promenade à mon rythme. » En 1999, monsieur est muté loin du foyer, madame est souvent seule avec son cadet. Pour passer davantage de temps avec son fils féru de course à pied, Arielle enfile des baskets à son tour. Elle ne pourra plus s’en passer. L’officinale est une autodidacte. Elle puise ses infos dans son magazine de chevet, Jogging international, ou auprès de son coach personnel, son mari, marathonien lui aussi. « Mon emploi du temps ne me permet pas d’intégrer un club. J’ai tout appris par moi-même. Il suffit d’avoir la motivation nécessaire. » Arielle découvre le sens du sacrifice pour s’offrir le luxe d’une passion chronophage. « J’ai attendu que mes enfants soient grands car je voulais prendre le temps de m’occuper d’eux. » À 35 et 30ans aujourd’hui, Aude et Florian apprécient. Kilomètre après kilomètre, Arielle vise plus haut. Elle participe à des courses officielles : cinq kilomètres, dix kilomètres, puis un premier semi-marathon, à Reims, où elle a passé son BP. « Je choisis mes épreuves en fonction du lieu. Il faut que ça me motive, que ça représente quelque chose pour moi ou que j’y aie un attachement personnel. Parfois, le temps paraît très long, autant que le cadre soit agréable. » Des courses bien gérées, une éternelle envie de se surpasser, c’est naturellement qu’elle veut s’essayer à la distance mythique des 42,195 km du marathon. Rêve inavoué de tout coureur de fond. « La première fois que je me suis lancée, c’était à Vannes, fin 2006. C’est un drôle de sentiment face à une si longue distance jamais courue d’un coup. Lors de la préparation, on participe à des semi-marathons. Mais le jour J, la difficulté passe du simple au double. Il faut garder en tête tous les efforts faits pour en arriver là, et se donner un objectif. » Quatre heures et trente cinq minutes plus tard, l’objectif est atteint. Arielle fait désormais partie de la grande famille des marathoniens. La Rochelle en 2007, Budapest en 2008 et l’épreuve du Val de Loire en 2009, chaque année, elle renouvelle ce « petit plaisir » ponctué à chaque fois par le même rituel, « retrouver mon mari à l’arrivée. Tomber dans ses bras, et pleurer de joie ».

Contre la montre. Quatre heures et treize minutes affichées, en quatre épreuves, Arielle a gagné vingt-deux minutes au chrono. Un temps difficile à apprécier pour les non-initiés, « une grande victoire » pour la principale concernée. Si elle parle de ses courses avec une grande humilité, la dynamique quinquagénaire ne nie pas les difficultés rencontrées. « Huit semaines avant un marathon, j’augmente la fréquence de mes entraînements. Je cours un semi vers la quatrième semaine. Et bien sûr, je m’astreins à un régime alimentaire très strict. » Pour une authentique épicurienne, peut-être le plus grand sacrifice à concéder. Seule compensation, une « pasta-party » qu’elle s’autorise avec ses amis marathoniens la veille. Pour trouver la force et la motivation de courir par tous les temps, Arielle fait confiance à son mental gagnant. « C’est sûr que certains soirs, je n’ai pas envie de ressortir, parce que j’ai mal aux jambes, parce que je suis fatiguée de ma longue journée… Mais j’ai toujours été une battante. Alors quand le corps ne veut pas, le cerveau prend le relais. » La concentration serait d’ailleurs le premier commandement qu’elle inscrirait sur les tables de la loi des joggeurs. « Se vider la tête est primordial pendant une course. Si on n’est pas entièrement obnubilé par ce qu’on fait, on n’arrive pas à avancer. Le mur du marathon est une phase très dangereuse. Au bout d’une trentaine de kilomètres, on marche sur un nuage, on souffre, on est dans un état second. À ce stade, seule la tête nous permet de continuer. »

Double combat. Cette souffrance lui a appris à relativiser, les difficultés, les soucis personnels. « Ce que j’apprécie le plus dans un marathon, c’est que nous sommes tous égaux. hommes et femmes, sans différence de classe. Une belle leçon d’humilité. » La lutte contre l’injustice sociale est le second « parcours du combattant » qu’Arielle mène depuis des années. « Mon père m’a sensibilisée très jeune, martelant qu’il ne devrait pas exister d’inégalités entre les individus, que nous avons tous des droits qui doivent être défendus. » Elle se rend à des réunions sur la profession où elle rencontre des militants de Force Ouvrière (FO). « Je n’ai pas choisi FO, c’est FO qui m’a choisie. Ma personnalité s’accorde avec leur idéologie, indépendance et liberté. » Elle se syndique dès 1982. Son engagement devient son autre marathon quotidien. Arielle dirige aujourd’hui le Syndicat de pharmacie d’Indre-et-Loire et siège à la Commission paritaire nationale pour l’emploi et la formation professionnelle (CPNE-FP). « J’aime profondément mon métier. C’est pour ça que j’ai toujours voulu le protéger et le faire évoluer. Quand on a un objectif auquel on tient, on ne lâche jamais. Ça se vérifie dans tous les domaines. » C’est autour d’une table qu’elle teste son endurance et sa persévérance. Rédaction du journal, coups de fil… Une autre course commence dès que la première se termine, souvent très tard le soir après ses entraînements. À 57 ans, Arielle Bonnefoy regarde toujours la suite du parcours. Elle n’y espère que des victoires. Elle se bat pour un nouveau diplôme de préparateur, afin de permettre l’évolution de ce « si beau métier ». Elle rêve aussi de courir dans les rues de Paris, Londres et « surtout » de New York. Enfin, elle souhaiterait consacrer du temps à ses petits-enfants. À la retraite peut-être…

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Portrait chinois

• Si vous étiez un végétal ? Une liane pour sa souplesse, indispensable au comptoir et dans le monde syndical, et pour sa robustesse, car je ne lâche jamais le morceau. Je suis tenace et persévérante.

• Une forme galénique ? Un sirop pour l’apaisement et la douceur. Je sais mettre de l’huile dans les rouages quand il le faut.

• Un médicament ? La pilule du vrai bonheur, pas un antidépresseur. C’est important d’être heureux, de cultiver le bonheur. Il y a tellement de tristesse dans ce monde…

• Un dispositif médical ? Une béquille pour apporter aide et soutien. Ou une bande Velpeau pour son maintien et son confort.

• Un vaccin ? Un vaccin contre le cancer. C’est un véritable fléau. Il y en a trop…

• Une partie du corps ? Les mains, parce que j’ai besoin de créer et pour le symbole de lien entre les hommes.

Arielle Bonnefoy

Âge : 57 ans.

Formation : préparatrice en pharmacie.

Lieu d’exercice : pharmacie Jacques André, Joué-lès-Tours (37).

Ce qui la motive : la découverte culturelle et celle des autres, voir grandir ses petits-enfants.