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L’ultimatum

Publié le 22 octobre 2005
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Alors que le PLFSS doit être discuté en première lecture à l’Assemblée mardi prochain, la révolte gronde chez tous les acteurs du médicament. Le Collectif des groupements pose même un ultimatum au ministre de la Santé.

Si mercredi prochain Xavier Bertrand n’a pas modifié ses projets, nous lancerons le mot d’ordre à nos confrères : arrêtez la substitution ! » Cet ultimatum lancé par Lucien Bennatan, porte-parole du Collectif des groupements, est à la mesure de la colère provoquée dans le monde pharmaceutique par l’annonce de la mise en place d’un TFR sur chaque groupe générique après deux ans d’inscription et la baisse des prix de 13 % du Répertoire : deux mesures qui pourraient coûter près de 600 millions d’euros à la profession (lire Le Moniteur n° 2599). « Avec ces mesures, le ministre nous dit que le pharmacien redeviendra un simple distributeur de médicaments, le patient, un consommateur, et la santé, un gisement d’exploitation commerciale…, reprend Lucien Bennatan. Si on ne nous considère plus comme des acteurs de santé publique, alors nous arrêterons de nous comporter comme tels… Pour l’assurance maladie ce sera une perte sèche de 22 000 Euro(s) par an et par officine, soit 300 MEuro(s). »

Tout au long de la semaine les différents acteurs du médicament n’ont cessé de faire part de leur désarroi. « Est-ce comme cela que le gouvernement remercie une profession qui a participé activement à tous les efforts qui lui ont été demandés dans le cadre des plans de redressement successifs des comptes de l’assurance maladie ? », interroge la FSPF dans un communiqué. Neutraliser les pharmaciens « par l’application injuste de TFR […] revient à faire faire à la chaîne du médicament un bon de cinq ans en arrière », estime le syndicat, qui devait tenir une assemblée générale des présidents départementaux ce jeudi pour mettre au point une « stratégie de défense du réseau et le maintien de l’emploi ».

L’arrêt de la substitution fait partie des mesures à débattre. Selon les données de l’USPO, le taux de substitution hors TFR à fin septembre atteint 62,33 %, contre 60,39 % pour le mois d’août. Une progression constante depuis le mois d’avril. « La dynamique est là, commente Gilles Bonnefond. Les décisions du ministère ne répondent pas à une stagnation de la substitution générique, contrairement à ce qu’il est dit. »

La bataille ne fait que commencer.

Les répartiteurs seraient aussi sévèrement touchés par le PLFSS. Selon la Chambre syndicale de la répartition pharmaceutique (CSRP), ils devraient perdre environ 310 MEuro(s). Sans compter que le gouvernement réclame en plus aux grossistes un effort de 100 MEuro(s) sur les marges d’ici à fin 2007, prévu dans le Plan médicament 2005-2007. « Nous ne pouvons pas accepter !, affirme Patrick Martin, président de la CSRP. Aucune entreprise ne peut accepter 45 % en moins sur sa marge, cela serait dramatique pour la Distribution. »

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Le GEMME considère de son côté que ce PLFSS pourrait remettre en cause l’existence même de plusieurs génériqueurs. « Les baisses de prix projetées représentent un montant de plus de 200 MEuro(s), soit une valeur quatre fois supérieure à la rentabilité nette des industriels, fragilisant considérablement leurs capacités de développement et parfois même d’existence », souligne l’association, réaffirmant son hostilité au TFR généralisé. Parmi les portes de sortie : une plus grande prescription des médecins dans le Répertoire, idée lancée il y a deux semaines par cinq syndicats de pharmaciens et de médecins. Le GEMME explique ainsi que si les médecins avaient prescrit de la simvastatine, au lieu d’autres statines, cela aurait procuré une économie de 14 MEuro(s) en quatre mois. Enfin, le président du Leem, Pierre Le Sourd, affirme dans Le Figaro que le gouvernement a rompu son partenariat avec l’industrie passé dans le cadre du Plan médicament 2005-2007. Les nouvelles mesures « nous coûteront pas 1 mais 1,4 milliard d’euros. Au total, on exige donc de nous plus de 4 milliards d’euros d’économies à l’horizon de 2007 […]. Ces efforts sont disproportionnés par rapport à nos responsabilités ». La grande bagarre commence mardi prochain.

A retenir

– substitution : Le Collectif demandera aux confrères d’arrêter la substitution si Xavier Bertrand ne revient pas sur certaines mesures du PLFSS. La FSPF y réfléchit également.

– répartition : Les répartiteurs devraient perdre environ 310 MEuro(s) avec l’actuel PLFSS.

– génériqueurs : Le PLFSS pourrait remettre en cause l’existence même de plusieurs génériqueurs selon le GEMME.

Les deux autres mesures phares du PLFSS

Le médicament va payer le forfait de 18 Euro(s). L’annonce de la mise en place d’une franchise pour le patient de 18 Euro(s) sur tous les actes de plus de 91 Euro(s), en ville ou à l’hôpital, a provoqué un tollé. Mais en présentant le PLFSS le 12 octobre, Xavier Bertrand a expliqué que ce forfait ne serait pas payé par les assurés mais pris en charge en totalité par les assurances et mutuelles, soit environ 100 MEuro(s) selon ses calculs. « Nous pensons que les complémentaires peuvent faire cet effort qui représente 0,58 % de leurs remboursements, sans augmenter leurs tarifs puisque dans le même temps elles vont réaliser des économies trois ou quatre fois plus importantes grâce à la réduction des dépenses de médicaments que nous avons enclenchée. » Les complémentaires, elles, estiment l’impact du forfait entre 100 et 200 MEuro(s) selon les actes concernés. Au total, elles pourraient avoir à faire face à plus de 2 milliards de frais supplémentaires (hausse de la CMU complémentaire, produits à 15 %, transferts de prescriptions, hausse du forfait hospitalier, dépassements d’honoraires, TFR…).

La FFSA prévoit déjà une hausse de 6 à 9 % de ses tarifs. Le ticket modérateur sera plafonné à 18 Euro(s) quel que soit le nombre d’actes et ne s’appliquera pas aux patients en ALD, femmes enceintes, CMU, nouveau-nés hospitalisés, titulaires d’une rente pour accident du travail ou maladie professionnelle.

Renforcement de la lutte contre les fraudes et abus. Le PLFSS prévoit un renforcement du contrôle des indemnités journalières par l’encadrement des pratiques des prescripteurs, mais aussi le contrôle des revenus perçus à l’étranger lorsqu’une prestation est versée sous conditions de ressources. Les caisses pourront ainsi exiger des étrangers souhaitant s’affilier à la CMU qu’ils produisent des documents attestant des revenus qu’ils perçoivent dans leur pays d’origine. Les directeurs de caisse auront obligation de réaliser des contrôles ou des enquêtes en cas de fraudes suspectées et les agents de contrôle pourront réaliser leurs vérifications dans le ressort d’une autre caisse. L’amende encourue en cas de fraude ou de fausse déclaration pour tenter d’obtenir des prestations indues est fixée à 5 000 euros. N.F.