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L’Ordre fait le ménage dans les compléments alimentaires
Depuis de nombreuses années, l’Ordre se bat contre les fabricants de compléments alimentaires peu respectueux de la loi et des consommateurs. Trois nouveaux arrêts arrivent à point nommé pour lui donner raison.
Alors que les compléments alimentaires reviennent sous les feux de l’actualité, avec la sortie du livre critique de Luc Cynober et Jacques Fricker « La vérité sur les compléments alimentaires » (Odile Jacob, 2010), l’ordre des pharmaciens vient de gagner à l’ombre des tribunaux trois affaires contre des fabricants.
« L’arrêt de la cour d’appel d’Orléans du 2 février et les deux arrêts de la cour d’appel de Lyon du 18 février sont importants, car ils traduisent une homogénéisation de la jurisprudence française en matière d’exercice illégal de la pharmacie et de compléments alimentaires », déclare maître Olivier Saumon, du cabinet Vatier #amp; Associés, et avocat du Conseil national de l’ordre des pharmaciens (CNOP). Ces arrêts qualifient les produits incriminés de médicaments, confirment donc le délit d’exercice illégal de la pharmacie, et condamnent les prévenus à verser des dommages et intérêts au CNOP, de 15 000 à 25 000 euros par prévenu (voir encadré).
Pour mieux comprendre leur intérêt, il faut resituer le contexte juridique. Les compléments alimentaires sont définis par la directive européenne 2002/46/CE transposée en France par le décret du 20 mars 2006. Le complément alimentaire est une denrée alimentaire qui peut être composé de tout ou partie des plantes traditionnellement considérées comme alimentaires. Ce qui exclut les plantes et préparations médicinales. De plus, le produit doit être destiné à compléter le régime alimentaire normal. Enfin, le vendeur ne doit pas laisser croire qu’il a des effets thérapeutiques.
Pour autant, les cours de justice qui ont jugé dans un premier temps les trois affaires ont considéré que les produits mis en cause par l’Ordre étaient bien des compléments alimentaires, et qu’il n’y avait pas de délit d’exercice illégal de la pharmacie. Des décisions cassées par la Cour de cassation en mai 2009, et qui ont été suivies par les cours d’appel d’Orléans et de Lyon, devant lesquelles étaient renvoyées les affaires.
Des compléments qui agissent comme des médicaments
« Les arrêts de la cour d’appel de Lyon consacrent une appréciation large de la qualification du médicament par présentation, c’est-à-dire de tout produit qui revendique des allégations thérapeutiques ou qui a l’aparence d’un médicament de par sa forme galénique ou avec une mention assimilable à une posologie », commente Olivier Saumon.
Ces décisions et celle de la cour d’appel d’Orléans précisent également la qualification de médicament par fonction pour les produits à base de plantes ou de vitamines. Les compléments alimentaires composés de plantes médicinales non libéralisées ou libéralisées sous certaines conditions sont bien des médicaments. Quant aux vitamines, si les doses sont susceptibles de restaurer, corriger ou modifier des fonctions physiologiques, il s’agit alors de médicaments par fonction. « Il n’y a pas de produits frontières, remarque à ce sujet Isabelle Adenot, présidente du Conseil national de l’ordre des pharmaciens. En fonction du dosage, un même produit peut être un aliment, un conservateur, un complément alimentaire ou un médicament. C’est typiquement le cas de la vitamine C. » La présidente se félicite de cette série de décisions qui vont toutes dans le même sens : « Cela va nous permettre d’être vraiment confortés dans les actions que nous menons en matière d’exercice illégal de la pharmacie. » Olivier Saumon renchérit : « Depuis dix ans, c’est la première fois que les juges du fond tracent aussi clairement la frontière entre ce qui relève du complément alimentaire et ce qui relève de la législation du médicament. » Il faut en effet savoir que l’Ordre est engagé dans une centaine de procédures concernant des compléments alimentaires.
Attention au référencement
Un nombre qui reflète l’importance du marché. Selon le Syndicat de la diététique et des compléments alimentaires, le chiffre d’affaires en 2008 s’élevait à 1 065 millions d’euros, dont 639 millions d’euros en officine. Pour la même année, on dénombrait 28 000 produits différents pour un prix moyen de 14,21 Û par boîte. Un tel marché suscite des convoitises y compris d’opérateurs peu scrupuleux. « Les pharmaciens doivent être très attentifs au référencement, aux prix et à la présentation des compléments alimentaires. Il est nécessaire de distinguer les rayons de compléments alimentaires des rayons de médicaments vendus en libre accès. Il ne faut surtout pas induire le public en erreur », recommande vivement Isabelle Adenot, qui remarque que les répartiteurs-grossistes sont aussi confrontés au problème de tri et de référencement de ces produits. « La jurisprudence s’impose à tous, aux fabricants, aux administrations et aux pharmaciens d’officine », conclut maître Olivier Saumon.
Les produits en cause
Les compléments alimentaires visés par les arrêts ne doivent plus être fabriqués et commercialisés. Si tel n’était pas le cas, l’Ordre aurait la faculté d’engager des procédures pour faire respecter les décisions de justice.
– Cour d’appel d’Orléans, 2 février 2010 (contre les laboratoires Fenioux) :
Immunostim (cartilage de requin), Maïtake, Macasoyam et Yam Proactif (maca, soja et yam), Millepertuis fort, Camu Camu, Shii-Ta-Ke, Prostapalm (sabal), Harpagophytum, Ginkgo biloba,
Aubépine, Orthosiphon, Valériane, Chrysanthemum parthenium, Bourgeon de pin, Eleuthérocoque, Millepertuis-Mélisse, Ginseng, Kawa-Kawa, Boldo, Bourdaine…
– Cour d’appel de Lyon, 18 février 2010 :
Vitamine C 1000 Vitarmonyl, magnésium B1, B2, B6 Vitarmonyl, Sirop « Cocktail naturel aux plantes, bien-être de la gorge et des voies respiratoires » Natessance de l’Institut Plantes et Natures, et l’Elixir circulation Naturland.
– Cour d’appel de Lyon, 18 février 2010 (contre Arkomedika) :
Extrait fluide articulation (composé d’harpagophytum, d’ortie, de saule blanc et de feuilles de cassis) ; Extrait fluide détente (composé d’aubépine, de passiflore, d’oranger et de lavande), Extrait fluide circulation (composé de cyprès, de mélilot, d’hamamélis, et de marronnier d’Inde). Il est reproché à ces références vendues en pharmacie de correspondre à la définition du médicament sans posséder d’AMM.
3 questions au Pr Luc Cynober
Dans votre livre « La vérité sur les compléments alimentaires », vous qualifiez les compléments alimentaires de phénomènes de société ou de mode. Ce marché va-t-il décliner ?
Luc Cynober : Ce phénomène va perdurer. La population vieillit et veut rester le plus longtemps possible en bonne santé. Les compléments alimentaires offrent du rêve et les gens ont envie de rêver. Le phénomène est aussi lié au coût de notre système de santé. Il y a un intérêt à ne pas rembourser et donc à ne pas classer certains produits comme des médicaments.
Vous dénoncez l’opacité du marché des compléments alimentaires. Ces produits sont pourtant réglementés.
L.C. : Le problème est de faire respecter la législation en vigueur. En France, nous sommes très vigilants et sourcilleux en termes d’allégations sur les compléments alimentaires. Mais on pourrait peut-être améliorer l’information sur ces produits. Il serait bien que l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments publie un récapitulatif annuel de ses avis sur les compléments alimentaires.
Outre leur composition et leur emploi, quels dangers peuvent présenter les compléments alimentaires ?
L.C. : Ils ne doivent pas remplacer ou retarder un traitement médicamenteux. Les consommateurs doivent être attentifs aux allégations, souvent très fortes, sur ces produits. Ils ne sont pas une fontaine de Jouvence !
* Professeur de nutrition, responsable du département de biologie expérimentale, métabolique et clinique de la faculté de pharmacie de Paris-Descartes et du service de biochimie des hôpitaux Cochin et Hôtel-Dieu.
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