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Libre accès : des hauts et débats
Entre ralliement de dernière minute et signature de la très attendue charte de bonnes pratiques commerciales, la vraie vedette de Pharmagora, ce fut le libre accès.
Je veux autoriser les pharmaciens à présenter les médicaments non soumis à prescription devant les comptoirs. Les conditions de mise en oeuvre de cette mesure ont été mûrements réfléchies, en concertation avec les pharmaciens eux-mêmes. Notre métier est d’une grande richesse et parmi toutes ses missions, la plus fondamentale, c’est le conseil. » Lors de son discours d’inauguration de Pharmagora 2008, samedi 29 mars, Roselyne Bachelot a expliqué à ses confrères que cette mesure avait pour but de « garantir à nos concitoyens une transparence légitime, de leur assurer la meilleure information possible sur l’usage de ces médicaments, de jouer le jeu de la concurrence et de renforcer le conseil. […] Cette mesure contribuera à améliorer le pouvoir d’achat des citoyens, favorisera l’éducation thérapeutique et préservera l’ensemble des garanties de sécurité sanitaire que l’officine apporte aujourd’hui ». Que du bonheur, donc… D’autant que la sortie prochaine d’un décret sur les centrales d’achat permettra aux officines de toutes tailles, d’avoir des tarifs « compétitifs », a-t-elle rappelé.
Le lendemain, la FSPF, l’UNPF, l’USPO, l’AFIPA et le LEEM (qui avait donné procuration à l’AFIPA) ont paraphé une charte de bonnes pratiques commerciales. Deux heures après, le débat du Moniteur consacré au libre accès se jouait à guichets fermés. A travers la charte, tous les signataires s’engagent à proposer le non-remboursable au meilleur coût pour le consommateur. Cet accord, validé par la DGCCRF, met fin aux tarifs furieusement élevés des prix catalogue assortis de remises très conséquentes. Une pratique longtemps décriée par les syndicats officinaux car elle introduisait des distorsions de prix entre officines.
La signature a été saluée comme une avancée historique qui va permettre maintenant de mettre le libre accès sur les rails avec la transparence des prix réclamée par les pouvoirs publics. Manifestement, les échanges furent âpres. « Dans la nuit de vendredi à samedi, on était tous encore en discussion », confiait en apparté Claude Japhet, président de l’UNPF. « Cette charte symbolise notre engagement commun de proposer des produits innovants à des prix acceptables », se félicite Vincent Cotard, président de l’AFIPA. « Nous étions attendus par le gouvernement là-dessus, rappelle Gilles Bonnefond, président délégué de l’USPO. Ce que les patients nous ont dit c’est : « Vos prix, on ne les voit pas. Quand vous nous avez conseillés deux à trois minutes, il est difficile de faire marche arrière ». Cela dit, les dérives du type deux boîtes achetées, la troisième gratuite sont une catastrophe. » Un point de vue partagé par Vincent Cotard : « Ces promotions vont à l’encontre de ce que l’on doit faire avec un médicament. […] Arrêtons les vitrines catalogues de la Redoute ». « La charte est un signal fort que nous venons d’adresser aux autorités de tutelle pour conserver le médicament à l’officine », complète Claude Japhet. Pour Philippe Gaertner, président de la FSPF, « la nouvelle politique de prix, en facilitant l’accès aux soins des patients, va permettre de développer l’éducation thérapeutique ». Un observatoire sous l’autorité du ministère de la Santé surveillera les prix publics pratiqués.
Pharmaciens un peu moins en colère
Le débat du Moniteur a également permis d’assister en direct au revirement de l’un des tout derniers irréductibles : Philippe Pistre, cofondateur du mouvement des Pharmaciens en colère, connu pour être farouchement opposé au libre accès, se résigne à suivre le mouvement. A la surprise de certains, si l’on en juge par les soubresauts provoqués dans l’assistance. « Le débat est clos, le problème est maintenant de savoir ce que l’on en fait. Pourquoi ne serait-ce pas une chance pour nous ? », s’est-il justifié. Représentant les consommateurs, Micheline Bernard-Harlaut, chargée de mission pour le Conseil national des familles laïques admet que « l’on avance vers quelque chose de plus responsabilisant pour les consommateurs ». Jean-Charles Tellier, président de la section A, a cependant souligné la complexité à situer le curseur entre conseil et vente dans ce contexte de patient-consommateur.
La menace de la GMS
Le spectre de la GMS ? C’est « un défi à relever tous ensemble » estime Philippe Gaertner qui ajoute : « Le libre accès ne doit pas être un libre-service. Il faudra l’accompagner d’un conseil et acquérir de nouveaux comportements conduisant encore plus à dire non au comptoir. » Gilles Bonnefond ajoute, non sans ironie, « contrairement à la GMS, on ne se contente pas de dire que l’on baisse les prix, on le fait ! ». Pour Vincent Cotard, « le monopole de la santé est de plus en plus dans les mains des consommateurs. Si on ne perd pas ceci de vue, on gagnera. Arrêtons de dire que l’on sait, à la place du consommateur ». Rebondissant sur l’inviolabilité des boîtes, un frein à la mise en place de la mesure, il monte sur ses grands chevaux : « Tant de complexification, c’est aberrant. On s’est mis d’accord sur un espace dédié, alors si on a envie d’offrir ces produits inviolables et filmés à la grande distribution, ne nous gênons pas. »
Pour Gilles Bonnefond, il faut sans tarder ouvrir le débat avec les complémentaires : « Aucune ne s’inscrira dans un parcours de consommation. Mais un parcours cohérent, sécurisé où l’on montre que l’on peut éviter des prescriptions ne peut que les séduire. »
Application au second semestre
La liste des quelque 220 premiers produits concernés par le libre accès, Le Moniteur vous a permis de la découvrir en exclusivité la semaine dernière. L’Afssaps travaillerait déjà sur un élargissement à 300 produits éligibles. Finalement, la question clé maintenant, c’est « Quand ? ». Selon Jean Parrot, président de l’Ordre, la mise devant le comptoir devrait être progressive. Car il faut que les décrets nécessaires soient publiés, et que les aménagements des officines soient réalisés. Soit plus vraisemblablement à partir de juillet-août.
Offensive médiatique de Leclerc contre le monopole
Est-ce par crainte que la la charte industrie-officine et le futur décret sur les centrales d’achats de pharmaciens, ne lui ôte bientôt son seul argument – les prix bas ? Michel-Edouard Leclerc a décidé de franchir une étape supplémentaire dans son conflit avec la profession en passant sur TF1 et M6, a priori dès ce week-end, un spot s’attaquant au monopole : « Les médicaments non remboursés sont de plus en plus chers. Leclerc demande que ses pharmaciens puissent vendre ces médicaments non remboursés à des prix Leclerc », y entend-on.
Problème : ce spot avait été interdit par le Bureau de vérification de la publicité, estimant qu’il s’apparentait à du dénigrement et à une pression politique, ce qui est interdit dans les publicités. Reste que Leclerc et les deux chaînes de télévision ont décidé de passer outre.
La pharmacie avait réussi à damer le pion au lobby de la grande distribution au détour du rapport Attali. Leclerc déplace ici le sujet dans l’arène publique, autrement moins feutrée que les couloirs des institutions. Le danger est certain tant on sait le public perméable à la publicité, même si Michel-Edouard lui-même reste prudent : « Rien n’est réglé en France et Dieu sait qu’il y aura débat », a-t-il déclaré jeudi. Mais deux parapharmacies Leclerc sont déjà prêtes à vendre du médicament en région parisienne, avoue-t-il.
Les pharmaciens auront-ils le soutien des fabricants dans ce nouveau combat ? A voir. Nicholas Hall, patron d’OTC News et spécialiste du secteur à l’échelle européenne, n’écrivait-il pas à ses lecteurs industriels il y a deux mois que « Leclerc est l’un des facteurs de changement les plus positifs sur le marché français de l’OTC, et apporterait un modèle de réussite important dans le nouveau paradigme de l’OTC. » Qu’en pensent les industriels en leur fort intérieur ?
François Silvan
PHR a déjà son guide
« Dès mars 2007, on savait qu’il fallait aller dans le sens du libre accès, explique Lucien Bennatan, président de PHR. Nous parlons de conseil, mais nous n’en faisons pas. Rendons nos clients «Pharmaddicts» ! Ce passage peut être une opportunité, non une menace.» Avec un sens évident de l’À propos, Lucien Bennatan a annoncé un scoop sur le plateau télévisé. En effet, le groupe PHR a préparé pour ses adhérents un dossier complet de recommandations entre autres sur la méthodologie, les zones d’implantation, l’organisation et les plannogrammes (top des ventes sur gondole, descentes murales en libre accès, linéaires derrière le comptoir).
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