- Accueil ›
- Profession ›
- Socioprofessionnel ›
- Libéraux au bord de la crise de nerfs
Libéraux au bord de la crise de nerfs
Alors que la loi Bachelot retourne au Parlement le 2 mars, les nerfs lâchent. Les organisations professionnelles, divisées entre pro- et antiréforme, s’affrontent par communiqués interposés. Entre « corporatisme d’un autre âge » et « vassaux à la solde du gouvernement », les amabilités fusent.
Quelques organisations minoritaires viennent de se prononcer en faveur du projet de loi Bachelot, répondant en cela à une commande expresse de la ministre de la Santé mise en difficulté par la mobilisation des syndicats majoritaires des professions libérales de santé organisée par le CNPS » ! Le Centre national des professions de santé n’y est pas allé avec le dos de la cuillère pour dénoncer les dix organisations de professionnels de santé libéraux* – des « marionnettes » – qui ont signé, le 19 février, une déclaration commune en faveur de la loi « Hôpital, patients, santé et territoires » (HPST). Certains de ces signataires sont pourtant membres dudit CNPS, instigateur de la campagne « Attention danger. Le gouvernement sacrifie la santé ! » (voir Le Moniteur n° 2767).
Les professionnels défendent leur pré carré
L’USPO, l’UNPF, le Syndicat national des infirmiers et infirmières libéraux, Objectif Kiné, l’Union des jeunes chirurgiens-dentistes ou encore le Syndicat des biologistes, pour ne citer qu’eux, ont ainsi voulu se démarquer. « Nous taxer de suppôts du ministère ? C’est faire fi des discussions particulièrement virulentes que nous avons eues avec ses représentants, souligne Claude Japhet, président de l’UNPF. Il y a bien eu consultation des adhérents pour la campagne du CNPS, mais comme il compte une large majorité de médecins… » A deux jours de la reprise des discussions du projet de loi, avec l’examen du titre 2 sur « l’accès de tous à des soins de qualité », les esprits s’échauffent et les professionnels, plus divisés que jamais, défendent leurs prés carrés bec et ongles.
A la tête de la fronde anti-HPST, la CSMF, deuxième syndicat représentatif de généralistes et comptant près de 40 % des spécialistes, qui met en garde contre un « projet de loi qui instaure une étatisation sans précédent des soins de ville et aboutira […] à la disparition de la liberté d’installation […] donc à terme de la liberté de choix pour les patients, à la disparition du système conventionnel national collectif et à un rationnement des soins sans précédent puisqu’aucun moyen nouveau n’est injecté ».
La contre-attaque des partisans de la réforme a été menée par MG-France, principal syndicat de généralistes. Les médecins ne semblent donc pas aussi unis que le CNPS veut bien le laisser entendre. « Ce texte n’est pas satisfaisant en soi mais il préfigure un « après » et nous donnera des outils et une chance pour restructurer notre système de santé, lance Peggy Wihlidal, chargée de mission pour MG-France, qui fustige le « corporatisme usé » du CNPS. Je ne suis pas sûr qu’un mouvement syndical principal isolé [la CSMF] puisse endiguer la vague, ni que le repli sur soi soit la solution pour remédier à la situation catastrophique de notre système de santé. » Claude Japhet acquiesce : « Ce n’est pas une affaire de tout ou rien. On ne rejette pas la totalité d’un projet pour quelques divergences. Je conçois que certains médecins ne soient pas contents. Mais nous sommes des professions libérales. Et qui dit libéral dit novateur, pas conservateur. En définitive nos guerres ne se font qu’au détriment du patient. »
Communiqué commun des trois syndicats officinaux
Pour Gilles Bonnefond, président délégué de l’USPO, « ceux qui critiquent la loi aujourd’hui sont, d’une part, ceux qui font partie du secteur hospitalier et qui souffrent de problèmes de représentativité, et, d’autre part, les médecins qui doivent faire face à des problèmes de démographie, de refus de soins et de dépassements d’honoraires. Globalement, chacun défend des intérêts catégoriels. L’action du CNPS est une caricature d’action syndicale totalement inefficace, un coup politique ». Le syndicat « soutient [donc] la loi », même si elle peut être « améliorée à travers des amendements, ce que nous faisons ». Le ton adopté par le CNPS a en tout cas poussé l’USPO, avec la FSPF et l’UNPF, à publier un communiqué commun pour s’expliquer, déclarant qu’elles ne « sauraient attendre plus longtemps ces évolutions significatives » que sont la définition « pour la première fois des missions du pharmacien » et la coopération entre professionnels de santé exerçant en ville et à l’hôpital.
Le pharmacien traitant ne passe pas auprès des médecins
En revanche, la FSPF a refusé de signer le « communiqué des dix », contrairement à ses deux confrères. Philippe Gaertner, son président, explique simplement que le premier communiqué, commun aux trois syndicats officinaux, représente « l’essentiel, montrant une unité sur l’objectif pharmacie ».
Quoi qu’il en soit, les trois syndicats de pharmaciens s’inscrivent dans la mouvance favorable à la loi. Pas étonnant, puisque la profession compte sur elle pour voir inscrit le pharmacien comme acteur des soins de premier recours, espérant même voir naître ainsi la notion de « pharmacien de coordination ». Et non plus de « pharmacien traitant », diverses instances représentatives de médecins ayant failli s’étouffer récemment en découvrant ce terme accolé à celui de pharmacien. « Si le terme change, le fond reste le même, estime Gilles Bonnefond, à l’origine de la proposition du terme de « pharmacien de coordination ». Il faut que le pharmacien entre dans la coordination des soins. Si on ne le propose pas, on s’expose à ce que des filières émanant de l’hôpital nous court-circuitent. Et si on ne s’en montre pas capables, notre métier ne pourra pas évoluer. »
Pourtant, même MG-France, plutôt ouvert en matière de coordination, voire de délégation de tâches, paraît gêné aux entournures : « Il n’est pas forcément nécessaire de se tourner d’emblée vers des pharmaciens coordonnateurs. Pensons les missions du médecin généraliste de premier recours. Chacun à sa place. Oui à la collaboration la plus étroite possible entre professionnels, pourquoi pas à des renouvellements d’ordonnances par les pharmaciens, mais voyons cela ultérieurement dans le cadre de protocoles », explique Peggy Wihlidal. L’amendement a en tout cas été rectifié en conséquence. Il sera présenté avec la notion de « pharmacien de coordination », avec la bénédiction du ministère de la Santé qui « n’était d’ailleurs pas choqué par le terme de « pharmacien traitant » », souligne Gilles Bonnefond.
Le 3 mars, Jean Pierre Door, député UMP du Loiret, organisera une concertation au Parlement où six syndicats de médecins libéraux seront invités à venir s’expliquer. Le feuilleton ne fait que commencer.
* MG-France, Syndicat national autonome des orthoptistes, Syndicat des biologistes, UJCD-Union dentaire, Confédération nationale des masseurs-kinésithérapeutes libéraux (CNMKL-Objectif Kiné), UNPF, USPO, Union nationale pour l’avenir de la podologie, Syndicat national des infirmières et infirmiers libéraux, Union nationale des syndicats de sages-femmes françaises.
Claude Japhet (UNPF)
« Je conçois que certains médecins ne soient pas contents. Mais nous sommes des professions libérales. Et qui dit libéral dit novateur, pas conservateur. »
« Amendements officinaux »
Entre le 2 et le 12 mars, des amendements seront discutés à l’Assemblée. Ils proposent que les officinaux puissent désormais :
– contribuer aux soins de premier recours ;
– participer à la coopération entre professionnels de santé et à la permanence des soins ;
– concourir aux actions de veille et de protection sanitaire organisées par les autorités de santé ;
– participer à l’éducation thérapeutique et aux actions d’accompagnement de patients ;
– assurer la fonction de pharmacien référent pour un établissement d’hébergement de personnes âgées dépendantes (EHPAD) dépourvu de pharmacie à usage intérieur (PUI) ou qui n’est pas membre d’un groupement de coopération sanitaire gérant une PUI ;
– réaliser, sous contrat, la dispensation des médicaments, « certains EHPAD étant dépourvus de PUI ». Les médicaments devront alors « être conditionnés dans un local approprié de l’officine » ;
– assurer auprès de patients qui les désignent le rôle de pharmacien de coordination. A ce titre, ils pourraient « notamment, à la demande ou avec l’accord du médecin, renouveler périodiquement des traitements chroniques, ajuster, au besoin, leur posologie, et effectuer des bilans de médications destinés à en optimiser les effets » ;
– proposer des prestations destinées à favoriser l’amélioration ou le maintien de l’état de santé des personnes (éducation pour la santé, actions de prévention ou de dépistage) ;
– délivrer, une fois et dans la limite de trois plaquettes, une pilule microprogestative avec la pilule du lendemain si aucune contraception n’est en cours.
Un amendement veut par ailleurs abroger l’article de loi obligeant les pharmaciens à collecter les DASRI. Un autre propose de fournir à tous les foyers avec enfants de moins de 12 ans « une trousse pharmaceutique comprenant 10 médicaments d’usage courant ».
A.L.M.
- Economie officinale : les pharmaciens obligés de rogner sur leur rémunération
- Grille des salaires pour les pharmacies d’officine
- Explosion des défaillances en Nouvelle-Aquitaine, Pays de la Loire et Occitanie
- La carte Vitale numérique, ce n’est pas pour tout suite
- [VIDÉO] Financiarisation de l’officine : « Le pharmacien doit rester maître de son exercice »
- [VIDÉO] Arielle Bonnefoy : « Le DPC est encore trop méconnu chez les préparateurs »
- [VIDÉO] Le service de livraison en ligne : « Ma pharmacie en France » disponible dès juin
- [VIDÉO] Négociations, augmentations, ancienneté… Tout savoir sur les salaires à l’officine
- [VIDÉO] 3 questions à Patrice Marteil, responsable des partenariats Interfimo
- [VIDÉO] Quand vas-tu mettre des paillettes dans ma trésorerie, toi le comptable ?
![[VIDÉO] Arielle Bonnefoy : « Le DPC est encore trop méconnu chez les préparateurs »](https://www.lemoniteurdespharmacies.fr/wp-content/uploads/2025/03/bonnefoy-dpc-680x320.png)
![[VIDÉO] Le service de livraison en ligne : « Ma pharmacie en France » disponible dès juin](https://www.lemoniteurdespharmacies.fr/wp-content/uploads/2025/03/grollaud-sans-680x320.png)