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L’Eurofoutoir
Mettre en parallèle le développement des génériques en France et en Allemagne, ou ailleurs en Europe, revient à comparer l’évolution de deux sports aussi différents que le rugby à XIII et le rugby à XV : le ballon est le même mais les règles, les joueurs, les stratégies, l’ancienneté des championnats et les palmarès n’ont strictement rien à voir. La preuve par un petit tour d’Europe…
La France lanterne rouge des génériques », « Médicaments génériques : le retard français »… Qu’il s’agisse de l’Agence France-Presse ou du Monde, la presse grand public se fait l’écho des pouvoirs publics ou de l’Assurance maladie : les Français (à commencer par les professionnels de santé) sont les cancres européens du générique.
« Mais qu’est-ce que vous voulez comparer ? On ne parle pas de la même chose d’un pays à l’autre !, s’esclaffe André Lopez, responsable de la communication à l’Association française des génériques. En Europe les veinotoniques, par exemple, sont en supermarché partout ! D’une manière générale, la France est en retard car elle a réservé la notion de générique à une centaine de molécules, celles inscrites au Répertoire officiel, quand nos voisins considèrent un produit généricable dès lors que son brevet est tombé dans le domaine public. La notion de remboursement n’a rien à voir avec le statut de générique. » Sans compter que le contexte est très différent d’un pays à l’autre quand, par exemple, le patient paie de sa poche (ou via une assurance privée) une proportion beaucoup plus conséquente de ses médicaments qu’en France (voir graphique p. 32). « Ou bien que les médecins sont taxés au-delà d’un certain plafond d’honoraires », renchérit Philippe Liebermann, spécialiste des dossiers européens à la FSPF. Il est en effet infiniment plus facile, dans ces conditions, de motiver patient et prescripteur pour un produit moins cher… « Un tarif de référence pour certains produits existe dans beaucoup de pays », ajoute André Lopez.
Parts de marché des génériques* en Europe en 1998 (en valeur)Si la France est à la traîne des pays européens, que dire de l’Espagne pour laquelle la National Economic Research Association donnait un taux de pénétration des génériques « insignifiant » en 1998 ? L’exemple espagnol illustre la gageure que constitue une telle comparaison. En effet, avant 1992, ce pays ne reconnaissait pas de brevets de protection pour les médicaments, permettant la production de copies « officielles » n’ayant pas le statut de générique… et n’entrant donc pas dans les statistiques, même aujourd’hui. A noter que les données fournies par les pays de l’Est sont sujettes à caution car elles intègrent génériques officiels et copies « sauvages ».Ajoutons les variations sensibles du prix moyen du médicament, la France étant un des pays où les médicaments sont le moins chers (nombre de génériques allemands sont par exemple plus chers que nos princeps), mais aussi les différences de prix très sensibles entre un princeps et son générique (voir tableau p. 32). Sans oublier les modes de fixation de ces prix, très divers d’un Etat à l’autre. « Comment comparer un prix industriel libre, en Allemagne, au prix administré que connaît la France ?, demande Philippe Liebermann. Notre système de contrats Etat-industrie est beaucoup plus proche de l’Albanie que de l’Allemagne. Et puis vous trouvez des boîtes de Celebrex de 100 comprimés outre-Rhin. Inimaginable en France, mais donc forcément beaucoup plus cher. »
« De plus, on parle de pays où le générique est entré dans les moeurs des prescripteurs depuis très longtemps, même si la plupart ne connaissent pas de droit de substitution. La France a démarré tardivement », précise Gérard Lupus, consultant au Groupement pharmaceutique de l’Union européenne. Et d’insister sur les motivations de chacun : « En France, ce sont les pharmaciens qui influent, dans le reste de l’Union c’est souvent le médecin. » Ou bien le patient quand le ticket modérateur est plus important. « Dans ces comparaisons, il manque toujours un élément qui permet de nuancer les choses », ajoute Gérard Lupus.
Reste enfin les différences de politique (plus ou moins) incitatrices. « En Allemagne, elle peut même varier d’une caisse à l’autre, souligne l’économiste Jean-Jacques Zambrowski. Quand on compare il faut être raisonnable. » « Il y a certaines expériences, comme dans certaines régions espagnoles ou bientôt en Italie, où le patient est remboursé sur la base du générique le moins cher », explique Philippe Liebermann.
Dans ce contexte, que dire des chiffres censés permettre de comparer les divers marchés européens ? Tout d’abord qu’ils sont à relativiser, les bases mêmes de calcul (à commencer par ce que recouvre le terme générique) étant différentes. Ensuite qu’ils sont rares et peu récents. L’European Generic Medicines Association présente des chiffres de 1999 mais assez épars.
Controverses autour de l’efficacité du tarif de référence
La dernière étude complète du panorama européen a été commandée en 1998 à la National Economic Research Association (NERA) par la Commission européenne, sur demande du Conseil des ministres européen. Avant la mise en place du droit de substitution en France. L’industrie (SNIP en France, EFPIA en Europe) ne fournit pas de données chiffrées. IMS Health y travaille actuellement mais son projet n’est pas finalisé. Cependant, la NERA se risquait il y a trois ans à une analyse des grands facteurs influençant la progression du marché. A propos de la substitution générique (alors inexistante en France), la NERA avouait que si les répondants de leur enquête pensaient que son influence avait un impact significatif, aucune estimation ne pouvait en être donnée.
A noter que notre pays est l’un des rares à avoir instauré un système de « grande substitution ». Quant aux incitations vis-à-vis des patients, la NERA notait qu’« il est incertain que les systèmes de participation favorisent le générique, particulièrement dans les pays où les prix des princeps sont maintenus à un bas niveau par les pouvoirs publics ».
Le prix de référence, lui, « a procuré des économies significatives en Allemagne, mais la preuve d’économies substantielles est moins claire au Danemark, aux Pays-Bas et en Suède » (voir ci-dessus). Enfin, la NERA précisait qu’« aucune information n’est disponible pour évaluer l’impact des campagnes de publicité et d’éducation pour la santé en faveur du générique ». Au final, seuls les critères suivants avaient pu être mesurés comme ayant un impact significatif sur le marché : le niveau moyen des prix dans le pays ; l’accès direct des médecins à des banques de données informatiques comparatives sur les prix des produits (!) ; le droit de substitution ; le paiement à la charge du patient au-delà d’un prix de référence.
Mais en guise de conclusion, la NERA précise que ces quatre variables indépendantes constituaient « d’hypothétiques facteurs » d’accroissement du taux de pénétration des génériques ! Enfin, l’association n’a trouvé aucune corrélation entre le nombre d’instruments politiques mis en place dans un pays pour promouvoir l’usage du générique et le développement de ce marché. Bref, que des certitudes ! –
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