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Les URPS sortent de l’ombre
Les titulaires d’officines viennent de voter aux élections pour les unions régionales des professionnels de santé. Lancées en 2010, ces entités ont gagné en notoriété à l’occasion de la crise sanitaire. Comment sont-elles gérées et financées ? Qui sont les pharmaciens qui s’y investissent ? Quelles sont leurs marges de manœuvre ? Quatre présidents élus répondent sans détour.
Près de la moitié des pharmaciens titulaires ont participé aux élections pour les unions régionales des professionnels de santé (URPS) organisées entre fin mars et début avril. Un scrutin syndical avec deux enjeux indissociables : désigner pour cinq ans les représentants de la profession auprès des instances régionales et des collectivités territoriales, mais aussi mesurer l’audience et la représentativité des syndicats sur le plan national. Ces derniers ont mené une campagne électorale qui, à elle seule, a renforcé la visibilité des URPS. Mais c’est surtout la récente crise sanitaire liée au Covid-19 qui a révélé ces organisations créées il y a seulement dix ans dans la loi HPST (Hôpital, Patients, Santé et Territoires) pour chaque profession de santé.
« Dans le Grand-Est, dès le début du confinement, nous avons travaillé avec les médecins et infirmiers libéraux à la création d’une plateforme de distribution de masques vers laquelle 97 % des pharmaciens se sont tournés », souligne Christophe Wilcke, président de l’URPS pharmaciens. Autre cheval de bataille dans cette période, la communication à destination des officines. « Nous avons créé un e-mail d’urgence et répercutons les courriers de la Direction générale de la santé en les adaptant aux spécificités régionales. Plus généralement, nous sommes une courroie de transmission qui va dans les deux sens, des pharmaciens vers les autorités et inversement », rapporte Grégory Tempremant, président dans les Hauts-de-France. Plus connues, les URPS sont donc davantage sollicitées. « Il y a cinq ans, au début du précédent mandat, nous recevions un coup de fil tous les deux jours. Aujourd’hui, c’est plus de cinq par jour. Avec parfois des questions qui s’adresseraient plutôt à un syndicat ou à l’Ordre à l’échelon local », témoigne Olivier Rozaire, en Auvergne-Rhône-Alpes. Selon lui, c’est l’expérimentation sur la vaccination contre la grippe dans sa région et sa rétribution par l’URPS qui l’a réellement mise en avant.
Des actions qui collent au projet d’entreprise
Les URPS ont, parmi leurs missions, celle de lancer des actions et des expérimentations qui contribuent à l’évolution du métier. Qu’est-ce qui incite les officinaux à y prendre part ? La pluralité des initiatives proposées, bien sûr. Mais aussi l’appétence de chacun. « C’est un peu à la carte. Certains aiment la formation pure et dure ; d’autres réaliser un dépistage, en manipulant un lecteur de glycémie par exemple. D’autres encore s’engagent dans des entretiens motivationnels », constate Christophe Wilcke, qui évalue entre 20 et 25 % le taux de pharmaciens impliqués de près ou de loin dans sa région. Dans les Hauts-de-France, près du tiers de l’effectif se mobilise à divers degrés. Soit bien plus que les médecins et les infirmiers, engagés à hauteur de 10 % environ. « Nous avons récemment été interrogés par la Cour des comptes dans le cadre d’un audit de l’agence régionale de santé (ARS). Les inspecteurs ont été surpris du degré de mobilisation des pharmaciens », confie Grégory Tempremant. En Auvergne-Rhône-Alpes, l’URPS ne rencontre pas de difficultés à recruter à la suite des appels à volontaires pour des entretiens motivationnels sur le sevrage tabagique, le dépistage de l’insuffisance rénale chronique, etc.
Les moyens alloués (voir page 20) pour rémunérer chaque action ne permettent d’ailleurs pas d’aller au-delà de la participation de quelques dizaines d’officines. Outre cet apport sonnant et trébuchant, l’appropriation peut être bénéfique au projet d’entreprise. « Réaliser des actes de prévention, par exemple, c’est très apprécié par les patients. Qui n’a pas envie de leur montrer ses compétences au-delà de la dispensation ? », pointe Luc Mougin, président élu en Bretagne. Dans cette région va être lancé le projet Octave, où chaque officine pourra être sollicitée par un centre hospitalier afin d’effectuer le suivi de patients âgés avant et après une hospitalisation programmée en réalisant des bilans de médication. Cette expérimentation d’envergure est menée en partenariat avec l’URPS pharmaciens des Pays de la Loire.
Arrondir les angles
Les unions communiquent et s’arrangent d’autant mieux entre elles que leur majorité est issue du même syndicat. Les présidents conversent sur WhatsApp… Des échanges réguliers s’établissent nécessairement avec les URPS des autres professions, qui viennent également d’organiser leurs élections. « Nous discutons au moins une fois par mois de l’avancée de projets en commun, explique Grégory Tempremant. Il y a aussi des sujets sensibles qu’il faut démystifier pour battre en brèche les idées reçues. » Mais parfois les blocages persistent.
Les coudées franches, les URPS ne les ont pas non plus vis-à-vis des ARS. « On peut dire que nous avons un lien de tutelle, car c’est de l’argent public que l’on nous confie et que l’on gère », estime Olivier Rozaire. Les actions doivent pouvoir s’inscrire dans le projet régional de santé (PRS) pour bénéficier de financements. « Ce projet étant défini tous les cinq ans, il ne faut pas se louper ! Nous travaillons à ce que nos actions soient fléchées dans le PRS et cela implique de bien comprendre les enjeux du territoire, y compris sur des problématiques environnementales », reconnaît Grégory Tempremant. Dans sa région, le lien avec l’ARS est très formalisé, avec la signature d’un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens (CPOM). « Toutes les URPS du Grand-Est sont liées pour trois ans avec l’ARS par un CPOM », indique Christophe Wilcke. D’autres financements proviennent de partenariats (avec un laboratoire pharmaceutique, par exemple) et de la cotisation des pharmaciens via l’Agence centrale des organismes de Sécurité sociale (Acoss). Cette contribution permet de reverser 350 000 à 380 000 € par an en Auvergne-Rhône-Alpes (près de 2 500 officines). Et 220 000 € l’an dernier (280 000 € en 2019) dans les Hauts-de-France (près de 2 000 officines), soit plus de 1 million d’euros à gérer pendant un mandat de cinq ans.
Un lien étroit avec les syndicats
Autre lien qui interroge, celui des URPS avec les syndicats nationaux, dont l’audience est précisément mesurée par les résultats des élections. « Nous sommes une émanation de la vie syndicale et nous ne pouvons pas être élus sans porter les valeurs d’un syndicat. A nous de promouvoir cette valorisation du métier sans emprunter la voie de la défense économique propre aux syndicats », explicite Luc Mougin. Si les URPS ne reçoivent pas de directives sur les projets à mener, elles tiennent compte des orientations de leur structure de rattachement. « L’URPS est un peu un outil prospectif au service des syndicats. Ils s’appuient sur nos résultats pour engager les évolutions de la profession dans les négociations conventionnelles », met en avant Christophe Wilcke. Dans les unions, les actions sont menées « en bonne intelligence » avec l’opposition syndicale. « Je respecte les appétences et les capacités d’investissement de tous les élus. Mais il faut enlever sa casquette syndicale le temps de l’exercice dans l’URPS. Si ce n’est pas le cas, je leur demande de se retirer », assure Grégory Tempremant. « Une fois élus, nous ne sommes plus dans la défense d’un syndicat mais dans un travail d’organisation des soins au niveau d’une région », relève Olivier Rozaire. Avec la majorité du bureau, vous pouvez faire passer ce que vous voulez. Mais il faut être ouvert. Mes colistiers, je les ai choisis et je les connais bien. Je vais bientôt découvrir les nouveaux élus de la liste concurrente. On a tous intérêt à bien travailler ensemble. »
Elus sous l’étiquette de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO), Olivier Rozaire et Grégory Tempremant entament un troisième mandat, de même que Christophe Wilcke, issu de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). Cette dernière a vu l’élection de son candidat Luc Mougin, après une prise de fonction en cours de mandat. Tous sont pharmaciens titulaires et élus à la présidence ou à la vice-présidence départementale de leur syndicat.
Le temps que cela prend
Etre pharmacien titulaire élu aux URPS peut prendre beaucoup de temps. L’équivalent de deux jours par mois au minimum pour un élu et jusqu’à un temps complet, soit 35 heures par semaine, pour le président de l’URPS pharmaciens Grand-Est, Christophe Wilcke. « Il y a des réunions avec les institutions en journée et entre 20 heures et 23 heures avec les autres URPS. Cela empiète plus sur la vie personnelle que professionnelle », confie Grégory Tempremant (Hauts-de-France). Olivier Rozaire (Auvergne-Rhône-Alpes) y passe environ 25 heures par semaine : « On peut recevoir des coups de fil de l’agence régionale de santé tard le soir pour un problème de garde. » Quant à Luc Mougin (Bretagne), il est mobilisé à hauteur d’une à deux journées par semaine. « Il y a des indemnités professionnelles de remplacement pour l’élu qui participe par exemple à une réunion et qui doit en faire un compte rendu », précise-t-il. Cette indemnité compense la perte de ressources des membres de l’URPS pharmaciens à hauteur d’un forfait de 260 € au maximum pour une demi-journée (dans la limite de deux demi-journées par jour). La règle figure dans le règlement intérieur. Dans les Hauts-de-France, par exemple, différents forfaits sont fixés pour les réunions physiques en soirée ou à l’heure du déjeuner, pour une journée et pour une demi-journée. Les réunions en visioconférence font l’objet d’une indemnisation à l’heure.
À RETENIR
– La visibilité des URPS s’est accrue avec la crise sanitaire, qui a révélé leur implication comme relais de logistique ou de communication.
– En partie financées par l’ARS, des initiatives et des expérimentations allant dans le sens de l’évolution du métier sont lancées par les URPS. Jusqu’au tiers des pharmaciens d’une région y participent.
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