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Les temps sont durs
Il y a urgence à redonner rapidement de la croissance à la marge. L’enjeu est d’adapter les conditions économiques de l’activité des officines aux nouvelles particularités du marché du médicament et au développement de l’expertise du pharmacien via les futures missions tracées par la loi HPST. Traduction : la tâche des syndicats s’annonce ardue.
L’officine est en crise et la fracture est visible sur toutes les courbes. Jamais elle n’a accusé le coup à ce point, surtout aussi longtemps, ce qui démontre que les difficultés, au-delà des effets de la crise, sont structurelles. Les chiffres parlent d’eux-mêmes,? les pharmacies sont plongées dans un marasme économique sans précédent : stagnation du chiffre d’affaires et recul de la marge en euros sur le remboursable, baisse des revenus du titulaire, explosion des faillites, tensions sur les trésoreries, procédures de redressement… la cote d’alerte est bel et bien dépassée, et les conditions ne sont plus réunies pour assurer l’équilibre économique de la pharmacie à court et à moyen terme.
Déremboursements, entrée en vigueur des vignettes orange au premier semestre 2010 mais application décalée au mois de juillet, progression constante des grands conditionnements (près d’un quart des traitements délivrés dans le diabète, l’ostéoporose, l’hypertension et l’hypercholestérolémie), franchise médicale, baisse des prix et des volumes, réduction des délais de paiement imposée par la LME n’ont eu de cesse de laminer les résultats des officines.
Les pharmaciens mordent la poussière
Les principaux enseignements de l’enquête économique 2009 de la FSPF sont doubles. D’une part, ils confirment la mauvaise santé du réseau officinal, mise en évidence par de nombreux rapports, dont celui de la COFACE qui date du mois d’avril dernier. Pour rappel, ledit rapport pointait dans le secteur de la pharmacie d’officine un niveau de défaillance supérieur de 65 % par rapport à celui observé en décembre 2006, avec une aggravation au cours des douze derniers mois, pendant lesquels le nombre de défaillances avait augmenté de 20 %. D’autre part, il existe de grandes disparités entre les officines, tant en termes de chiffres d’affaires que de marges ou de résultats.
Les baisses des volumes (200 millions de boîtes en quatre ans) et des prix fabricant ont contribué à rendre le marché beaucoup moins dynamique qu’avant. Non seulement les médecins consultent moins, mais ils prescrivent aussi moins de lignes par ordonnance. De nombreux facteurs ont contribué à casser la mécanique de la croissance : le changement d’attitude des patients devant le déremboursement des médicaments, le forfait de 0,50 euro à la boîte qui stimule la demande de grands conditionnements par les clients, la crise du pouvoir d’achat et aussi un changement d’attitude des médecins, incités, notamment au travers des Capi, à prescrire moins et moins cher. Les difficultés des officines proviennent en fait de la non-adaptation à cette nouvelle donne dans la gestion quotidienne.
Le ralentissement de l’effet de structure est un autre fait marquant de ces deux dernières années. L’arrivée clairsemée de quelques médicaments très coûteux ne relaie pas l’essoufflement du renouvellement dans les grandes classes de consommation. « Cet effet de structure qui tirait la marge en valeur vers le haut, et le taux de marge vers le bas, par le remplacement de médicaments peu chers par des médicaments coûteux n’est plus d’actualité », constate Philippe Besset, président de la commission économie de la FSPF.
« La marge dégressive lissée à trois tranches impose une augmentation minimale de 2,5 % du chiffre d’affaires par an pour garantir une marge en euros constante dans l’officine », souligne Philippe Gaertner, président de la FSPF. Cependant, l’année 2009 est l’exception qui confirme la règle. La marge progresse malgré une croissance du CA en deçà de ce seuil vital. « Cela est lié à un phénomène conjoncturel, la marge a augmenté plus vite que le chiffre d’affaires parce que les pharmaciens ont vendu plus de médicaments peu chers à taux de marge élevé pendant l’épidémie de grippe A (H1N1) », explique Philippe Besset.
Sur l’évolution de la marge, on pouvait s’attendre à des chiffres catastrophiques pour 2009. Mais finalement, la pilule est un peu moins amère (+ 2,1 %). D’après les données de la FSPF, le taux de marge en pourcentage du chiffre d’affaires hors taxes est relativement stable, voire en légère hausse, du fait de la coopération commerciale. Celle-ci a eu un effet compensateur. La recherche de nouvelles ressources complémentaires devient une préoccupation légitime pour combler ce gros trou d’air. Mais le moins que l’on puisse dire, c’est que les pharmaciens n’ont pas trouvé de relais de croissance sur les ventes à TVA 5,5 % (- 2,2 % en 2009) et pas suffisamment sur celles à TVA 19,60 % (+ 2,7 %).
Ce qui inquiète Claude Japhet, président de l’UNPF, dans cette aggravation structurelle très marquée des résultats, c’est le creusement des écarts entre pharmacies au niveau de la marge tant en pourcentage qu’en valeur. « Il peut y avoir 8 points d’écart entre des pharmacies, quel que soit leur CA et à CA équivalent. Cela tient aux énormes écarts de prix entre produits peu chers et produits très chers. » Et selon lui, les distorsions vont s’aggraver au fur et à mesure que le plateau des médicaments situés au-dessus d’un PFHT de 22,90 € va s’alourdir en CA. « Aujourd’hui, les pharmacies qui font beaucoup de volumes avec des prix pas chers s’en sortent, mais demain elles connaîtront des difficultés, car elles ne sont plus sur un marché en croissance », prévient-il. Parallèlement, l’augmentation des charges de l’officine demeure un point noir. En effet, ce qui est un problème aisément contournable en période de croissance devient un fardeau insupportable lorsque le chiffre d’affaires baisse. Les pharmaciens n’ont pas vu venir l’effet de ciseaux, dont le début a été insidieux, effet que l’on constate quand les frais d’exploitation augmentent et l’activité diminue.
Indiscutablement, la dégradation de la trésorerie des pharmacies est la conséquence de l’atonie de l’activité et de l’insuffisance d’une marge commerciale qui ne couvre plus correctement les frais d’exploitation et le remboursement de la dette.
Les constats deviennent alarmants
Et pour cette année ? Tous les clignotants sont dans le rouge pourpre en 2010.
L’activité, tout d’abord. Les dernières données disponibles, arrêtées à la fin d’août, font apparaître une croissance zéro des chiffres d’affaires des pharmacies, en moyenne nationale.
Difficile qu’il en soit autrement. 78 % de l’activité des officines – et le PLFSS pour 2011 le rappelle amèrement – est sans cesse corrélée aux mesures gouvernementales de réduction des dépenses de santé.
Les premières indications montrent, hélas, que la tendance s’est aggravée par rapport à l’année 2009. En effet, un cru sans grosse pathologie, la baisse des volumes et des prix, les grands conditionnements, les vignettes orange continuent à peser sur l’évolution des chiffres d’affaires. Sur les huit premiers mois de l’année, les ventes en valeur en produits vignetés n’ont pas redémarré (+ 0,5 %), celles en médicaments non remboursables s’effondrent (- 2,2 % en 2009, – 4,6 % en cumul fixe depuis janvier), la croissance des produits de la LPPR s’effrite (+ 0,7 %, contre + 2,9 % en 2009) et les ventes de parapharmacie virent elles aussi au rouge (- 2,2 %, contre + 2,7 % en 2009). Il y a de quoi être encore plus pessimiste et inquiet. Les prochains mois ne devraient pas voir cette tendance s’inverser avec les mesures du PLFSS 2011 qui se profilent. En effet, les baisses annoncées de prix sur le médicament et celles de la prise en charge des dispositifs médicaux pèseront, à n’en pas douter, sur les résultats futurs. En outre, la loi LME, avec la réduction des délais de paiement en 2011 (et la fin du régime dérogatoire aux délais légaux), va accentuer les problèmes de trésorerie et causer de nouveaux dégâts. Sur ce plan, les résultats de l’enquête sur la trésorerie des officines, menée par la FSPF, sont sans appel : 48 % des pharmaciens ont déclaré avoir une trésorerie négative en 2009, contre 36 % en 2008. De son côté, l’USPO annonce, selon sa propre enquête, que 7 pharmaciens sur 10 ont des difficultés de trésorerie. Dans ce contexte délabré, le phénomène était prévisible : sans surprise, le nombre de défaillances s’envole, ce qui suscite une vive inquiétude des syndicats. « Le nombre de procédures collectives a franchi la barre des 200 à la mi-octobre, et le rythme risque de s’accélérer pour atteindre 250 à 300 à la fin de l’année », livre avec inquiétude Philippe Gaertner, ce qui n’a plus rien d’anecdotique (ce nombre était déjà de plus de 120 en 2009, contre une quarantaine par an jusqu’en 2006).
La dégradation persistante de l’économie de l’officine, en dépit des cris d’alarme répétés des syndicats, jette une ombre inquiétante sur l’avenir. Un cycle se termine et des changements profonds devront être apportés. En attendant qu’ils se mettent en place, il reste au pharmacien titulaire sa gestion au quotidien… pour résister.
Quelle sortie de crise envisager ?
1990 : instauration de la MDL . 2000 : révision de la MDL et passage à 2 tranches (puis à 3 tranches quatre ans plus tard). 2010 : nécessité d’une refonte structurelle du mode de rémunération du pharmacien. On remarquera, au passage, que la rémunération du pharmacien est remise sur le métier tous les dix ans.
En effet, le modèle économique de l’officine qui s’appliquait depuis 2000 ne correspond plus à l’évolution du marché, autrefois caractérisé par une croissance des volumes et une augmentation des prix fabricant. Les pharmaciens ont besoin de l’adapter pour retrouver plus de linéarité dans la marge et faire en sorte que les différentes mesures de maîtrise médicalisée ne pénalisent plus autant l’économie de l’officine. Les pouvoirs publics eux-mêmes conviennent de l’urgence d’une réforme.
Comme une refonte radicale du mode de rémunération du pharmacien intégrant une rétribution à l’acte ou à l’honoraire serait prématurée, les revendications des syndicats se sont concentrées sur les mesures d’urgence. Celles qui doivent permettre d’apporter un ballon d’oxygène aux pharmaciens, de resserrer les écarts entre les pharmacies sur le médicament remboursable et de rentrer dans de bonnes conditions dans la loi HPST, qui, en principe, sera une source de croissance pour le métier de pharmacien.
L’intérêt des pharmaciens, et les syndicats l’ont bien compris, est de se faire rémunérer un service, et de se déconnecter le plus possible de la baisse du nombre de boîtes prescrites ou du prix des médicaments, sur lesquels ils n’ont aucun pouvoir de décision, si ce n’est celui de subir et de s’adapter.
Chaque syndicat a avancé ses arguments et défendu son projet. Pour la FSPF et l’UNPF : relèvement du seuil de la première tranche de la marge dégressive lissée. Pour l’USPO : augmentation de 10 centimes d’euro du forfait à la boîte et arrêt des grands conditionnements.
Le gouvernement n’a pas vraiment tranché en faveur d’une proposition plutôt qu’une autre, se contentant de picorer par-ci, par-là dans les projets, pour faire « sa » proposition : revalorisation du forfait à la boîte de 3 centimes d’euro, doublement du forfait à la boîte sur les traitements de substitution aux opiacés, revalorisation de l’indemnité de garde, qui passerait de 75 euros à 150 euros, création d’un fonds de 10 millions d’euros pour les officines en difficulté, extension ciblée du tarif forfaitaire de responsabilité associée à d’autres mesures d’économies pour financer la revalorisation de la marge à coût constant pour l’Assurance-maladie…
Le manque de cohésion syndicale a certainement desservi la profession. Les échéances électorales de décembre (URPS) n’ont rien arrangé, œuvrant davantage pour la désunion que l’unité syndicale.
Roselyne Bachelot a pourtant accepté en mars dernier l’ouverture de négociations. Mais le préalable à cette ouverture de discussions sur un plan d’urgence a été pour le moins difficile et agité. Les syndicats ont actionné tous les leviers possibles pour obtenir satisfaction : grève des gardes, journée morte, manifestations… La contestation s’est radicalisée, et cela a finalement permis d’avancer. Mais pour aller où ? Le gigantesque chantier de la revalorisation de la rémunération ne doit surtout pas accoucher d’une souris, sous peine de casser durablement la confiance des pharmaciens. A l’heure où nous imprimons, on ne voit toujours pas le bout de la négociation d’autant que le remaniement ministériel est passé par là.
Divergences, convergences
Pour la FSPF, la hausse du forfait à la boîte ne résoudra pas le problème de la manière la plus égale entre les officines. « Les taux de marge observés sont de plus en plus éclatés, allant de 18 % à 24 % sur le médicament remboursable, explique Philippe Gaertner. Ainsi, une augmentation du forfait à la boîte favoriserait les officines qui ont les marges les plus fortes et qui vendent beaucoup de boîtes à petits prix, et défavoriseraient celles qui ont les marges les plus faibles et qui vendent moins de boîtes mais à prix élevés. »
En revanche, la « relinéarisation de la marge » créerait moins de disparités et permettrait de compenser plus équitablement la diminution des volumes et la baisse des prix. « On solutionne du même coup la problématique des grands conditionnements trimestriels. Les clients y sont attachés, la Fédération n’est donc pas pour leur suppression, car toute rupture qui va à l’encontre de l’intérêt des patients ne passera jamais auprès des politiques. »
Et Philippe Besset de compléter : « Nous avons tenu compte de la situation économique et des disparités entre officines lors de l’élaboration de notre proposition en faveur d’une revalorisation de notre rémunération. Porter le seuil de la première tranche de la marge dégressive lissée (MDL) de 22,90 euros à 75 euros est, de notre point de vue, la meilleure solution pour revaloriser de façon pérenne la marge du réseau officinal tout en réduisant les écarts entre officines. Ces deux conditions doivent être vérifiées pour, qu’à terme, l’ensemble du réseau puisse développer les missions que les pharmaciens sont appelés à réaliser dans le cadre de la loi “Hôpital, patient, santé et territoire”. »
Pour Gilles Bonnefond, président délégué de l’USPO, les négociations ont été un véritable gâchis, entre « les coups à deux contre le troisième et la proposition surprise des TFR ». Il ne mâche pas ses mots à l’encontre de la FSPF et de l’UNPF, qu’il accuse « d’avoir instrumentalisé la négociation pour en faire un outil de campagne électorale ».
La piste des TFR proposée par la FSPF pour financer le relèvement de la première tranche de la MDL est un point d’achoppement fort avec l’USPO. « Si la Fédération est majoritaire aux élections des URPS, c’est la porte ouverte à la généralisation des TFR, et si cela arrive, elle portera seule cette énorme responsabilité », avertit Gilles Bonnefond. Et, quant à l’augmentation du seuil de la première tranche, celle-ci ne concerne actuellement qu’un peu plus de 5 %, selon lui, des spécialités en volume dans la deuxième tranche actuelle. Alors que dans la proposition de l’USPO, il estime qu’il y a un équilibre financier entre les ressources et les besoins : « Une augmentation de 2 points du taux de substitution finance la modification des grands conditionnements, et le développement de la prise en charge du petit risque par les complémentaires santé l’augmentation de 10 centimes d’euro du forfait à la boîte. » Il souhaite donc le renforcement de la convention avec l’Assurance-maladie « pour que la pharmacie ne perde pas la main sur le générique ».
Revenant sur la désunion des syndicats, Claude Japhet a aussi la dent dure : « Tout le monde est responsable, la profession a été incapable de se mobiliser et d’avoir un discours cohérent. Plus on avancera dans le temps, plus la profession aura des difficultés à défendre un programme et à se rallier autour d’un projet le plus consensuel possible. L’unicité des années 2000 est enterrée, demain, les acteurs rouleront pour eux et serviront les intérêts privés avant les intérêts généraux ».
En revanche, les syndicats sont sur la même longueur d’onde concernant le dossier des EHPAD et de la réintégration du budget médicament dans les forfaits de soins. L’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) a rendu son rapport au gouvernement, et les députés en ont pris acte en prolongeant l’expérience. « Tous les effets pervers et négatifs de la forfaitisation pour les patients ainsi que les risques pour le réseau de proximité, en particulier en ruralité, que nous avons dénoncés se retrouvent dans les conclusions de ce rapport, se félicite Philippe Gaertner. Les directeurs d’EHPAD, en tant que gestionnaires, seront amenés à lancer des appels d’offres ou à créer des pharmacies à usage intérieur dans les maisons de retraite, mettant ainsi en danger les 4 000 pharmacies pour lesquelles la fourniture des médicaments aux EHPAD représente entre 5 et 20 % de leur chiffre d’affaires. » Pour les syndicats, le couple « médecin coordinateur et pharmacien référent » est tout à fait capable de remplir les objectifs assignés à la forfaitisation, à savoir réduire l’iatrogénie et baisser les coûts.
L’heure de vérité
C’est sur ce fond particulièrement morose que l’effervescence et l’espoir nés en 2009 après le vote de la loi HPST ont cédé la place au trouble et au doute en 2010.
L’annonce de nouvelles missions confiées aux pharmaciens dans le cadre de la loi HPST ne trouve encore aujourd’hui aucune matérialité économique pour la profession. « La partie n’est jamais terminée, et le travail complètement fini.? Il faut consolider la loi HPST et sortir les décrets », souligne Gilles Bonnefond. Selon Claude Japhet, les pharmaciens vont devoir ronger leur frein et prendre leur mal en patience. « La rémunération des services n’interviendra pas avant 2013 », lance-t-il.
Gilles Bonnefond parie, au contraire, sur une mise en place rapide des rémunérations à l’acte ou à l’honoraire si les expérimentations sont menées activement dans toutes les régions. « Ceux qui disent que ce sera long sont ceux qui ne croient pas à ce nouveau modèle. Ne décourageons pas ceux qui ont envie de faire avancer la profession ! » En disant cela, il vise aussi les blocages autour du projet de décret sur les SEL et SPFPL qui doit permettre de faire évoluer les structures de la pharmacie. « Les SPF-PL sont nécessaires mais il ne faut pas s’attendre à des impacts immédiats sur la fiscalité des officines », prévient, toutefois, Claude Japhet.
Pour Philippe Besset, la nouvelle marge du pharmacien devra tenir cinq ans, le temps de mettre sur pied un système mixte marge et honoraire. « On va changer radicalement la rémunération du pharmacien, c’est un travail de fond qui ne peut pas être mené sur le court terme. » Philippe Gaertner en convient : la mise en place de la loi HPST et la sortie des décrets créent une certaine forme d’impatience. « Il est possible d’avancer vite sur la rémunération, en particulier sur l’alinéa 7 de l’article 38, à propos de l’accompagnement du patient chronique. »
Est-ce la fin de l’âge d’or ou le début d’une mutation vers des horizons meilleurs ? La question est posée. « Pour l’heure, il faut trouver rapidement des solutions économiques pour arrêter la casse que l’on observe sur le réseau », espère-t-il pour 2011.
L’année prochaine sera capitale. Courant du premier semestre, les syndicats de pharmaciens et l’Assurance-maladie remettront à plat la convention pharmaceutique qui régit leurs rapports, le dernier lifting datant de 2006. Sans être grand clerc, on devine que la rémunération à l’acte sera au centre des discussions et que les syndicats tenteront d’obtenir le paiement d’actes pharmaceutiques dans la lignée de la loi HPST.
Une progression du chiffre d’affaires supérieure en 2010
Selon les données d’IMS Health (panel Pharmatrend) arrêtées à juillet 2010 en année glissante, le CA moyen des officines françaises s’établit pour cette année à 1,611 M €, contre 1,591 M € en 2009, soit une progression au niveau national de 1,25 %. C’est beaucoup mieux que l’an dernier (+ 0,12 %). Dans le classement par régions, la hiérarchie est respectée. Bénéficiant d’un quorum historiquement avantageux, les pharmacies alsaciennes consolident leur première place en termes de CA moyen par officine (2,162 M €), leur progression d’activité (+ 1,60 %) étant supérieure à la moyenne nationale de 0,35 point. Comme en 2009, la Corse enregistre la plus forte progression d’activité (+ 3,6 %), devant les régions Franche-Comté (+ 2,96 %), Basse-Normandie (+ 2,57 %) et Ile-de-France (+ 2,17 %). Toutes les régions progressent, à l’exception de l’Auvergne (0 %) et de la Bretagne (– 0,72 %). A noter que l’Auvergne ferme le ban. C’est, en effet, dans cette région que l’on trouve le CA moyen par pharmacien le plus faible (1,322 M €), tandis que la Bretagne (1,496 M €) se trouve également en queue de peloton. Par conséquent, l’écart entre la région ayant le CA moyen le plus fort et celle qui a le CA moyen le plus faible s’accroît.
Pour une base 100 à fin décembre 1996, la marge brute de l’officine se situe à un indice (cumulé sur douze mois) de 130 en 2009, contre un indice de 180 pour les dépenses de médicaments remboursés, de 173 pour le CA industriel et de 170 pour l’Ondam. La baisse du nombre des unités, prescrites et remboursées, des consultations et des visites a beaucoup moins d’impact sur le CA industriel et les dépenses de l’Assurance-maladie que sur la marge des officines. « Il y a clairement un décrochage depuis 2005, constate néanmoins Phillipe Besset. Et c’est parce que l’évolution de notre indice est flat, que la marge baisse à la fois en pourcentage et en valeur que nous demandons un rééquilibrage économique. »
Croissance, où es-tu ?
Le CA industriel est l’indicateur de croissance pris en référence. On voit clairement que l’évolution du CA fabricant est plate quand les volumes faiblissent (- 1,81 % et – 0,73 % sur les premier et troisième trimestres 2010). L’embellie du deuxième trimestre (+ 2,53 % des unités remboursables vendues) n’est que passagère. Cette faible croissance industrielle interpelle Claude Japhet, président de l’UNPF : « La croissance fait défaut, elle ne peut donc plus compenser la perte de marge liée au transfert des ventes de produits peu chers à 30 % de marge vers des produits très chers à 7 % de marge. » Sur le troisième trimestre 2007 et le quatrième trimestre 2008, l’officine affiche le même taux de marge de 21,50 %. Sauf qu’entre-temps la croissance s’est volatilisée. « Travailler à 21 % de marge avec une croissance de 6 %, la pharmacie reste gagnante mais cela ne passe plus quand la croissance tombe à 0,42 %, comme c’est le cas lors du troisième trimestre 2010 », analyse le président du syndicat.
Enquête économique 2009 de la FSPF(sur la base des comptes de résultats et bilans de 736 officines)
Si le taux de marge moyen est égal à 27,4 %, 18 % des officines affichent un taux de marge inférieur à 26 %, et 18 % un taux supérieur à 29 %. L’étude économique de la FSPF de l’an dernier montrait un taux de marge moyen identique à celui de cette année. « Le pourcentage d’officines se distinguant par des taux de marge relativement plus élevés que la moyenne croît d’année en année, explique Philippe Besset. Cette dispersion croissante résulte de l’évolution du marché du médicament et d’un déplacement des ventes en faveur de médicaments plus chers. » L’hétérogénéité du taux de marge selon le lieu de chalandise est confirmée : les officines de centre-ville ou de centres commerciaux obtiennent des taux de marge de 28,1 % et 28 %. A l’opposé, les officines de banlieue ou de zone rurale, à proximité d’une supérette, ont des taux de marge de l’ordre de 26,9 %. Il existe donc bien un phénomène lié à la clientèle de passage.
Si le résultat moyen par pharmacien est de 87 000 euros, l’analyse du résultat courant avant impôt (RCAI) met en évidence de fortes disparités de revenus. Ainsi, le revenu médian par pharmacien est légèrement en deçà de 70 000 euros. 20 % des officinaux ont un RCAI inférieur à 30 000 euros, et, pour 43 % d’entre eux, son niveau reste en deçà de 60 000 euros. 43 % des titulaires ont un revenu plus faible que le salaire brut d’un gérant après décès. Autre enseignement : la faible corrélation entre le RCAI moyen des pharmaciens et le chiffre d’affaires généré par leur officine. « Le nombre de pharmaciens en activité dans les officines et les frais de personnel sont les principales explications, précise Philippe Besset. En effet, même si une officine avec un seul pharmacien réalise un CA plus faible que celui d’une pharmacie où exercent plusieurs officinaux, le revenu moyen est plus élevé dans le premier cas que dans le second. »
Les revenus se dégradent
Les chiffres de 2009 mettent en évidence une légère hausse du CA et de la marge entre 2008 et 2009 (respectivement + 1,9 % et + 2,1 %). Le taux de marge (27,4 %) est identique à 2008. Le résultat net des officines non assujetties à l’IS baisse de 1,5 % à 109 k €. Au 1er janvier 2010, la FSPF détermine un résultat par pharmacien égal à 87 k €. Cette somme, en constante diminution depuis 2004, doit permettre non seulement de vivre, mais également de rembourser le capital emprunté pour l’acquisition de la pharmacie et d’investir dans l’outil de travail. Compte tenu de ce montant et en prenant comme hypothèse que la rémunération d’un pharmacien doit être au moins égale à celle d’un coefficient 800 de la convention collective nationale de la pharmacie d’officine (proche de 60 000 euros), Philippe Besset conclut que le revenu du capital ne représente que 27 000 euros. « Cela signifie que la valorisation du capital de l’officine correspond à moins de 2 % du montant du CA total. » 30 % des titulaires ont un revenu inférieur à 30 k brut, ils gagnent donc moins qu’un pharmacien salarié débutant au coefficient 400. Si ces moyennes mettent en évidence une dégradation des revenus des pharmaciens, elles sous-estiment les fortes disparités entre les officines. Le chiffre d’affaires moyen ressort à 1 547 k €. 51 % des officines ont un CA inférieur ou égal à 1 500 k, et seulement 25 % se situent au-delà des 2 000 k €. Il y a un fort pourcentage d’officines à taux de croissance négatifs. Alors qu’en moyenne le chiffre d’affaires augmente de 1,9 % entre 2008 et 2009, 45,3 % des pharmacies enregistrent une évolution de leur CA négative ou au mieux nulle. « Ce dernier pourcentage est instructif, remarque Philippe Besset, car il est plus élevé que celui observé lors de notre enquête réalisée en 2009, où 27 % des officines avaient une évolution négative de leur chiffre d’affaires. Il démontre donc que les écarts entre les officines s’accroissent de plus en plus et que le marché a tendance à se concentrer. » 39,3 % des pharmacies ont une progression de CA comprise entre 0 et 6 % et seulement 15,5 % se situent au-dessus de 6 %. Les charges d’exploitation ont légèrement augmenté entre 2008 et 2009 (+ 1,7 %). Les impôts et taxes ont augmenté de 1,8 % pour atteindre 15 000 euros et représentent toujours la même part du CA (environ 1 %). La FSPF relève une forte augmentation de la taxe professionnelle (+ 10 %) pour sa dernière année d’existence, avant qu’elle ne soit remplacée par la contribution économique territoriale (CET). A l’opposé, les frais de personnel, qui représentent 57 % des charges des officines, sont caractérisés par une croissance beaucoup plus forte (+ 3,1 %, soit 186 k €) que celle de la marge de dispensation, au cours de la même période. Le point de salaire a été augmenté le 1er juillet 2008 (+ 2,5 %) et le 1er janvier 2009 (+ 1,2 %), et une nouvelle classification des métiers, en application au 1er avril 2008, a fait passer au coefficient supérieur un nombre important de salariés (préparateurs et adjoints compris).
Le début 2010 a été poussif pour les TPE, même si certains secteurs d’activité rompent avec une série de résultats négatifs. Au premier trimestre, la morosité est toujours de mise avec une tendance générale mollassonne (tendance à 0 % pour les TPE, tous secteurs confondus). Elles ne profitent pas de la hausse timide de la consommation des ménages en produits manufacturés observée sur les trois premiers mois de l’année (+ 1,2 % en volume). La reprise n’est donc pas là. Il y a bien quelques signes de satisfaction : l’automobile, la restauration connaissent un sursaut, tandis que les secteurs de la parfumerie et de l’optique ont bien commencé l’année. En revanche, petites foulées pour la pharmacie, les transports, les magasins de sport. Même si ce ne sont pas les plus à plaindre en comparaison du blues des prothésistes dentaires, du commerce de détail alimentaire, des librairies, des marchands de tabac, et surtout du bâtiment.
La maîtrise médicalisée n’a jamais aussi bien marché ! Les remboursements de médicaments ont représenté en 2009 22,6 milliards d’euros pour l’ensemble des régimes de l’Assurance-maladie (16,3 milliards pour le seul régime général). Les montants remboursés ont progressé de 2,3 % en 2009, contre 3,7 % en 2008. C’est l’un des taux les plus faibles depuis le début de la décennie. Ce ralentissement de la croissance s’inscrit dans la continuité des années précédentes.
Cependant, les insuffisances de recettes liées au contexte général de crise économique plombent les résultats et neutralisent les efforts réalisés par la médecine libérale.
Les PLFSS se suivent et se ressemblent. Une fois encore, le médicament est mis à contribution et sert de variable d’ajustement pour contenir le déficit de la Sécurité sociale, annoncé pour l’an prochain à 28,6 milliards d’euros (avant mesures du PLFSS).
Au menu, une soupe à la grimace : un Ondam fixé à 2,8 % pour 2011, des baisses de prix, des baisses de remboursement (passage de 35 % à 30 %), une baisse de 5 % du ticket modérateur sur les dispositifs médicaux…
« C’est de pire en pire, réagit Philippe Besset. Le plan médicaments du PLFSS 2011, comme le précédent, a un impact sur l’officine à hauteur de sa marge. Même en tenant compte de l’hypothèse tendancielle, l’ampleur de ce plan va aggraver les difficultés de nos confrères. »
En l’absence de mesures spécifiques de compensation au secteur de pharmacie de proximité, « l’accumulation des plans médicaments, année après année, portera atteinte à la bonne répartition de l’offre de soins, mais aussi à la structuration économique du tissu local par la disparition des pharmacies libérales », poursuit-il.
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