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Les propositions de l’Ordre

Publié le 9 février 2002
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Il y a un an, l’ordre des pharmaciens diffusait une fiche de déclaration d’agression. Objectif : disposer de données chiffrées sur les agressions dont sont victimes les pharmaciens. Constat après dépouillement : alarmant. Conséquence, l’Ordre formule huit propositions pour améliorer les conditions d’exercice des officinaux.

Triste bilan. Du 1er février au 30 octobre 2001, 299 agressions dans les pharmacies françaises ont été recensées , soit un peu plus de 33 par mois, plus de une par jour ouvrable… « Et encore, il y a sous-déclaration !, assure Isabelle Adenot, présidente du conseil régional de l’Ordre de Bourgogne, responsable du dossier sécurité à l’Ordre national. Pour deux raisons : les confrères ont une mauvaise connaissance de cette fiche et, surtout, face au non-suivi judiciaire, ils ne voient pas l’utilité de faire, en plus, une déclaration à l’Ordre qui n’a pas de poids de réparation. »

Les chiffres sont implacables : 55 vols ou tentatives, 79 attaques à main armée, 35 cas de violence physique. Motifs des agressions : l’argent dans 62 % des cas et les conflits nés d’un refus de délivrance illégale ou non conforme de stupéfiants (17,4 %). Plus d’un tiers (36,1 %) des agressions ont lieu entre 16 et 20 h, 33,8 % la nuit (cambriolages). Au moment de l’agression les officines étaient ouvertes dans 55,2 % des cas et de garde dans 13 %. « Si le temps d’exposition au risque durant la période de garde est faible, la probabilité d’une agression reste néanmoins très élevée à ce moment-là puisqu’il y a moins d’officines ouvertes », note Isabelle Adenot.

Autre enseignement, l’insécurité ne touche pas seulement les grandes agglomérations. 20 % des agressions ont lieu dans les communes de moins de 5 000 habitants, même si celles de 5 000 à 30 000 habitants sont les plus touchées (32 %). Et si en nombre de cas déclarés, l’Ile-de-France (107) et la Bourgogne (42) sont les régions les moins sûres, la Bretagne apparaît plus touchée en regard du nombre d’agressions par rapport à la densité officinale.

Dans 15,4 % des cas, l’agresseur était un client ou avait un visage connu (11,7 %) ; pire, près de 61 % des pharmacies concernées étaient équipées de système de télésurveillance, 37 % de caméras intérieures… « On peut toujours penser que ces officines seraient encore plus agressées si elles n’étaient pas équipées, remarque Isabelle Adenot. Sur ces chiffres, je laisse les confrères se faire une opinion. » Enfin, 22 % des officinaux qui ont envoyé une fiche à l’Ordre n’ont pas porté plainte.

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Une revalorisation des honoraires de garde

Alarmé, l’Ordre a formulé des propositions auprès de la direction interministérielle à la ville, chargée d’un rapport sur « l’amélioration des conditions d’exercice des professionnels de santé » dont la sortie est imminente. Premier objectif : renforcer la fréquence et l’efficacité des rondes de police durant les heures propices aux agressions (16 h-20 h) mais aussi la nuit pour les officines situées dans les quartiers sensibles. L’Ordre souhaite aussi étendre à l’ensemble du territoire le filtrage lors des heures de garde. Le principe est simple : pour connaître l’officine de garde, l’usager téléphone et décline son identité à la police ou à la gendarmerie qui vérifie et appelle l’officinal pour lui annoncer sa venue. Troisième proposition complémentaire : une revalorisation des honoraires de garde. « Les tarifs sont tellement ridicules que la notion d’urgence n’a plus de valeur, commente Isabelle Adenot. Une augmentation de quatre à cinq fois serait logique. »

Côté prévention, l’Ordre suggère que les caisses régionales d’assurance maladie lancent une campagne de communication sur le thème du « bon usage du pharmacien de garde » pour que « les déplacements des pharmaciens deviennent vraiment des urgences ». FIF-PL et OPCA-PL (ex-FAF-PL) seraient mobilisés pour délivrer en priorité des formations à la sécurité et les pharmaciens encouragés à recourir plus souvent au Fonds de revitalisation économique qui accorde à chaque officine installée dans les zones urbaines sensibles une subvention maximale de 22 800 Euro(s) (150 000 F) pour financer les installations de sécurité.

Une nouvelle fiche de déclaration

Concernant les suites de l’agression, l’Ordre propose la mise en place d’une réelle aide judiciaire pour faciliter le dépôt et le suivi des plaintes, et, pour les titulaires, une reconnaissance des conséquences physiques des agressions en accident de travail au même titre qu’un salarié avec prise en charge des soins à 100 %, indemnités journalières et décès. « En attendant, les titulaires doivent vérifier que leur assurance couvre les risques d’agression », conseille Isabelle Adenot, qui espère que ces propositions ne resteront pas lettre morte malgré la proximité des élections.

Pour l’heure, une nouvelle fiche plus pratique de déclaration d’agression, diffusée sur le site Internet de l’Ordre, devrait permettre d’affiner les statistiques. « Plus nous serons pertinents sur les faits et sur nos besoins en matière de sécurité, plus nous aurons de poids face aux pouvoirs publics, explique Isabelle Adenot. Mais pour cela, il faut surtout que les pharmaciens renvoient ces fiches. »