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« Les pharmaciens n’utilisent pas intégralement leurs compétences »
Président de la section A du Conseil national de l’ordre des pharmaciens depuis 2007
LE MONITEUR : Quelles sont les idées qui vous ont guidé durant votre mandature ?
JEAN-CHARLES TELLIER : J’étais convaincu que la pharmacie d’officine ne pouvait continuer sur la voie commerciale dans laquelle elle s’était engagée depuis très longtemps. De même, j’étais convaincu que l’on ne pouvait toucher à des points spécifiques (le monopole, le quorum, le développement professionnel continu) sans vue d’ensemble de l’avenir de l’officine. Pharmacien rural depuis toujours, j’y avais réfléchi et conclu que le pharmacien n’était pas reconnu à sa vraie valeur, celle d’un professionnel de santé. A cet égard, l’une de mes plus grandes déceptions est de ne pas voir l’Ordre siéger ès qualités auprès des ARS, même si je ne doute pas de la qualité de nos élus dans les URPS. C’est significatif de la façon dont on considère la profession de pharmacien d’officine. Je n’ai eu de cesse durant ces cinq ans que d’œuvrer pour sa reconnaissance.
Comment avez-vous procédé ?
J’ai commencé par l’austère sujet de la qualité, en créant le site Eqo.fr lorsque j’étais vice-président. La qualité doit être une préoccupation quotidienne et présente l’avantage conséquent de la traçabilité : le pharmacien montre ce qu’il fait. Pas de qualité, pas de loi HPST… Elle a constitué un pivot, et l’Ordre a été fédérateur dans son élaboration. Les autorités de tutelle – et je rends hommage à Roselyne Bachelot – ont prôné pour la première fois le rôle du pharmacien comme celui d’un acteur de santé de premier recours. Je vois mal comment le pharmacien peut refuser la chance unique offerte par la loi HPST, celle de ne plus être catalogué comme un commerçant de la santé. Des missions se sont dessinées progressivement, renforcées par la convention pharmaceutique. C’est un travail de longue haleine que de convaincre nos confrères que cette loi est à leur portée et nous leur avons donné des outils comme le dossier pharmaceutique. Ils ont aussi le Cespharm.
Vous êtes satisfait de cette progression ?
Il reste encore du chemin. Nous sommes tous nostalgiques de la pharmacie d’antan et des bonnes odeurs qui y flottaient… De même que nous restons attachés à des rites dans nos pratiques, quelles que soient les générations. Un exercice dans l’immédiat (et pas sur rendez-vous) même pour des ordonnances complexes. Une profession orale, sans traçabilité. Une répartition figée des tâches à l’officine. Autant d’habitudes à modifier, parce que les nouvelles missions, c’est pour « demain et demi » ! Dans la loi HPST, le préparateur en pharmacie n’est cité nulle part. J’ai fait deux fois le tour de France en exhortant mes confrères à réfléchir aux conséquences de la loi sur la répartition des tâches. J’interrogeais aussi les préparateurs sur leur avenir, leur demandant s’ils allaient revendiquer la délivrance sans le contrôle effectif des pharmaciens comme dans d’autres pays, mesure à laquelle je n’adhère pas… C’est un regret en demi-teinte que de ne pas avoir suscité davantage de débat sur ces questions.
Les nouvelles missions incluront des bilans de médications sur rendez-vous et obligeront les pharmaciens à changer leurs habitudes. Y sont-ils prêts ?
Les officinaux sont des libéraux, indépendants et aux prises avec le quotidien. Cette capacité à anticiper le changement est strictement ordinale et notre mission est d’accompagner tous les pharmaciens. C’est un grand bonheur de les rassurer et de les valoriser. Parce qu’ils sont très frileux et bien en deçà de ce qu’ils peuvent faire, n’utilisant pas intégralement leurs compétences. Par peur des prescripteurs, des autres professionnels, de la prise de responsabilité qu’ils pensent illégitime… Le dossier pharmaceutique est complexe mais les confrères s’en sont bien saisis. Peu s’en vantent…Ils sont toujours en retrait et leur insuffler confiance en eux m’a passionné.
Quels sont vos regrets ?
Le décret sur les SPF-PL serait un outil nécessaire pour que les pharmaciens puissent bien travailler. Je ne le verrai pas sous mon mandat. On aurait pu se mettre d’accord au sein de la profession depuis plus longtemps pour voir triompher cette loi. Idem pour le décret sur la PDA. Je déplore aussi l’illisibilité du développement professionnel continu. Enfin, je regrette que le dernier quota de répartition des pharmacies ait paru dans une loi économique, quand il s’agit de santé publique. Peut-être pourrait-on ne pas s’arrêter aux frontières de la commune avec autant de rigidité et tenir compte des bassins de vie.
* Jean-Charles Tellier en fut le vice-président de 2005 à 2007. Il est aussi président de la région Picardie depuis 1991 et se représente à ce poste.
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