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Les ordonnances de médicaments chers sous contrôle

Publié le 29 octobre 2022
Par Francois Pouzaud
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En attendant la prescription numérisée généralisée prévue pour le 1er janvier 2024, les pharmaciens doivent authentifier les ordonnances de produits chers – de plus de 300 € – à l’aide d’une procédure simplifiée de vérification. Le but : lutter contre les fraudes et sécuriser le bon usage du médicament. Mais le dispositif mis en place reste du bricolage.

Avec 15 jours de retard par rapport au dernier délai fixé (à fin septembre) dans la nouvelle convention nationale pharmaceutique, les syndicats pharmaceutiques et l’Assurance maladie ont trouvé un consensus acceptable pour les deux parties quant à la procédure de vérification des ordonnances prescrivant des médicaments onéreux, c’est-à-dire de plus de 300 € TTC. La prescription numérisée généralisée est prévue pour le 1er janvier 2024. D’ici là, la version adoptée a été simplifiée par rapport aux projets de texte antérieurs et a écarté une pierre d’achoppement importante dans le dispositif : l’appel du médecin hospitalier pour vérifier l’authenticité de l’ordonnance qui relève d’une mission impossible dans la pratique officinale. « Le processus qui sera finalisé devra solliciter de façon raisonnable le pharmacien », avait promis Thomas Fatôme, directeur général de la Caisse nationale de l’Assurance maladie (Cnam), face à la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), début octobre.

Promesse tenue. La vérification par contact téléphonique avec le prescripteur de l’ordonnance de médicaments chers est limitée au médecin exerçant en ville, si besoin (patient inconnu, nouveau médecin, etc.). « Le directeur de l’Assurance maladie nous a écoutés et entendus. C’est le mieux que l’on puisse faire en l’absence de l’e-prescription, mais cela reste du bricolage et ce dispositif doit être maintenant soumis à l’épreuve des faits », déclare Philippe Besset, président de la FSPF. « Il est relativement simple à mettre en place et n’est pas trop chronophage », commente Pierre-Olivier Variot. Le président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) regrette seulement l’absence dans la procédure à suivre de la possibilité de contacter le pharmacien conseil de la caisse primaire en dernière extrémité. « Le but n’est pas de le submerger d’appels mais de pouvoir le joindre par e-mail en cas de doute ultime à lever, pour ne pas refuser un traitement à mauvais escient à un patient », explique-t-il. L’appel au pharmacien conseil sera toutefois expérimenté en Ile-de-France avant son éventuelle extension nationale. Néanmoins, le président de l’USPO recommande à tous les pharmaciens de contacter le pharmacien conseil de leur caisse en cas de nécessité.

Pour s’acquitter de sa mission, le pharmacien disposera d’une grille de vérification de l’ordonnance, aura accès à une base colligeant les fausses ordonnances – un book en ligne en cours de déploiement. Si besoin, il pourra consulter des informations disponibles sur le patient (historique de ses remboursements, comptes rendus d’hospitalisation ou des lettres de sortie) sous réserve que ce dernier ait donné son accord préalable pour accéder à son dossier médical partagé (DMP) et à son espace numérique de santé. Et finalement apposer « Délivrance sécurisée » ou « Délivrance temporaire » (voir Repères) sur l’ordonnance avant d’envoyer la facture à l’Assurance maladie, ou au contraire « Refus de délivrance » en cas d’ordonnance frauduleuse avérée. Le but principal est de lutter contre les fraudes à l’Assurance maladie. Cette mission n’est pas rémunérée.

A quoi reconnaît-on une fausse ordonnance ?

Dans la procédure venant compléter les dispositions déjà inscrites dans la convention pharmaceutique de 2022, l’Assurance maladie rappelle que les fausses ordonnances de médicaments onéreux se présentent généralement sous la forme d’ordonnances hospitalières. Dans les cas de trafics, ce sont souvent des patients non connus de l’officine qui se présentent, la plupart du temps sans carte Vitale. Le dispositif invite donc les pharmaciens à se montrer particulièrement prudents dans ces situations. Ces ordonnances sont généralement présentées par des assurés recrutés sur les réseaux sociaux, jeunes et sans affection de longue durée (ALD). Il peut s’agir, par exemple, d’une ordonnance pour un traitement du cancer du côlon métastasique présentée par un assuré de 20 ans sans ALD.

Au cours de ce travail de vérification, le pharmacien pourra faire appel au téléservice d’acquisition des droits intégrée (Adri) qui permet de vérifier, à sa main (de manière systématique, automatique en cas de support Vitale non à jour ou en son absence ; ou manuelle, au cas par cas) la situation médicoadministrative d’un bénéficiaire, notamment le bénéfice ou non d’une ALD. « L’absence d’une ALD ne doit pas conduire à elle seule, compte tenu du délai potentiel d’instruction de la demande de prise en charge en ALD, à considérer que l’ordonnance est frauduleuse mais elle implique d’être particulièrement vigilant sur les autres éléments de l’ordonnance à vérifier », précise l’Assurance maladie.

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Par ailleurs, il y a des signaux d’alerte qui ne trompent pas sur une vraie « fausse ordonnance ». Celle-ci présente souvent plusieurs types d’anomalies : numéro de téléphone non correspondant à celui de l’établissement (l’appel se termine immédiatement, sans message d’attente) ou correspondant à celui d’un autre établissement, pas de numéro du répertoire partagé des professionnels de santé (RPPS) sous le nom du prescripteur ou numéro RPPS non valide, pas de médecin à ce nom dans l’établissement hospitalier, médecin exerçant dans une autre région, erreur de calcul de posologie, fautes d’orthographe sur le service hospitalier, etc.

Neuf points de vigilance

Ce travail de contrôle de l’authenticité d’une ordonnance, le pharmacien y est habitué. Aucune entorse à ces règles n’est tolérée, y compris lors de l’authentification de l’ordonnance lorsque le patient comme le prescripteur sont connus de l’officine ou qu’il s’agit d’une ordonnance numérique. Toutefois, ce contrôle est renforcé et s’effectue à l’aide d’une grille de vérification portant sur neuf points que le prescripteur doit signifier sur son ordonnance : identité du prescripteur, sa spécialité par rapport au médicament prescrit, son lieu d’exercice (comparer avec ameli.fr), vérification que l’ensemble des informations sur le prescripteur sont disponibles, que son numéro RPPS figure dans l’Annuaire santé, que l’ordonnance ne comporte pas de faute d’orthographe, en particulier sur le libellé du service hospitalier et sur le tampon, contrôle des calculs de posologie réalisés sur l’ordonnance, numéro de téléphone avec appel à réaliser pour s’assurer que les numéros correspondent bien au professionnel, vérification de la cohérence entre le numéro du fichier national des établissements sanitaires et sociaux (Finess) sur le tampon et le département de l’établissement de santé mentionné sur l’ordonnance. Dans le cas où le prescripteur est non complètement identifié (absence de spécialité, de numéro de professionnel de santé), le pharmacien doit redoubler de vigilance.

Autres exemples cités par l’Assurance maladie qui doivent retenir l’attention, voire éveiller les soupçons : la spécialité du médecin n’est pas cohérente avec le médicament prescrit ou le professionnel indiqué sur l’ordonnance exerce dans une autre région que celle de l’établissement hospitalier mentionné (suspicion d’utilisation de tampons faux ou volés). Dans ces différentes situations, l’Annuaire santé d’ameli permet de vérifier la spécialité et le lieu d’exercice.

En cas de doute, le pharmacien appelle le prescripteur en dernier recours.

Fausses ordonnances : un risque inégal

« Les ordonnances de patients inconnus pour lequel ce travail d’authentification peut être plus important représentent une trentaine de délivrances par an et par officine en moyenne », estime Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). Face au risque de présentation d’une fausse ordonnance, les pharmaciens sont inégalement exposés selon les régions. « Les ordonnances frauduleuses proviennent essentiellement de l’hôpital et principalement de deux régions, l’Ile-de-France et la Provence-Alpes-Côte d’Azur (Paca), qui sont davantage dans le collimateur des contrôles, mais il est important que toutes les pharmacies jouent le jeu », explique Julien Chauvin, président de la commission études et stratégie économiques de la FSPF.

À RETENIR

Les pharmaciens sont tenus d’authentifier les ordonnances de médicaments onéreux (de plus de 300 € TTC).

Le contrôle de l’authenticité de l’ordonnance s’effectue selon une grille de vérification en neuf points.

Ce dispositif de contrôle est mis en place en attendant l’e-prescription.