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Le monopole officinal, souvent touché jamais coulé
Attaqué de tous bords, le monopole officinal français a toujours fait preuve de résilience. Si ces opposants sont multiples et variés, leur argumentaire, axé sur une baisse des prix, est resté inchangé. Voici donc le troisième épisode de cette série consacrée à un vieux serpent de mer qui a récemment ressurgi.
Depuis son origine, le modèle du monopole officinal français suscite autant de convoitises qu’il est décrié. Pas plus tard qu’en août 2023 l’UFC-Que Choisir plaidait pour la distribution des médicaments d’automédication dans les grandes surfaces et les parapharmacies, sous la supervision d’un pharmacien. Pour l’association de consommateurs, c’est un moyen efficace de lutter contre une automédication mal maîtrisée et une surconsommation des médicaments qui suscitent tous deux des risques pour les usagers. Ces propositions de libéralisation encadrée de la vente de spécialités sans ordonnance ont généralement un relais d’écoute conséquent auprès des pouvoirs publics. Pour preuve, plusieurs rapports officiels ont été publiés en ce sens ces dernières années : ceux de Charles Beigbeder sur l’économie low-cost, Jacques Attali sur la croissance, Robert Rochefort sur le commerce de centre-ville, Richard Ferrand sur les professions réglementées, Brigitte Longuet sur l’arrivée de capitaux extérieurs… Et le dernier en date, de Marc Ferracci, dont la publication est attendue dans les semaines à venir. Il y serait question de financiarisation de l’officine, de remise en cause du maillage territorial, d’ouverture du monopole avec la vente en ligne de médicaments… A l’instar de l’Inspection générale des affaires sociales en 2011 et de l’Inspection générale des finances en 2013, l’Autorité de la concurrence a également déjà rendu deux avis particulièrement mordants : le premier en décembre 2013 et le second en avril 2019. Plusieurs ministres en exercice, à l’image de Bruno Le Maire en tant que ministre de l’Agriculture, de l’Alimentation, de la Pêche, de la Ruralité et de l’Aménagement du territoire en 2011, et d’Arnaud Montebourg, ministre de l’Economie, du Redressement productif et du Numérique en 2014, se sont aussi frottés à l’exercice. En vain. L’agression la plus violente contre le monopole officinal est finalement venue de la Cour des comptes qui, en 2017, préconisait une ouverture totale et une réduction de moitié du maillage. La Commission européenne a, pour sa part, régulièrement émis des avis motivés, arguant de son opposition au monopole officinal, mais ceux-ci n’ont jamais été suivis d’effets. Quant aux pouvoirs publics français, ils ont progressivement réduit les contours du monopole en retirant un certain nombre de médicaments et produits de santé.
Des conséquences qui seraient fatales
« Finances », « concurrence », « prix », « commerce », « économie »… sont autant de mots-clés évoqués par les opposants au monopole officinal. Les citer permet de mieux appréhender le créneau retenu et de comprendre qu’il est très éloigné de la finalité sanitaire recherchée par le modèle français. Les détracteurs du monopole argumentent souvent que vendre des prescriptions non obligatoires hors officine, à l’instar de nos homologues italiens, permettrait d’en diminuer le prix de 10 % grâce au jeu de la concurrence et, donc, de restituer 250 millions d’euros de pouvoir d’achat à des consommateurs déjà touchés de plein fouet par l’inflation. Mais, à terme, c’est la moitié du maillage officinal qui risquerait de disparaître. Et il n’en demeure pas moins que les véritables écueils sont de capter les quatre millions de patients qui se rendent quotidiennement dans une officine, de prendre des parts de marché supplémentaires avec un objectif de pure rentabilité, d’ouvrir une brèche d’où découleront d’autres sujétions pour le pharmacien, de banaliser le médicament et, surtout, de porter atteinte à la sécurité du consommateur à plus ou moins long terme. Parallèlement, cela aurait aussi pour conséquence de subordonner le pharmacien aux exigences des grands groupes, de bafouer le principe séculaire d’indépendance pour lequel la profession s’est battue, de créer des conflits d’intérêts, d’aggraver la désertification pharmaceutique et, accessoirement, de sous-estimer les six années d’études nécessaires au diplôme de pharmacien.
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