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Le médicament forfaitisé en EHPAD
Mesure marquante du PLFSS 2009 adopté cette semaine : l’intégration du médicament dans le forfait de soins des maisons de retraite. Cette fois, la profession n’a pu éviter le pire. Malgré l’organisation d’expérimentations, le texte mentionne toujours 2010 pour la généralisation de cette mesure.
Lors des débats sur le PLFSS, la secrétaire d’Etat à la Solidarité a assuré que l’intégration du médicament dans le forfait de soins des EHPAD dépendra des expérimentations qui se dérouleront du 1er janvier 2009 à octobre 2010. Mais il ne s’agit que de paroles…. L’article 45 de la loi stipule, lui, que le forfait intégrera les médicaments certes « en fonction du bilan des expérimentations », mais « au plus tard le 1er janvier 2010 ». « Cela laisse perplexe », commente, amer, Philippe Gaertner, président de la FSPF, qui réclamait le retrait pur et simple de cet article, demandant d’évaluer l’entrée des dispositifs médicaux (DM) dans le forfait avant d’y envisager le médicament. « Tous ceux qui ont essayé de faire supprimer le texte, y compris les parlementaires, se sont cassé les dents face à la volonté gouvernementale », observe de son côté Claude Japhet, président de l’UNPF. « Maintenant, à nous de démontrer que l’enveloppe globale n’apportera ni économies ni qualité », commente Gilles Bonnefond, président délégué de l’USPO.
De toute façon, la Direction de la Sécurité sociale veut cette mesure, tranche Florence Arnaiz-Maumé, déléguée générale du Syndicat national des établissements et résidences privés pour personnes âgées (Synerpa), lequel prévoit de proposer dès janvier un panel de 50 à 100 établissements volontaires pour expérimenter la mesure. Les EHPAD ont en effet déjà été échaudés : « Quand j’ai signé les toutes premières conventions tripartites incluant les médicaments chez Orpéa en 2001*, on avait des montants de 25-27 francs [3,81 Euro(s)] par résident et par jour pour un GIR moyen pondéré [niveau de dépendance] très faible. Six mois après, des départements ne nous proposaient plus que 15 francs [2,29 Euro(s)] et, là, on ne s’en sortait plus du tout. » Au passage, le Synerpa n’hésite pas à évoquer une future sélection des résidents à l’entrée, « inévitable si le forfait n’est pas calibré en fonction des besoins ». Car la liste en sus prévue pour les médicaments les plus onéreux « ne suffit pas, comme le montre l’expérience des cliniques ».
Les PUI sont toujours en embuscade
Les EHPAD tiennent par ailleurs à comparer la gestion de l’enveloppe médicament à la fois via les pharmacies libérales et les pharmacies à usage intérieur (PUI). Si l’USPO se félicite d’avoir écarté la menace des PUI dans ce PLFSS, les EHPAD ne renoncent pas à demander leur facilitation (via des groupements de coopération sanitaire) à travers un futur texte législatif : « Nous devons avoir le choix entre PUI et officine car nous ne maîtriserons ni le montant du forfait, ni les prescriptions évidemment, ni le volume de génériques », insiste Florence Arnaiz-Maumé, persuadée que les officines garderont une place privilégiée auprès des EHPAD non liés à des groupes possédant des cliniques. « Je veux bien entendre ce discours, réagit Philippe Gaertner, mais je pense que les exigences liées aux appels d’offres mettront nombre d’officines en situation délicate. » En contact régulier avec les directeurs d’EHPAD, Caroline Blochet, responsable de Medissimo, estime pour sa part qu’ils ne veulent pas des PUI « à 97 % » : « A nous de démontrer que nous sommes capables de développer un service pharmaceutique en intégrant que l’on ne peut plus dissocier le sanitaire de l’économique ». De fait, la PUI restera à manier avec précaution par les EHPAD en raison de ses charges intrinsèques (local, administratif, salaires…) qui viennent plomber le coût de médicaments, même s’ils sont moins chers qu’à l’officine.
Les EHPAD auront leurs pharmaciens référents
La bonne nouvelle de l’article 45, c’est la notion de pharmacien référent pour les EHPAD, que Jean Parrot, président de l’Ordre, appelait de ses voeux : « Cette mesure de nature comptable [la forfaitisation] serait plus concevable si la contribution du pharmacien à la juste thérapeutique dans les EHPAD était précisée », écrivait-il dans Les Nouvelles pharmaceutiques. « On a besoin d’un pharmacien « expert clinicien » dans les EHPAD afin de choisir, pour chaque résident, les traitements et posologies les plus adaptés, au meilleur coût, commente Gilles Bonnefond. S’il est bien traité, le dossier des EHPAD peut être le premier exemple de coordination des soins formalisé, cher à l’USPO, entre pharmacien, médecin et infirmier. » « La suppression de l’article 45 étant illusoire, il nous fallait corriger le tir, indique Claude Japhet. Nous avons obtenu que le choix du pharmacien référent ne dépende pas de l’avis du médecin coordonnateur. » « J’attends de voir ce que cela va donner, réagit Philippe Gaertner. Je ne suis pas sûr que le médecin local ait envie de se voir imposer une liste de médicaments. De son côté, le gestionnaire de l’établissement sera amené à s’approvisionner au moins cher. Il y a là un risque économique important, en particulier pour les officines rurales de petites tailles. Et quid des officines qui s’accordaient à plusieurs pour fournir un EHPAD ? »
Un décret pour la préparation des doses à administrer
L’UNPF et l’USPO espéraient par ailleurs que le pharmacien soit désigné comme cogestionnaire de l’enveloppe médicament. Ce n’est finalement pas dans la loi. « Pourquoi ne pas le faire sur terrain ?, propose Florence Arnaiz-Maumé. Pour l’instant, les directeurs d’établissements sont très réticents. Il faudra avancer pas à pas, en travaillant sur la convention officines-EHPAD. »
Une convention-cadre prévue depuis… 3 ans ! Bloqué par le reconditionnement, l’arrêté sur la convention devrait déboucher avec le décret PDA (préparation des doses à administrer) dont un projet circule déjà. Le Synerpa estime normal que l’officine soit payée pour ce service et ne se voit pas imposer tel ou tel matériel par les établissements. « Mais c’est à l’Assurance maladie de trouver des moyens supplémentaires, prévient-il. Les officinaux savent que nos budgets de soins sont ridicules. » Ce n’est pas gagné…
Daniel Muller, installé à Illkirch-Graffenstaden (Bas-Rhin), travaille avec trois maisons de retraite : « Tout ce qu’on a mis en place en termes de service ou de traçabilité peut être remis en cause, craint-il. Si on vient en plus me demander de la remise, je jetterai l’éponge. Sur les DM, nous sommes déjà à – 40 %, – 50 % depuis leur forfaitisation. Je ne crois pas que l’officine sera capable de garder les EHPAD, même si la notion de pharmacien référent nous laisse une petite chance. Le prochain enjeu, c’est le domicile du patient… »
« Après trois ans de perdus pour des prérogatives protectionnistes, nous avons deux années pour montrer que nous pouvons rendre des services mieux que les PUI, prouver que notre coordination peut générer des économies dont une partie financerait nos services. Mais désormais la concurrence se jouera sur les services et sur les prix… », relève Claude Japhet. « EHPAD, officinaux et médecins, nous nous observons avec la main sur le colt tout en étant convaincus que nous devons travailler ensemble. Alors faisons-le, nous pouvons trouver un terrain d’entente », conclut Florence Arnaiz-Maumé.
* Les conventions EHPAD-DDASS-Conseil général signées début 2002 incluaient le médicament avant que la loi ne recule.
La crise creuse les déficits
Au vu de la crise, le déficit 2008 de la Sécurité sociale a été revu à la hausse (passant de 8,6 à 9,3 MdEuro(s) pour le régime général) et de 8,6 à 10,5 MdEuro(s) pour 2009 (- 4,7 MdEuro(s) pour le régime général de l’assurance maladie). L’équilibre des comptes de l’assurance maladie en 2012 est oublié puisque le déficit est prévu à 2,1 MdEuro(s) dans trois ans. L’ONDAM reste cependant fixé à + 3,3 % (à 157,6 MdEuro(s)) pour 2009 (+ 3,1 % pour les soins de ville, + 3,1 % pour l’hôpital et + 6,3 % pour le médicosocial).
Le générique dans le PLFSS
Coup de théâtre sur l’un des deux articles concernant directement le médicament : tandis que le Sénat avait supprimé l’obligation de prescription en DC pour les spécialités inscrites au Répertoire des génériques, la commission mixte paritaire députés-sénateurs a rétabli in extremis la mesure mardi matin. A l’heure de notre bouclage, nous n’étions pas en mesure de savoir si un ultime amendement gouvernemental lors du vote solennel de la loi avait permis sa suppression définitive du PLFSS, comme le suggéraient certains parlementaires. La mesure était rejetée en bloc par les syndicats d’officine. Par ailleurs, l’article élargissant le Répertoire et permettant une substitution entre deux spécialités à libération prolongée, lorsque la molécule active libérée dans l’organisme est identique, a été adopté. Un texte censé contrer certaines stratégies de contournement des génériques par les laboratoires (produits identiques mais avec des sels différents…).
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