Socioprofessionnel Réservé aux abonnés

« L’approvisionnement en services aux patients sera à l’avenir la fonction principale des pharmaciens. »

Publié le 22 mai 2010
Par Marie Luginsland
Mettre en favori

Le Moniteur : Quelle est la position de votre fédération face à la réforme de la santé ?

Tom Menighan : L’APhA a travaillé dur pour maintenir une coalition des organisations de pharmaciens tout au long du débat sur la réforme. Avec un ensemble de principes adoptés par tous, nous avons concentré nos efforts en un plaidoyer précis : que les pharmaciens soient reconnus et valorisés pour leurs services en faveur de la santé du patient en plus de leurs capacités de délivrance. Nous considérons que la réforme est parvenue à nous donner l’occasion de fournir ces services de manières variées.

Sous quelles formes par exemple ?

Nous devrons négocier notre action dans les organisations de santé et les maisons médicales, et nous aurons à prouver notre valeur dans de tels modèles de soins.

Cette réforme va imposer certaines taxes supplémentaires, notamment 23 milliards de dollars à l’industrie pharmaceutique. Les pharmaciens vont-ils être impliqués dans ces mesures d’économies ?

Certaines choses ne sont pas encore claires, mais nous ne pensons pas que les pharmaciens supporteront le choc des concessions offertes par l’industrie pharmaceutique ou les grands hôpitaux. Nous agissons dès à présent pour que ce ne soit pas le cas.

Publicité

Vous attendez-vous à des changements dans votre pratique professionnelle ?

Les Etats-Unis voient déjà une lame de fond dans la croissance de l’offre et la délivrance en MTM [NdlR : Medication Therapy Management, des services qui optimisent les résultats thérapeutiques au niveau individuel]. De plus en plus de fournisseurs et de plus en plus de financeurs [NdlR : les assureurs] le proposent, et les consommateurs commencent seulement à en reconnaître la valeur.

Par ailleurs, le nouveau volet couvre 32 millions d’Américains supplémentaires. Nous nous attendons à ce que ces personnes accèdent au système de santé et consomment davantage de médicaments qu’elles ne le faisaient lorsqu’elles n’avaient pas de couverture.

Comment cela se traduira-t-il en termes d’activité ?

La technologie et son implication dans l’officine vont conduire à une meilleure délivrance, plus rapide et moins onéreuse. Les pharmaciens auront toujours, selon toutes prévisions, un rôle de dispensation. Cependant, l’approvisionnement en services aux patients sera à l’avenir la fonction principale des pharmaciens. De nouveaux rôles vont émerger. MTM et les autres services vont se tourner vers de nouvelles perspectives, dont certaines feront sauter les verrous des modèles traditionnels de délivrance.

A présent, le prix du médicament est fixé par l’industrie et il le restera. Etes-vous satisfait de cette situation ?

Différents modèles économiques sont en discussion. Il va y avoir un changement important dans la fixation des prix « de référence » pour mettre en place une base de coûts pour les payeurs [NdlR : à savoir les assureurs, Medicaid et Medicare], et le gouvernement réfléchit sur la façon de rembourser les pharmacies pour les traitements qu’elles dispensent. Les marges ont toujours été en ligne de mire. C’est comme cela que fonctionne le monde, et c’est le cas dans l’économie hypercompétitive des Etat-Unis. Les marges sur les génériques comme sur les produits pharmaceutiques innovants sont hautement variables.

Craignez-vous d’en payer les conséquences ?

On a besoin de trouver des voies pour rester en concurrence ou pour collaborer en se faisant suffisamment concurrence. Soit en tant qu’entité unique, soit en tant qu’entité virtuelle avec de multiples acteurs agissant comme un seul. Le gouvernement est en train de devenir le plus grand acheteur de produits pharmaceutiques. Cela va certainement avoir un effet dans le temps sur la manière dont les produits seront achetés et vendus.

Quelles sont vos relations actuelles avec les assurances ?

APhA s’applique à aider les pharmacies à développer leurs capacités et leur système pour délivrer des soins. Nous encourageons les compagnies d’assurances à tirer parti de tout ce que les pharmaciens ont à offrir à leurs assurés.

Et qu’en sera-t-il de vos marges ?

Le gouvernement va devenir un facteur plus important dans le remboursement des pharmacies. La marge sur les produits va continuer d’être compressée. Comme je vous le disais, l’avenir des pharmacies passe par des prestations de services de soins de qualité aux patients.

Le « Drug Trend Report » fait état d’une augmentation des dépenses de santé de 6,4 % en 2009 et souligne que 163 milliards de dollars pourraient être économisés. Le président Obama a déclaré vouloir faire la chasse au gaspillage dans les soins médicaux, notamment dans le médicament. Etes-vous d’accord avec cette proposition ?

APhA veut collaborer avec le gouvernement afin de trouver des solutions pour minimiser les gaspillages résultant de l’usage du médicament. Les pharmaciens peuvent ainsi conseiller les patients afin qu’ils deviennent de meilleurs utilisateurs et qu’ils changent leur mode de vie, condition nécessaire à une existence plus saine.

La réforme va-t-elle vous y inciter ?

La mutation est en cours depuis un certain temps. Nous avons formé à la vaccination plus de 100 000 pharmaciens. Ils ont été promus pour servir des millions d’Américains pendant la pandémie A (H1N1) lors de la dernière saison de grippe. Pour la première fois, les consommateurs ont perçu les pharmaciens comme des fournisseurs de services et non comme de simples distributeurs.

Les plus grandes chaînes, ainsi que les indépendants, sont en train d’évaluer des systèmes et de former leurs pharmaciens à fournir davantage de services. Je crois que notre pratique connaît un élan qui ne pourra plus être stoppé. Une éducation à la santé pour le bien-être du public va être essentielle. Des programmes vont promouvoir des taux plus élevés de vaccination, la réduction de la consommation du tabac, la lutte contre l’obésité. Seuls de tels programmes réussiront à changer le profil de santé de l’Américain moyen.

L’Apha (American Pharmacists Association), créée en 1852, est la plus ancienne et plus grande organisation de la profession aux USA. Elle compte 62 000 membres, soit 22 % des pharmaciens américains.