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La vigilance au cœur des Assises du médicament
Les Assises du médicament devraient remettre leur rapport courant juin. Mais les propositions des groupes de travail sont déjà publiques. Toutes visent à renforcer la vigilance. A tous les niveaux.
Le 31 mai, les Assises du médicament clôturaient leurs travaux. Les six groupes de travail avaient déjà rendu leurs rapports à Edouard Couty, président et rapporteur général des Assises. Un rapport final doit désormais être remis à Xavier Bertrand, ministre du Travail, de l’Emploi et de la Santé, courant juin. Edouard Couty a néanmoins dégagé trois axes de réforme du système de sécurité sanitaire des produits de santé : un patient « responsable et mieux informé », des professionnels de santé « bien formés et informés » et un système « plus transparent et dont l’indépendance est garantie ». Plus concrètement, il apparaît à la lecture des propositions des groupes de travail que la vigilance est de mise. En matière d’autorisation de mise sur le marché (groupe 1), le progrès thérapeutique doit faire partie des critères. Et les mécanismes nationaux de régulation de l’AMM doivent être renforcés. Quant au hors AMM (groupe 3), il s’agit d’encadrer « autant que possible » cette pratique en informant mieux les médecins, en identifiant les risques du hors AMM dès les essais cliniques et en signalant « davantage » les prescriptions hors AMM « injustifiées, notamment les dangereuses ». Les dispositifs médicaux feraient l’objet d’une évaluation clinique renforcée et régulière, en particulier lorsqu’ils ont une revendication thérapeutique.
Vigilance aussi pour l’information des professionnels de santé et les patients. La qualité et le contrôle de la visite médicale et de la publicité à destination des professionnels de santé sont mis en exergue par le groupe 4. Ce dernier propose aussi de « structurer un service public d’information sur la santé, incluant le médicament ». Et pour échapper à toute influence de l’industrie pharmaceutique, le financement de la formation continue doit être transparent, quitte à instaurer une taxe payée par les laboratoires. La formation continue doit également être évaluée. En ce qui concerne la formation initiale, les étudiants devraient trouver d’autres sources de financement que les laboratoires pour leurs activités et les enseignants publier une déclaration publique d’intérêt (voir réaction de Dominique Porquet ci-dessous).
Développer la culture de la pharmacovigilance
Les liens et conflits d’intérêt sont également abordés par le groupe 5 (gouvernance des organismes intervenant dans les produits de santé) qui veut privilégier l’expertise interne des agences par le biais de permanents encadrés par des experts de renom, tout en faisant appel à des consultants extérieurs. Il recommande aussi de préciser les critères à partir desquels un lien d’intérêt devient assimilé à un conflit d’intérêt. Quant aux missions des agences sanitaires (HAS, Afssaps, InVS), elles seraient maintenues, mais clarifiées. La pharmacovigilance (PV) resterait sous le contrôle de l’Afssaps, « sous réserve d’ajustements importants ». L’indépendance et l’expertise de la commission nationale de PV doivent être renforcées.
Un renforcement qui concerne de manière générale la pharmacovigilance (groupe 2). Accéder aux rapports des études précliniques et cliniques, ainsi qu’aux données des études post AMM devient impératif. Développer la culture de la pharmacovigilance est aussi un objectif dans le cadre de la formation initiale et de la pratique professionnelle (lire l’interview de Marie-Christine Perault-Pochat ci-dessus) notamment en facilitant les notifications et en incluant les patients. Le rôle des Centres régionaux de pharmacovigilance (CRPV) est d’ailleurs rappelé par le groupe 2, qui propose d’amplifier leurs moyens et leurs liens avec entre autres les ARS, les centres anti-poison, les réseaux de professionnels. Le groupe 2 propose d’ailleurs « de ne pas dissocier l’analyse des bénéfices et des risques » et de réunir les commissions d’AMM et de pharmacovigilance pour la réévaluation du bénéfice lors de « séances communes » avec « un poids de vote identique ».
RÉACTIONPr Dominique Porquet, président de la conférence des doyens des facultés de pharmacie
« Dans le cadre de la formation initiale, la pharmacovigilance est déjà une notion abordée, sous différents aspects, en 3e et 4e année. Il était prévu que son approche soit renforcée. Par ailleurs, en 2e année, dès la prochaine rentrée universitaire, les connaissances en pharmacologie médicale et thérapeutique, évoquées lors des Assises du médicament, seront approfondies. Les volumes horaires de ces enseignements ont été doublés. En ce qui concerne les déclarations publiques d’intérêt pour les enseignants, c’est une nécessité absolue dans le cas d’enseignements ayant trait à la thérapeutique, au cours de la formation de base et plus tard, pour les filières industrie et biologie. On ne peut pas ignorer les risques de dérives. Enfin, les Assises proposent un arrêt du financement des laboratoires à destination des étudiants. Ce financement doit être strictement encadré et réglementé. Nous avons besoin de ces partenariats qui nous donnent une marge de manœuvre dans le financement de nos projets. La loi sur l’autonomie des universités l’autorise. Pour ce qui concerne le sponsoring aux étudiants, il appartient aux futurs professionnels d’apprendre à gérer leurs rapports avec ceux qui deviendront leurs fournisseurs et prestataires. »
Propos recueillis par Magali Clausener
3 questions auPr Marie-Christine Perault-Pochat, responsable du Centre régional de pharmacovigilance (CRPV) de poitou-charentes
Vous avez participé au groupe 2. Ce dernier propose notamment de faciliter le travail des déclarants. Est-ce facilement réalisable ?
Avec Isabelle Adenot, présidente du Conseil de l’Ordre, nous allons rendre opérationnelle la télédéclaration sur les sites du Conseil de l’Ordre et de l’association des CRPV. N’importe qui pourra déclarer en ligne et envoyer son signalement au CRPV dont il dépend. Nous avons soumis un modèle de déclaration pour les patients, mais il n’a pas encore été validé par les autorités compétentes. Ce modèle peut déjà être utilisé quitte à le modifier par la suite. Ces mesures peuvent être rapidement mises en œuvre. Quant aux pharmaciens, je suis toujours surprise d’entendre certains dire que la déclaration est un peu compliquée. Il s’agit juste d’indiquer quatre éléments : le patient, l’effet indésirable, le médicament et le déclarant. Les CRPV veulent bien communiquer davantage auprès des pharmaciens. Lorsque le contact est établi, cela se passe très bien.
Le groupe 2 propose de renforcer les moyens des CRPV. Avez-vous évalué ces moyens ?
Il s’agit d’appliquer à tous les CRPV la modélisation – a minima – de 2005, c’est-à-dire avoir des praticiens hospitaliers en équivalent temps plein en fonction du bassin de population. Par exemple, le CRPV de Lille dispose d’1,2 praticien en équivalent temps plein, alors qu’il devrait en avoir 4. A Poitiers, nous avons 1,7 praticien en équivalent temps plein. Nous devrions en avoir 2,5. Nous proposons aussi de recruter des assistants de recherche clinique qui collectent les événements indésirables. Cette mesure, expérimentée à Toulouse, fonctionne et permet de recueillir de nombreuses déclarations.
Il souhaite également l’amélioration du suivi des notifications. L’Ordre préconise aussi un « retour » auprès des déclarants. Est-ce possible ?
Globalement, 75 ?% des notifications font l’objet d’une réponse, soit argumentée, soit d’un accusé de réception. Il y a donc 25 ?% de notifications sans réponses, faute de temps. Souvent, il s’agit de déclaration d’un effet indésirable déjà connu ou qui n’est pas grave. Nous hiérarchisons nos réponses en fonction de la gravité de l’effet indésirable.
Propos recueillis par Magali Clausener
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