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La star académie
Cet été, l’Académie nationale de pharmacie fête ses 200 ans. En deux siècles d’existence, la société savante aura changé à deux reprises de nom, mais sans jamais se détourner de sa vocation initiale, inscrite dans ses statuts : « concourir au progrès des sciences, et notamment de la pharmacie, de la chimie, de la botanique et de l’histoire naturelle ». Retour sur une histoire et une tradition.
Tout commence le 25 avril 1777. Ce jour-là, une déclaration royale met un terme à l’« antique alliance » entre apothicaires et épiciers. Interdiction est désormais faite aux marchands d’épices de « fabriquer, vendre et débiter aucuns sels, compositions ou préparations entrantes au corps humain sous forme de médicaments ». Le monopole pharmaceutique est définitivement instauré.
Dans la foulée, la corporation des apothicaires tente de s’organiser. En 1780, les maîtres en pharmacie sont autorisés à « établir des cours publics d’études et démonstrations gratuites pour l’instruction de leurs élèves dans leur laboratoire et jardin […] ». Cela signifie en clair que les enseignements professionnels (chimie et botanique) sont désormais assurés par des pharmaciens, sans l’entremise de la Faculté de médecine qui détenait jusqu’alors tous les pouvoirs.
Un instant menacé par l’abolition des maîtrises et jurandes promulguée par l’Assemblée révolutionnaire, le Collège de pharmacie – c’est alors son nom – poursuit ses activités bon an mal an jusqu’au 30 ventôse an IV (20 mars 1796), date à laquelle il se scinde en deux entités distinctes quoique interdépendantes : une société savante (la Société libre des pharmaciens de Paris) et un établissement d’enseignement (l’Ecole gratuite de pharmacie, créée par décret du 30 floréal an IV, soit le 19 mai 1796. Ainsi deux professeurs titulaires et quatre démonstrateurs adjoints (chimie, pharmacie, botanique et histoire naturelle), issus de la Société libre, composent le personnel enseignant de l’Ecole gratuite de pharmacie.
Si la finalité reste avant tout pédagogique, la Société libre des pharmaciens de Paris est déjà une société savante au plein sens du terme, « utile aux sciences et au soulagement de l’humanité », et regroupe « en son sein […] les savants de toutes parties de la République ».
En 1797, la Société libre se dote d’un organe d’information, le Journal de la Société des pharmaciens de Paris ou Recueil d’observations de chimie et de pharmacie, dont la publication est assurée par Nicolas Deyeux, Nicolas Louis Vauquelin, Antoine Augustin Parmentier et un médecin député très influent, Antoine François de Fourcroy. Ce dernier, nommé directeur de l’Instruction publique par Bonaparte, est à l’initiative quelques années plus tard de la fameuse loi du 21 germinal an XI (11 avril 1803), dont nous commémorons également le bicentenaire cette année. Entre autres nouveautés, l’Etat français prend désormais à sa charge l’enseignement pharmaceutique, tant à Paris qu’à Montpellier et Strasbourg.
Déchargée de facto de la formation professionnelle, la Société libre des pharmaciens de Paris se transforme quatre mois plus tard en société à vocation exclusivement savante : le 15 thermidor an XI (8 août 1803) marque ainsi la naissance de la Société de pharmacie de Paris, ancêtre directe de l’Académie nationale. Il y a donc tout juste 200 ans.
Reconnue d’utilité publique le 5 octobre 1877, la Société de pharmacie de Paris se transforme successivement en Académie de pharmacie le 5 septembre 1946, puis en Académie nationale le 9 octobre 1979. Mais, en dépit de ces changements d’identité successifs, son fonctionnement général n’a guère été affecté et le cérémonial des réunions demeure immuable.
Depuis le 3 novembre 1803, date de sa première séance solennelle, l’assemblée se réunit en effet chaque mois dans la salle des actes de l’ancien Collège de pharmacie, transférée en 1882 dans les locaux de la faculté de l’avenue de l’Observatoire. L’Académie compte 90 membres titulaires répartis en 5 sections (sciences physiques et chimiques, sciences pharmacologiques, sciences biologiques, sciences pharmaceutiques et juridiques appliquées à l’industrie, sciences pharmaceutiques et juridiques appliquées à la dispensation des médicaments) de 18 membres. Auxquels il faut ajouter 15 associés libres, 120 correspondants nationaux et 75 étrangers. Le nombre de membres honoraires (académiciens ayant siégé au moins 20 ans) est quant à lui illimité.
Pour être autorisé à postuler, un candidat doit être coopté par au moins quatre académiciens et avoir présenté au préalable un mémoire ou une observation à caractère scientifique devant l’assemblée. Si un siège vient à se libérer, sa candidature est ensuite soumise au vote. Le candidat est élu s’il recueille au moins les trois quarts des suffrages.
Les affaires courantes de l’Académie sont réglées par un conseil d’administration de 22 membres. Chaque année, celui-ci désigne en son sein un bureau composé d’un président et d’un vice-président, d’un secrétaire général, d’un trésorier et de leurs adjoints, et d’un secrétaire de séance. Pour 2003, le fauteuil de président est occupé par Pierre Joly, également président de la Fondation pour la recherche médicale. Il succède à ce poste à une pléiade de pharmaciens célèbres, à commencer par le premier d’entre eux, l’illustre Antoine Augustin Parmentier nommé président en 1803.
Pour le progrès des sciences pharmaceutiques.
L’Académie est une société savante. Autant dire que ses membres sont bénévoles et que leurs activités académiques sont totalement désintéressées. L’objectif commun est de « travailler au progrès des sciences et des techniques des domaines de la pharmacie : médicament, officine, biologie médicale, industrie pharmaceutique, enseignement, recherche scientifique, aspects juridiques et éthiques, environnement, hygiène, protection de la santé publique… ». Les séances donnent lieu à des communications orales, qui sont ensuite intégralement retranscrites dans l’organe officiel de l’Académie, Les Actualités pharmaceutiques françaises, dont la parution, supervisée par Masson, est bimestrielle.
Rappelons que de nombreuses découvertes importantes ont été révélées dans le cadre des séances de la société savante : découverte de la quinine par Joseph Pelletier et Joseph Caventou, de la caféine et de la codéine par Pierre-Jean Robiquet, de la colchicine par Alfred Houdé, du fluor par Henri Moissan, etc.
En 1844, la Société de pharmacie de Paris mettait au concours une question relative aux principes actifs éventuels de la digitale pourpre. Le jury récompensa le Dr Augustin-Eugène Homolle, au grand mécontentement de Claude-Adolphe Nativelle qui contesta la décision. Quelques années plus tard, le pugnace chercheur isolait la digitaline…
L’Académie exerce également une activité de conseil auprès des autorités de tutelle, à commencer bien sûr par le ministère de la Santé, de la Famille et des Personnes handicapées. Ces dernières années, des rapports sur le bilan et les perspectives de la thérapie génique, ou encore sur la situation et l’avenir des métiers de la pharmacie, ont permis d’éclairer plusieurs grands débats de société.
Autre tâche incombant à la docte institution : l’évaluation permanente des recherches menées dans le cadre de la profession pharmaceutique. A cette fin, elle procède chaque année à la remise de nombreux prix visant à récompenser des thèses d’étudiants ou des travaux de chercheurs confirmés. Ces récompenses sont décernées solennellement à l’occasion de la dernière séance annuelle.
L’activité éditoriale ne se limite pas aux Actualités pharmaceutiques françaises. Fruit d’un travail collectif coordonné par le professeur Pierre Delaveau, un important Dictionnaire des sciences pharmaceutiques et biologiques a vu le jour en 1997. Publiée à l’origine en trois tomes chez Louis Pariente, rééditée en un seul tome en 2001, cette somme de 1 680 pages réunit plus de 20 000 entrées visant « à rassembler de façon encyclopédique le plus de données scientifiques et administratives concernant le vaste territoire du médicament ».
De nouveaux défis.
Enfin, récemment, l’Académie nationale de pharmacie s’est dotée d’un site Internet (http://www.acadpharm.org) et d’un service intranet. L’initiative, intéressante, mérite néanmoins d’être pérennisée dans le temps. Les mises à jour laissent en effet à désirer.
Au bout de deux cents ans d’une existence bien remplie et en ce début de XXIe siècle, de nouveaux défis attendent l’Académie nationale de pharmacie. A l’instar de l’ensemble des sociétés savantes, survivra-t-elle à moyen terme aux mutations d’une société toujours plus perméable à l’idéologie marchande et aux préceptes de rentabilité ? Parviendra-t-elle également à juguler la mainmise de la langue anglaise sur les échanges scientifiques internationaux ? Il faut l’espérer. La foi de ses membres est en tout cas intacte. Bon anniversaire !
A NOTER : LES PRIX DE L’ACADÉMIE
Chaque année, l’Académie nationale de pharmacie récompense de nombreux travaux d’étudiants et de chercheurs. Une tradition qui remonte à 1805, date à laquelle fut institué un concours portant sur la théorie et la pratique de la pharmacie, la chimie, la botanique, l’histoire naturelle et la matière médicale. Louis Pasteur fut ainsi honoré en 1853 pour ses travaux sur l’acide tartrique racémique. De nos jours, l’Académie décerne annuellement plus d’une vingtaine de prix dotés de sommes oscillant entre 380 et 3 800 euros. Parmi les donateurs, on note par exemple l’ordre national des pharmaciens, le LEEM, le Comité d’éducation sanitaire et sociale, l’association Cyclamed, la Société d’histoire de la pharmacie ou le laboratoire Sanofi-Synthélabo. Pour postuler ou en savoir plus, il suffit de contacter le secrétariat de l’Académie nationale de pharmacie, 4, avenue de l’Observatoire, 75270 Paris Cedex 06 (courriel : info@acadpharm.org).
La salle des actes
Depuis 1882, les académiciens se réunissent chaque premier mercredi du mois dans la salle des actes de la faculté de pharmacie de Paris. Depuis 121 ans, seules deux séances – celles du 7 octobre 1914 et du 5 juin 1968 – n’ont pas pu s’y tenir, en raison de contextes politiques troublés. Construite selon le modèle de l’ancienne salle d’assemblée de la Communauté des maîtres apothicaires et épiciers de Paris, la salle des actes demeure chargée d’histoire et a été restaurée en 1995. On peut y admirer en particulier la cheminée en bois sculpté doré et peint datant du milieu des années 1660, la grande table en fer à cheval de 1811 et ses fauteuils en gondole. Sans oublier bien sûr les 90 portraits représentant des pharmaciens éminents ou parfois anonymes, parmi lesquels Houel, Parmentier, Caventou, Pelletier, Moissan, Vauquelin, etc. Un fort bel écrin pour l’Académie !
A SAVOIR : L’ÂGE DU CAPITAINE
L’âge moyen d’élection à l’Académie de pharmacie n’a cessé d’augmenter au fil des décennies. Il était de 29 ans en 1825, 34 ans en 1860, 39 ans en 1910, 48,5 ans en 1955, et 55 ans en 1981. Autant dire que la performance de Joseph Pelletier n’est pas près d’être égalée : le futur découvreur de la strychnine et de la quinine entra en effet dans le cénacle à 23 ans, en 1811. Sa mort, en 1842, l’empêcha néanmoins de s’imposer en termes de longévité. A ce jour, le record demeure détenu par le botaniste André Guillaumin, qui siégea à l’Académie pendant… 67 ans.
Parmentier, premier président
Inspecteur général du service de santé militaire, membre du Conseil de salubrité et de l’Académie des sciences, Antoine Augustin Parmentier (1737-1813) fut le premier président de la Société de pharmacie de Paris en 1803. Le choix de cette personnalité indiscutable, artisan infatigable du bien alimentaire de l’Humanité et promoteur de la pomme de terre en France, n’était évidemment pas anodin.
Elu à ses côtés à la vice-présidence, Nicolas Louis Vauquelin (1763-1829) lui succéda l’année suivante. L’ancien élève de Fourcroy, et co-inspirateur de la loi de germinal an XI, cumula alors les fonctions de directeur de l’Ecole de pharmacie et de président de la Société de pharmacie de Paris. Les liens entre les deux entités étaient ainsi maintenus et confirmés. Ils le demeurent, puisque le siège de l’Académie nationale de pharmacie se situe dans les locaux de la faculté de Paris-V.
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