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La Rosp et ses épines
Elles constituent une goutte d’eau dans leur rétribution et peuvent se révéler chronophages. Les rémunérations sur objectifs de santé publique sont moyennement appréciées par les pharmaciens. Explications.
Ces dernières années, les rémunérations sur objectifs de santé publique (Rosp) des pharmaciens ont tendance à fondre comme neige au soleil. Depuis un pic à 206 M€ en 2019, ce dispositif financé par l’Assurance maladie n’a cessé de voir sa part diminuer pour décrocher à 86,90 M€ en 2022 et à 91,60 M€ en 2023.
Tu t’es vu quand t’as la BUPS
La Rosp « Génériques » est montée en puissance depuis 2013 pour atteindre son point culminant à 164,80 M€ en 2018. Elle s’est ensuite réduite comme peau de chagrin jusqu’à une année blanche en 2022 : elle avait été, en effet, neutralisée le temps d’intégrer comme indicateur socle la Rosp « Bon usage des produits de santé » (BUPS) créée dans la foulée de la convention pharmaceutique signée en mars 2022. « Mais comme sur la nouvelle liste ne figurent que quatre molécules, dont trois étaient très régulièrement en rupture de stock, le montant généré en 2023 n’était que de 5,70 M€, très loin des 10 M€ attendus », souligne Julien Chauvin, président de la commission études et stratégie économiques de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF).
Dans sa nouvelle mouture, la Rosp BUPS intègre un deuxième indicateur socle : l’adhésion à la démarche qualité mise en place par le Haut Comité qualité officine. « Elle comprend aussi trois indicateurs complémentaires. Le premier, la pénétration des médicaments génériques sans obligation de substitution, deux ans après l’échéance de leur brevet, a été mis en place pour inciter les pharmaciens à augmenter rapidement leur activité en matière de substitution (voir tableau page 17). Pour les deux autres, la stabilité de la délivrance de médicaments génériques pour les patients de 75 ans et le taux de recours du motif urgence de substitution, les pharmaciens ont obtenu leur neutralisation en 2023 car les objectifs étaient inatteignables avec la multiplication des ruptures de stock », précise Guillaume Racle, conseiller à l’économie et à l’offre de santé de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO).
Le « numérique » manque de numéraire
Après un début timide en 2017 à 4,20 M€, la Rosp « Numérique et accès aux soins » (NUM), qui a remplacé l’ex-Rosp « Qualité de service » (QS), n’a, elle, cessé de progresser jusqu’en 2022, où elle a atteint 86,60 M€. En 2023, elle a légèrement baissé à 81,20 M€. « Cette nouvelle Rosp n’est malheureusement pas en rapport avec ce que l’on gagnait autrefois pour la qualité de service, les montants étant de cinq à neuf fois inférieurs en fonction des pharmacies », regrette Julien Chauvin. La Rosp NUM est fondée sur cinq indicateurs socles, sept complémentaires et sur une batterie de sous-indicateurs, rendant le tout difficilement lisible (voir tableau page 18). D’autant que certains ont, là aussi, été neutralisés comme la participation à un exercice coordonné, la possession d’un logiciel d’aide à la dispensation (LAD) certifié « Haute Autorité de santé » (HAS), les 70 % de délivrance via l’ordonnance numérique ou l’utilisation de la messagerie sécurisée de santé (MSS). Dans cette Rosp NUM, c’est l’indicateur complémentaire portant sur le taux de feuilles de soins électroniques (FSE) transmises en Sesam-Vitale qui génère les plus gros volumes de rémunération. « Pour une officine moyenne, cela représente environ 2 000 € par an », énonce Guillaume Racle.
La remise des kits de dépistage du cancer colorectal dans les officines a, elle aussi, au départ, été rémunérée sous forme de Rosp à hauteur de 4,70 M€ en 2023, chaque kit distribué étant payé 5 € aux pharmaciens. « Depuis le mois de janvier 2024, le mode de rémunération a changé. La Rosp a disparu au profit d’un code acte de dispensation valorisé à 3 €, qui peut être complété d’un reversement supplémentaire sous forme de Rosp de 2 € lorsque le kit a été utilisé correctement et envoyé dans les centres de dépistage. Ce nouveau système est donc pénalisant pour les pharmaciens, alors que 5 €, ce n’était déjà pas cher payé… », considère Julien Chauvin.
Sur le papier, « le mécanisme de la Rosp est intéressant puisqu’il conditionne la rémunération des pharmaciens à l’atteinte d’un certain nombre d’objectifs visant à améliorer la qualité des soins ou la performance. Donc sur le plan intellectuel, c’est une démarche stimulante », estime Guillaume Racle. « Une Rosp peut aussi être pertinente pour encourager les pharmaciens à adopter une version certifiée “Ségur du numérique” de leur logiciel de gestion d’officine (LGO) ou à s’équiper pour proposer de la téléconsultation aux patients », ajoute Julien Chauvin. Mais, dans la pratique, les représentants des syndicats de pharmaciens émettent aussi beaucoup de réserves. « Souvent, les pharmaciens doivent apporter les justificatifs de leur activité, pour une rémunération payée un an plus tard. En outre, elle constitue une goutte d’eau par rapport aux 7,1 milliards d’euros de rémunération globale perçus par les officines en 2023. La plupart des Rosp fonctionnent sur la base de forfaits, ce qui signifie que la rémunération n’est pas toujours proportionnelle à l’activité des officines. Finalement, les pharmaciens les apprécient très moyennement, surtout lorsqu’elles sont liées à la dispensation de médicaments », explique Valérian Ponsinet, président de la commission convention et système d’information de la FSPF. Autre frein dénoncé par les syndicats : les difficultés de l’Assurance maladie « à détailler le contenu de nos Rosp. Le système se révèle très peu lisible et difficilement contrôlable », note Julien Chauvin.
Le pot aux Rosp de la rémunération
Si les Rosp ne séduisent pas, c’est essentiellement pour des raisons financières. « Les pharmaciens veulent être payés sous forme d’honoraires intégrés à l’acte, au moment où ils font leur travail, et non un an plus tard. Nous serions même prêts à accepter la suppression des Rosp contre une juste revalorisation des honoraires de dispensation parce que ce mode de rémunération est immédiat », explique Julien Chauvin. Pour beaucoup, le recours aux Rosp devrait ainsi être circonscrit à une mission et pour une durée précise. « Lorsque l’Assurance maladie souhaite déployer rapidement un nouveau service, nous ne sommes pas contre la mise en place d’une Rosp, mais de manière transitoire, le temps de développer les codes actes ».
Sujet sensible, la question des Rosp a été abordée avec l’Assurance maladie dans le cadre des négociations conventionnelles sur le volet économique qui se déroulent actuellement. « A la FSPF, nous avons demandé le maintien de la Rosp NUM pendant toute la vague 2 du Ségur du numérique qui n’a pas encore démarré. Nous souhaiterions aussi qu’elle soit mieux valorisée, en rémunérant par exemple les pharmaciens à l’acte, pour x documents “téléversés” sur le dossier médical partagé (DMP), car certaines tâches administratives sont chronophages », confie Valérian Ponsinet.
Y voir plus clair
De son côté, l’USPO a demandé la mise en place d’une nouvelle Rosp ciblant la responsabilité sociétale des entreprises (RSE). « Elle pourrait fonctionner sur un mode identique à celle de la qualité de service, avec une autoévaluation par le pharmacien et la mise en place de procédures. Nous avons également milité pour la pérennisation de l’expérimentation sur la dispensation adaptée menée entre 2019 et 2021 et payée sous forme de Rosp. Cela irait dans le sens du bon usage du médicament et de la sobriété médicamenteuse », souligne Guillaume Racle. Le syndicat a également porté trois autres sujets. « Nous avons demandé officiellement, par courrier à Thomas Fatôme, directeur général de la Caisse nationale de l’Assurance maladie (Cnam), l’application de la neutralisation des factures dégradées pour les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), l’aide médicale de l’Etat (AME) et les nouveau-nés. C’était écrit dans la convention, mais pas pris en compte par la Cnam. Certains pharmaciens ont été lésés financièrement. Nous avons aussi exprimé le besoin d’une meilleure lisibilité et de davantage de contrôle des Rosp, avec la possibilité de suivre le détail des indicateurs et des sous-indicateurs tout au long de l’année. Enfin, nous recommandons la mise en place d’un règlement identique à celui des médecins, sous forme d’avances trimestrielles avec une régularisation en fin d’année. Le sujet du paiement à N+1 constitue un point de blocage pour beaucoup de pharmaciens… Il serait dans l’intérêt de tous de le lever », suggère Guillaume Racle.
91,6 M€
C’est le montant des Rosp qui a été versé aux pharmaciens en 2023, soit en moyenne environ 4500 euros par officine.
À retenir
– En 2023, la rémunération sur objectif de santé publique (Rosp) « Bon usage des produits de santé » (BUPS) a généré 5,70 M€, soit deux fois moins que la somme attendue.
– Avec 81,20 M€ de montant généré, la Rosp « Numérique et accès aux soins » (NUM), qui a remplacé la Rosp « Qualité de service » (QS), est moins rémunératrice qu’avant pour les pharmaciens.
– Payés à N+1, les pharmaciens apprécient très moyennement les Rosp. Un règlement sous forme d’avances trimestrielles, avec une régularisation de fin d’année, leur permettrait de mieux accepter ce mode de rémunération.
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