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La résistance à l’épreuve
Les chiffres en 2019 et sur les premiers mois de 2020 de l’économie officinale attestent de la capacité de résistance des pharmacies. Entre l’enracinement prévisible de la pandémie de Covid-19 et les mesures gouvernementales concoctées pour 2021, elles risquent cependant d’être mises à rude épreuve. Une fois de plus.
Dépistage, pharmacien correspondant, portage à domicile ou télésoin, la crise sanitaire nous aura appris que les nouvelles missions pharmaceutiques développées pendant la pandémie correspondent à de réels besoins.
Sur le plan économique, les experts-comptables font le même constat : la santé des officines a été sauvegardée. Entre le pic d’activité au moment de l’annonce du confinement et la baisse du trafic qui a suivi, entre la crainte des patients de consulter leur médecin et les achats de précaution, le chiffre d’affaires (CA) des officines s’en sort à bon compte. Globalement. Certaines ont dû solliciter les subventions dirigées vers les plus petites entreprises et les aides spécifiques de l’Assurance maladie (voir p. 24).
Les pharmaciens sont parvenus à juguler les effets de la pandémie sur leur bilan officinal, mais pour Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), une nouvelle vague se profile pour 2021, plus redoutable encore que celle liée au Covid : celle qui sera provoquée par les conséquences des mesures gouvernementales qu’il qualifie de « sanctions financières » pour l’officine.
Le plus dur reste-t-il à venir ?
Alors que la réforme quinquennale de la rémunération prévue dans la convention nationale pharmaceutique s’apprête à marquer une pause pour les deux ans restant à courir (même si l’avenant n° 11 prévoit l’ouverture de négociations en 2021 dans les deux mois en cas de dérapage observé au printemps prochain des comptes de l’année 2020), Philippe Besset appelle de toute urgence à la tenue d’un « Ségur de la ville » pour trouver, avec le gouvernement, des compensations.
Pour Gilles Bonnefond, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO), la crise sanitaire a, au contraire, constitué un nouveau test démontrant la robustesse de la nouvelle rémunération, ce qui le conforte à poursuivre le travail de prospection sur un nouveau cycle de réforme de trois ans à partir de janvier 2021. Dans la continuité de l’avenant n° 11 et toujours dans le même but : renforcer le rôle de professionnel de santé du pharmacien et le déconnecter encore plus de la rémunération des prix et des volumes.
CONTRIBUTEURS
PHILIPPE BESSET (FSPF)
GILLES BONNEFOND (USPO)
L’analyse
Comme pour l’année 2018, le CA des différents acteurs de la chaîne de distribution du médicament s’inscrit à la hausse. Chaque maillon bénéficie de l’effet prix et de l’effet volume favorables engendrés par les sorties de produits de la réserve hospitalière et le développement des produits chers. D’une manière générale, les flux transitent chaque année un peu plus par les grossistes, en particulier ceux des médicaments remboursables hors Répertoire et des médicaments génériques, ce qui explique que leurs performances sont meilleures que les ventes directes qui cèdent du terrain surtout sur les génériques. Concernant la distribution des princeps inscrits au Répertoire (dits médicaments référents), les ventes indirectes ont nettement inversé la tendance (+ 8,68 % en 2019 contre – 20,42 % en 2018). Faut-il y voir la conséquence du développement des tarifs forfaitaires de responsabilité (TFR) et des stratégies des princeps d’aligner leurs prix sur ceux des génériques ? Le score plus en retrait des ventes directes sur les médicaments hors Répertoire (+ 2,71 % en 2019 contre + 8,61 % en 2018) est une indication en faveur d’un rééquilibrage des flux des médicaments chers entre le direct et les répartiteurs. L’évolution du CA des pharmacies (- 0,72 %) peut paraître déconnectée de la tendance générale, mais cela n’a rien d’anormal car les données transmises par la Chambre syndicale de la répartition pharmaceutique (CSRP) n’intègrent que l’honoraire à la boîte, les trois nouveaux honoraires de dispensation créés en 2019 n’étant pas comptabilisés.
L’analyse
– 15 % pour la pharmacie ! Que l’on se rassure, cette évolution de marge ne comprend que l’honoraire à la boîte et ne tient pas compte de la dernière étape de la réforme de la rémunération des officines avec l’introduction en 2019 des honoraires de dispensation à l’ordonnance, des médicaments spécifiques, ainsi que liés à l’âge. Or, cette création correspond à un transfert de 700 M € de la marge lissée vers ces trois nouveaux honoraires (source : rapport de la Commission des comptes de la Sécurité sociale).
L’analyse
La crise liée à la pandémie de Covid-19 a cassé la dynamique du marché qui reste néanmoins positive pour les industriels et les ventes directes, dans un contexte où les ruptures et tensions sur les stocks ont été plus nombreuses. La diminution du CA de la pharmacie est calculée par rapport à la même période de 2019. La comparaison n’est plus biaisée par l’introduction des nouveaux honoraires. La baisse des unités en 2020 entraîne mécaniquement une réduction des honoraires à la boîte. Avec celle des honoraires pour ordonnances complexes au 1er janvier 2020, on comprend mieux la baisse du CA remboursable du réseau officinal.
L’analyse
Sur les 219 officines qui ont baissé définitivement le rideau de fer en 2019, 52,5 % des fermetures d’officines en 2019 ont été contraintes (source : Ordre national des pharmaciens). Il s’agit soit d’une restitution simple de la licence à l’agence régionale de santé (ARS), lorsqu’il n’y pas de repreneur, soit d’une liquidation judiciaire. Celleci représente 7,8 % des fermetures d’officines en 2019, contre 5,9 % en 2018. La proportion grandissante de liquidations judiciaires directes est révélatrice d’officines qui ont sans doute trop attendu pour se déclarer en cessation de paiement. Les nouvelles entrées en liquidation judiciaire ont augmenté de 6,8 % en 2019 d’après les statistiques établies par Interfimo. Ce nombre devrait toutefois diminuer dans les années à venir compte tenu de la baisse tendancielle des ouvertures de procédures collectives. Cette décélération a augmenté au cours du premier semestre 2020, alors que la crise sanitaire aurait pu provoquer l’effet inverse. Globalement, les ouvertures de procédures collectives enregistrent une chute de 40 % par rapport à fin juin 2019 (37 procédures versus 62 sur la même période de 2018). Les plans de sauvegardes sont les procédures qui ont le plus diminué en nombre (4 recensées sur les six premiers mois de l’année, – 67 %), devant les redressements (11, – 39 % d’évolution) et les liquidations (22, – 31 % d’évolution). L’amélioration estelle aussi forte qu’il y paraît ? Les différentes pistes offertes par les mesures d’accompagnement aux entreprises et donc aux pharmacies pour passer le cap du confinement ont certainement contribué à éviter des dépôts de bilan. Selon une enquête de Fiducial, auprès de 498 officines clientes, 25 % ont demandé un report de leurs cotisations des travailleurs non salariés (TNS) et 18 % de l’échéance de leur emprunt. 9 % ont souscrit un prêt garanti par l’Etat (PGE), tandis que 14 % ont recouru au chômage partiel. Le groupement CGP annonce des chiffres équivalents : 80 % des pharmacies clientes de ce réseau ont demandé un report de leurs cotisations TNS, 24 % de l’échéance de leur emprunt, 10 % ont souscrit un PGE et 10 % ont recouru au chômage partiel.
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