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« La messe n’est pas dite »
Président du groupe d’études « Médicament et produits de santé » à l’Asse mblée nationale, le député UMP Yves Bur est l’un des parlementaires qui connaissent le mieux le médicament. Il est d’ailleurs très souvent intervenu lors des débats sur le PLFSS 2008. Ses propos sont à la fois inquiétants… et rassurants.
« Le Moniteur » : Le gouvernement souhaite des regroupements car, dit-il, les petites officines ne pourront rendre les futurs services que l’on en attend. C’est votre avis ?
Yves Bur : Je suis élu d’une région ou le quorum est plus élevé qu’ailleurs. Or les pharmaciens alsaciens vivent bien, même très bien. En France, nous avons la fâcheuse habitude de tout vouloir à proximité sous prétexte de qualité. Or notre système de santé ne marche pas bien et reste très coûteux. Je comprends donc la volonté du gouvernement d’optimiser les dépenses et le coût de la distribution, sans trop déstabiliser le service de proximité. Il existe une marge entre une officine par village et la capacité de servir une population sur un territoire donné.
Ce sont souvent des élus qui font le forcing pour avoir une officine dans leur village…
Les élus n’ont pas toujours raison. Ils demandent aussi des trésoreries où personne ne va, des tribunaux où l’on ne juge plus… Les élus sont plus conservateurs que les Français !
Les pharmaciens doivent donc s’attendre à des baisses de marge sur le remboursable ?
La baisse des marges de la distribution est l’un des objectifs du gouvernement et les syndicats et l’Ordre en sont conscients. Au Parlement, nous nous interrogeons : le fait d’avoir des officines avec des CA plus élevés ne permettrait-il pas d’accepter plus facilement des baisses de marges ?
Certains députés sont intervenus en rappelant le souhait de Nicolas Sarkozy d’en finir avec le numerus clausus. Sa suppression est envisageable ?
Notre système administré montre beaucoup de faiblesses car l’Etat est un piètre gestionnaire de la ressource humaine, y compris pour les professions réglementées. Mais il faudra bien un jour choisir entre réglementation ou déréglementation. Tout en se disant que déréglementer conduira ici à la disparition d’officines qui n’auront pas pu tenir le coup face à celles qui auront davantage de surface et proposeront plus de services. Mais, après tout, le système allemand fonctionne bien…
Roselyne Bachelot a récemment déclaré que les franchises visaient « les dépenses les plus dérivantes ». C’est donc aussi un outil de régulation ?
Evidemment. Nous consommons trop de médicaments et nous devons donc mieux réguler ce poste de dépenses, même si cela doit avoir un impact sur le revenu des pharmaciens. Nous avons conscience que la régulation aura encore des répercussions sur leur CA et leur marges. Mais nous ne pouvons pas y échapper.
Les officinaux sont furieux de votre amendement au PLFSS sur les grosses boîtes. Que leur répondez-vous ?
On me dit que ce n’est pas bon en termes de santé publique, mais je persiste : délivrer une boîte de 90 au lieu de 3 boîtes de 30 à des patients dont le traitement au long cours ne varie guère est une bonne chose. Ne rien changer, c’est certainement la meilleure chose pour satisfaire tout le monde.
L’équilibre de la Sécu était prévu pour 2007. Nous en sommes loin…
Deux pistes sont possibles. La première consiste à augmenter les recettes, donc la contribution de tous les Français. Pour cela, il faudrait leur demander chaque année 0,2 point de plus. La seconde consiste à réguler plus efficacement les dépenses. En France, l’objectif est trop souvent d’atténuer les déficits plutôt que de les supprimer. Tout ça, parce que l’on ne veut faire de mal à personne. En Allemagne, la culture est différente, on corrige immédiatement par des mesures assez drastiques.
On attend toujours le texte d’application sur les renouvellements d’ordonnances…
Un exemple de plus du corporatisme médical. De ce point de vue, le PLFSS est un signal fort vers les professions de santé, et à travers eux vers les Français : on ne relèvera pas le défi de la santé à l’horizon 2020 avec les méthodes des années 90. Il faut que la profession médicale s’ouvre davantage, accepte d’évoluer et de partager ses compétences avec les infirmières, les pharmaciens…
Il y a trois ans, vous vous disiez favorable à l’OTC en libre accès. Vous devez être ravi ?
La profession s’est montrée longtemps frileuse sur le sujet. Elle l’est encore. Rester sur ses positions n’est pas une garantie de ne pas voir s’échapper une partie des produits de santé. Les officinaux feraient mieux de bouger et le libre accès leur en donne l’occasion. Le dossier pharmaceutique permettra au pharmacien de tempérer le risque lié à l’automédication. Avec cet outil, son rôle apparaîtra encore plus essentiel.
Pensez-vous que le médicament sortira de la pharmacie ?
Non. Je ne pense pas que la messe soit dite. L’Europe n’imposera pas cela. Mais, encore une fois, conserver l’existant sans rien bouger et rester sur la défensive est la meilleure manière de passer du tout au rien !
Comme Nicolas Sarkozy, vous disiez en 2004 que dès qu’il y a monopole, il y a rente de situation. Seriez-vous pour la fin du monopole ?
Pensez-vous aujourd’hui que la profession soit assez dynamique pour l’éviter ?
Seriez-vous favorable à l’ouverture du capital ?
Je ne suis pas sûr non plus que l’on en arrive là. Ce qui est en revanche problématique, c’est le prix d’achat prohibitif d’une pharmacie. Les pharmaciens ne peuvent pas justifier des marges élevées par le simple fait qu’ils ont acheté des fonds très chers et que l’assurance maladie, donc les Français, doit contribuer à valoriser ce fonds et donc le capital retraite de chaque génération de pharmacien. Il y a là un véritable problème, bien plus aigu que l’ouverture du capital.
Le DMP est un raté. Alors on lorgne sur le DP. On sait retrouver les pharmaciens quand on a besoin d’eux…
Les pharmaciens ont eu, à travers le DP, l’intelligence de ne compter que sur eux-mêmes. Autant anticiper et être maître de son outil de travail. C’est une notion qui m’est chère. Lorsqu’une profession veut se prendre en main, elle le fait au meilleur prix, contrairement à bien d’autres dispositifs pilotés par l’Etat qui s’avèrent malheureusement incapables de faire simple et efficace.
Les marges arrière représentent un tiers du bénéfice officinal. Qu’en pensez-vous ?
Comment les pharmaciens ont-ils pu croire qu’un tel système pouvait perdurer ? Ils ont été d’une grande naïveté. Le reproche que je fais d’ailleurs aux responsables professionnels, c’est de croire ou d’avoir laissé croire qu’une politique conjoncturelle pouvait devenir structurelle. En Allemagne, les pharmaciens sont rémunérés avec le même forfait à la boîte, que ce soit pour la délivrance d’un princeps ou d’un générique. Pour autant, les génériques doivent se développer encore davantage. Deux possibilités pour y parvenir : libérer totalement le marché et inciter les médecins à prescrire plus de génériques. Dans le premier cas, c’est la concurrence qui fixera le prix. Dans le second, il serait bon que les pharmaciens ne soient plus les seuls à inciter les patients à prendre des génériques.
Vous militez pour les réseaux de santé. Comment faire pour que les pharmaciens y soient plus présents ?
Les institutions seront-elles capables de prendre en charge le vieillissement et la dépendance de toutes les personnes qui seront concernées dans 10 ou 15 ans ? Je ne crois pas. Il y a donc là un formidable champ d’implication pour les pharmaciens. Pourquoi multiplier les interlocuteurs pour la personne en ALD ou la personne âgée dépendante ? De par sa situation, le pharmacien peut être un des points d’ancrage dans les réseaux de santé. Voilà des pistes de développement. Le coeur de métier de l’officine pourrait même, à terme, en être changé.
Quels conseils donneriez-vous aujourd’hui aux officinaux les plus inquiets ?
La peur est, on le sait, mauvaise conseillère. Il nous faut ensuite mieux comprendre les pharmaciens et cela passe par beaucoup de discussions avec eux pour aller au coeur de leurs problèmes. Mais, soyons clairs, cela ne peut pas se limiter à une affaire de tiroir-caisse. C’est dans le mouvement que l’officine augmentera sa place et sa présence dans la prise en charge des patients. Très sincèrement, ils ont vraiment un rôle à jouer majeur, notamment avec le vieillissement de la population.
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