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LA HAS INCITE À PORTER UN REGARD CRITIQUE
En avril dernier, la Haute Autorité de santé a mis en ligne une traduction d’un manuel édité par l’OMS, « Comprendre la promotion pharmaceutique et y répondre ». Cet ouvrage a pour objectif d’aider médecins et pharmaciens à mieux analyser promotion et publicité des médicaments. Et à faire face aux demandes des patients.
L’information est pratiquement passée inaperçue. En avril dernier, la Haute Autorité de santé (HAS) a mis en ligne la traduction d’un manuel pratique « Comprendre la promotion pharmaceutique et y répondre » (1), édité par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et Action internationale pour la santé (HAI). Comme le titre de l’ouvrage l’indique, il traite d’un sujet très sensible : la promotion des médicaments faite par les laboratoires auprès des professionnels de santé. « Les professionnels de santé tels que les médecins et les pharmaciens jouent un rôle clé pour garantir l’utilisation appropriée des médicaments », lit-on dans la préface. « Toutefois, ces dernières années, un motif croissant de préoccupation a attiré l’attention sur les relations entre les professionnels de santé et l’industrie pharmaceutique – en particulier l’influence de l’industrie sur la prescription et la délivrance des médicaments au moyen d’une gamme d’outils promotionnels susceptibles d’influer sur les choix thérapeutiques. » Or, la promotion pharmaceutique, son évaluation et sa compréhension ne font pas partie de la formation reçue par ces mêmes professionnels de santé lors de leurs études. L’objectif de l’ouvrage est donc d’aider enseignants, étudiants et professionnels à mieux analyser les informations et la communication des laboratoires, avoir un regard critique et, par conséquent, à mieux prescrire et délivrer. Le manuel comporte ainsi des sessions de travaux pratiques à la fin de certains chapitres (2).
Dévoiler le « programme d’étude caché »
Publicités dans les revues médicales, visite médicale, promotion destinée au grand public, conflits d’intérêt, indépendance de l’information, confiance des patients… « Ce manuel vise à dévoiler ce “programme d’étude caché”, lit-on dans le premier chapitre. De nombreux professionnels de santé sous-estiment les effets de la promotion pharmaceutique sur leurs opinions et leur pratique professionnelle ». Seul bémol : les études sur la promotion pharmaceutique (dépenses, perception des professionnels de santé), ainsi que les exemples de publicité sont notamment anglo-saxons. De fait, la HAS met en garde les lecteurs français sur la page de son site Internet où l’on peut télécharger le document : « les utilisateurs du manuel devront avoir à l’esprit que le contexte français, et particulièrement la réglementation de la promotion, ne permet pas une transposition intégrale de toutes les situations décrites ».
La publicité influence la demande des patients
Le chapitre sur la « promotion destinée au grand public : répondre aux demandes des patients » peut ainsi intéresser les pharmaciens face à leurs clients qui réclament un médicament après avoir vu une publicité à la télévision. « Il est important que les professionnels de santé comprennent les mécanismes sous-jacents aux demandes des patients influencées par la promotion et développent des réponses appropriées », expliquent les auteurs. L’un des objectifs de ce chapitre est donc d’aider les professionnels de santé à trouver des stratégies permettant de répondre à des patients « guidés » par des messages publicitaires. Par exemple, il est conseillé de déplacer « la discussion du médicament vers le patient et ses symptômes ». Les exemples donnés concernent notamment des médicaments soumis à prescription. En France, la publicité est soumise à des règles strictes et porte avant tout sur des médicaments OTC, mais on peut néanmoins penser à certains vaccins ou campagnes sur la dysfonction érectile. Les auteurs du manuel traitent également des campagnes « de sensibilisation » sur une pathologie, mises en œuvre par des laboratoires : « Elles évoquent les symptômes d’une pathologie et suggèrent que les spectateurs ou lecteurs se renseignent auprès de leur médecin sur un nouveau traitement », notent les auteurs. Une stratégie qui fonctionne. Aux Pays-Bas, une campagne télévisuelle sur les onychomycoses a été ainsi menée par Novartis (fabricant de Lamisil) en 2000 et 2001. Aucun nom de marque n’était mentionné, mais la campagne « suggérait fortement de demander à son médecin un traitement pour les mycoses des ongles des orteils », relatent les auteurs. Une analyse des effets sur les consultations et la prescription a ensuite été menée. Résultat : « le taux de prescription pour ce médicament a doublé après le début de la campagne. Les taux de premières consultations ont également augmenté pendant la campagne et sont retombés après ».
Faut-il interdire la promotion pharmaceutique? Les auteurs du manuel ne répondent pas « oui » à cette question. Mais ils rappellent les critères d’éthique de l’OMS, qui fournissent notamment les informations devant figurer dans toute promotion et publicité. Et insistent sur l’importance de la régulation de la promotion pharmaceutique.
(1) Plus de 3 700 chargements de la page « promotion pharmaceutique » fin août (3 semaines dues à un changement du site de la HAS n’ont pas été prises en compte).
(2) Les enseignants et étudiants sont invités à remplir un formulaire d’évaluation afin d’améliorer la prochaine version du manuel.
3 QUESTIONS À
DR CÉDRIC GROUCHKA, MEMBRE DU COLLÈGE DE LA HAS« La HAS pourrait concevoir des documents didactiques adaptés au public français sur la promotion pharmaceutique. »
Pourquoi la HAS a-t-elle décidé de traduire un manuel sur la promotion pharmaceutique ?
L’OMS a publié récemment un manuel destiné à aider les professionnels de santé qui souhaitent aiguiser leur sens critique face à la promotion pharmaceutique. Nous souhaitions nous engager dans cette voie d’aide aux professionnels. Mettre à leur disposition sa traduction nous semblait donc une initiative intéressante.
Pour quelles raisons n’avez-vous pas communiqué sur cette action ?
Nous n’avons pas engagé en effet une démarche proactive de diffusion « ciblée » car le manuel n’est pas adapté au contexte français. Ce manuel s’adresse donc d’abord aux doyens de facultés de pharmacie, à certaines sociétés savantes, aux URPS… qui pourront utiliser avec discernement certains éléments. D’ailleurs, nous aimerions avoir des retours de toutes les parties prenantes pour justement savoir s’il faut poursuivre ce travail dans le contexte français.
Ce manuel est très critique et marqué par la culture anglo-saxonne ne serait-ce que par les exemples de publicité donnés. Est-il réellement adapté aux spécificités françaises ?
Ce manuel est très critique. Mais il ne faut pas tout prendre au pied de la lettre. Car il est exact qu’il n’est pas toujours adapté au contexte français, par exemple concernant la publicité sur les médicaments qui est en France fortement régulée. Si nous voulons engager des actions plus ciblées pour les professionnels, nous devons réfléchir à comment nous pouvons le faire avec l’ensemble des parties prenantes. Pouvons-nous envisager ensuite de faire des recommandations sur la visite médicale ou des fiches conseils ? Pourquoi pas. La HAS pourrait concevoir des documents didactiques plus courts avec des encadrés pratiques, par exemple sur l’utilisation des données et des statistiques dans la publicité. Mais si nous allons plus loin dans cette démarche, nous devons prendre notre temps.
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