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Joindre les soins à la bonne parole

Publié le 24 novembre 2016
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Femme au chômage, dépendante à la Prontalgine et qui envoie sa fille pour en acheter encore ; homme âgé, précaire, asthmatique, ayant du mal à réguler sa consommation de Ventoline ; femme âgée, soignée pour un cancer colo-rectal, de retour chez sa fille, après une courte hospitalisation et sous doses anormalement élevées de morphine… Ces situations ne manquent pas. Vous les connaissez tous ! Il est toujours possible de téléphoner au médecin ou à l’infirmière pour les informer de la situation ou obtenir des explications. Le médecin : « Oui, je sais, je lui en ai déjà parlé, elle m’a dit qu’elle irait consulter l’addictologue avec lequel j’ai pris contact ». L’infirmière : « Je vais essayer de passer chez lui demain et prendre contact avec son médecin ». Alors le pharmacien enchaîne avec un « Voulez-vous que l’on se rencontre pour échanger à son propos ? » Réponse : « Oh ! Je n’ai pas du tout le temps en ce moment ! »… C’est justement à ce moment que l’on éprouve un sentiment de travail inachevé, et que subsiste l’idée qu’« il va falloir faire mieux la prochaine fois ! » Et puis le temps passe… trop vite… Un certain nombre de confrères est déjà engagé dans différents réseaux bien structurés (cancérologie, diabétologie, HAD…) ou dans des expérimentations de type PAERPA (Personnes âgées en risque de perte d’autonomie), là où le courant passe déjà entre divers professionnels. Mais les entrevues sont trop rapides, et ne donnent pas lieu à un véritable partage des points de vue de chacun. Or, la complexité des situations de certains patients demande que l’on se mette autour d’une table, que l’on prenne le temps pour considérer attentivement chaque histoire de vie, et que l’on prenne en compte toutes les dimensions, y compris sociales et économiques, en vue de construire un véritable projet de soins. Chaque histoire de vie exige une pluralité d’approches, la mutualisation des connaissances de chaque professionnel avec sa compétence spécifique et son savoir particulier, au service du patient et au plus près de ses souhaits.

La complexité des relations humaines ne facilite pas non plus cette mise en commun. Nous vivons dans une société qui fait appel à l’individu et non à la personne ; or, l’individu se suffit à lui-même, alors que la personne a besoin d’altérité. Notre monde de la santé n’est pas exempté de ces conformismes, des réorganisations et des incertitudes actuelles. Dans ces conditions, posons-nous la question : comment ouvrir de nouveaux espaces de dialogue au service des patients et du bien commun, alors que la notion fondamentale d’une culture de l’échange et du « vrai soin » n’existe dans aucune formation liée à la santé ? Chacun peut-il prendre conscience de l’importance d’une telle responsabilité commune dans cette aventure d’humanité ?

« La rencontre est la pierre angulaire du soin », comme aime le répéter Bertrand Galichon, urgentiste et président du Centre catholique des médecins français.

Par conséquent, à l’heure où les étudiants demandent une formation universitaire approfondie, il est nécessaire de mettre en place des rencontres interdisciplinaires afin de découvrir, à partir de « mises en questions » de situations réelles, l’intérêt de projets de soins construits à plusieurs ! Et d’expérimenter d’autres lieux de dialogue interprofessionnels, en apprenant à argumenter et approfondir jugements et valeurs, comme celle de percevoir l’enrichissement mutuel né au cours de tels débats. §

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