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Interactions médicamenteuses sur les ordonnances : alerter les médecins « à bon escient »
Des recommandations de bonne pratique médicale à ne pas prendre mécaniquement au pied de la lettre, le trop-plein d’informations sur le patient qui noie le médecin généraliste, des interactions médicamenteuses à faire remonter par les pharmaciens à bon escient : Paul Frappé partage quelques préoccupations de ses confrères omnipraticiens. Il préside le Collège de la médecine générale, instance représentative de la spécialité et de sa diversité et productrice de fiches pratiques et de documents de synthèse pour la pratique médicale.
Dans quelle mesure les médecins généralistes doivent-ils se conformer aux recommandations de bonne pratique émises par les autorités de santé ?
Paul Frappé – Dans leur exercice quotidien, les médecins ne doivent pas ignorer les recommandations de bonnes pratiques professionnelles. Elles sont une référence dans l’établissement d’un diagnostic, la prescription d’un traitement ou d’un examen biologique. Mais ces recommandations ne sont pas à considérer comme des vérités immuables à durée de vie illimitée. Une synthèse de plus de 300 recommandations de la Haute Autorité de santé a mesuré qu’en moyenne une recommandation comprend 40 affirmations graduées, parmi lesquelles une seule est classée en grade A, soit la catégorie de recommandations la plus robuste. Deux affirmations sont de grade B et trois de grade C. Les 34 autres affirmations sont uniquement des avis d’experts ou non cotées. Pour le médecin, cela signifie donc que le bon soin n’est pas d’appliquer mécaniquement ces recommandations à la lettre. Son travail n’est pas d’identifier une problématique, de sortir la recommandation qu’il faut, de l’appliquer puis de passer au patient suivant. Ces recommandations sont des consensus qui doivent être vus comme une manière d’harmoniser les pratiques, comme de la matière à médecine.
Pour autant ces recommandations sont-elles suffisamment connues des médecins généralistes ?
Les recommandations ne sont jamais suffisamment connues. Le médecin généraliste peut toujours être mis en défaut par rapport à la connaissance d’une référence. Il n’est pas là pour tout connaître sur le bout des doigts et il doit prendre conscience qu’il ne peut pas tout savoir. Il peut aussi utiliser le temps dans la démarche de soins. C’est ainsi qu’il ne lance pas d’emblée l’intégralité d’une batterie d’examens et respecte la graduation des traitements de première et de seconde intentions. Le médecin généraliste a une expertise sur la manière de dérouler la recherche du diagnostic et la réponse thérapeutique dans le bon ordre en l’adaptant à la situation de chaque patient.
Quel serait selon vous l’usage optimal des outils numériques par les médecins ?
Il y a encore beaucoup de progrès à faire dans les transferts d’informations. Nous sommes encore dans un raisonnement du « plus il y en a, mieux c’est », avec des comptes rendus d’hospitalisation très exhaustifs. Pour l’expéditeur, c’est une manière de se protéger. La question à se poser c’est de quoi a vraiment besoin le récepteur. L’information transmise à un médecin généraliste ne devrait pas être la même qu’à un autre professionnel de santé. Pour être ergonomiques, les logiciels des cabinets médicaux doivent aussi évoluer. Historiquement, ils sont un lieu de stockage d’informations. Une présentation en tableau de bord s’est progressivement développée et je crois qu’elle pourrait bien devenir la seule et unique fonction de ces logiciels à l’avenir, le stockage de données étant centralisée sur le dossier médical partagé (DMP). En fonction de la profession, les informations pertinentes seraient prélevées du DMP et présentées de façon fonctionnelle au professionnel, en cohérence avec son rôle. Pour un patient diabétique, par exemple, ce serait pour le médecin généraliste d’avoir un tableau de bord des bilans biologiques, cardiologique, ophtalmologique et du podologue, quand pour le pharmacien, ce serait de disposer d’autres informations utiles à son exercice.
Quel intérêt les médecins trouvent-ils aux alertes des pharmaciens d’officine sur les interactions médicamenteuses détectées dans une prescription ?
Dans leurs propres logiciels de prescription, Ies médecins reçoivent trop d’alertes de ce genre, parfois complètement absurdes. Ils finissent par ne plus les regarder. De même, les logiciels d’aide à la dispensation signalent des interactions médicamenteuses ou des contre-indications qu’il faut trier. Parfois, il ne s’agit que de précautions d’emploi. Cela nous est remonté par le pharmacien d’officine. Le principe, c’est d’être prudent mais aussi d’alerter à bon escient. En ce sens, les pharmaciens doivent pouvoir avoir connaissance dès que possible de la pathologie du patient pour lesquels ils dispensent des médicaments. Si les alertes sont traitées différemment selon les professionnels, le risque est une perte de confiance du patient, une remise en cause vis-à-vis d’un des acteurs de santé.
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