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Fraudes : les pharmaciens numéro 2 sur le podium de l’Assurance maladie
Les officines se hissent à la deuxième marche sur le podium des fraudeurs identifiés par l’Assurance maladie, juste derrière les audioprothésistes, dont le préjudice s’élève à 115 millions d’euros. Ces fraudes concernent essentiellement des facturations abusives, des médicaments facturés mais non délivrés, des modifications d’ordonnances pour augmenter les quantités remboursées ou encore des doubles facturations.
Le montant exact des indus serait-il un secret d’Etat ?
« Les résultats des dispositifs mis en place montrent une augmentation des fraudes pour chaque catégorie professionnelle », observe Thomas Fatôme, directeur général de l’Assurance maladie. Il précise toutefois que ces abus restent le fait d’une minorité et que « la très grande majorité des professionnels de santé exercent leur activité dans le respect des règles ».
Si la Caisse nationale de l’Assurance maladie ne communique pas sur le montant exact des indus pour le réseau officinal, 1 100 pharmaciens sont concernés par des irrégularités de facturation, selon Marc Scholler, directeur financier de l’Assurance maladie.
Asafo, un outil central mais décrié dans la détection des fraudes
Face à ces fraudes, l’Assurance maladie mise sur la détection précoce pour limiter les abus. Le système Asafo – Alerte sécurisée fausse ordonnance -, déployé pour surveiller les prescriptions suspectes, s’impose désormais comme la pierre angulaire du dispositif de contrôle. Grâce à cet outil, 7 300 suspicions de fausses ordonnances ont été identifiées depuis août 2024, dont 75 % confirmées frauduleuses.
« Cet outil nous permet d’identifier rapidement les anomalies et d’agir avant que les préjudices ne s’accumulent », explique Marc Scholler. Il rappelle néanmoins que ces chiffres doivent être replacés dans un contexte plus large, puisque 37 000 prescripteurs ont généré au moins une fausse ordonnance sur la période.
Malgré son efficacité, Asafo est vivement critiqué par les professionnels de santé. À ce stade, il reste un outil complexe, dont l’utilisation est perçue comme contraignante par les pharmaciens, notamment en raison de problèmes de compatibilité avec les logiciels métier. « Des améliorations devraient intervenir pour juin 2025 afin d’en optimiser le fonctionnement et de le rendre plus fluide pour les professionnels », note Marc Scholler.
Prescription renforcée et ordonnance numérique : des mesures préventives en développement
Pour limiter les détournements de prescriptions, l’Assurance maladie mise aussi sur le renforcement de la prescription électronique. Depuis début 2025, un système de « prescription renforcée » a été mis en place pour certains médicaments particulièrement exposés aux fraudes, notamment les analogues du GLP-1 utilisés pour le traitement du diabète.
« Désormais, le médecin doit effectuer trois clics sur Ameli Pro pour attester que le patient est bien diabétique avant de prescrire ces traitements », explique Thomas Fatôme. Cette mesure vise à réduire les détournements, en particulier dans le cadre du mésusage des analogues du GLP-1 pour la perte de poids. Un bilan d’étape est prévu à mi-année afin d’évaluer son efficacité et d’envisager d’éventuels ajustements.
L’Assurance maladie entend également généraliser l’ordonnance numérique, qui présente un double avantage : sécuriser la prescription et limiter les falsifications. En 2024, 58 millions d’ordonnances numériques ont été générées, avec 12 070 officines impliquées dans leur traitement.
Un arsenal répressif renforcé face aux fraudes complexes
En parallèle des dispositifs de prévention, l’Assurance maladie durcit sa politique de sanctions. Les suites contentieuses ont doublé en 2024, avec 500 procédures engagées contre des professionnels de santé.
Le déconventionnement est également utilisé comme levier dissuasif. Trente centres de santé ont été exclus du dispositif de remboursement, et un nouveau cycle de déconventionnement est prévu dès avril pour les structures frauduleuses identifiées.
« Nous ne sommes plus face à des fraudes isolées, mais à des réseaux organisés qui exploitent les failles du système de remboursement », alerte Thomas Fatôme. L’Assurance Maladie a renforcé son cybercontrôle et sa coopération avec les forces de l’ordre pour identifier ces groupes.
Dans cette optique, six pôles interrégionaux d’enquêteurs spécialisés ont été créés, réunissant 60 experts de la lutte contre la fraude, parmi lesquels des ex-policiers, des statisticiens et des spécialistes de la cybercriminalité. Leur mission est de traquer les fraudes complexes impliquant des reventes sur les réseaux sociaux ou des détournements massifs de fonds.
Paris, un foyer de fraudes préoccupant
Le rapport de l’Assurance maladie pointe particulièrement Paris et l’Île-de-France, où les fraudes pharmaceutiques sont les plus fréquentes. Dans ces zones, certains réseaux exploitent des failles du système pour maximiser leurs gains illégaux.
L’an dernier, plusieurs affaires ont mis en lumière des officines impliquées dans des trafics de médicaments remboursés et revendus à l’étranger, et des collusions avec des prescripteurs peu scrupuleux. Les officines impliquées sont aussi suspectées d’avoir facturé des médicaments en quantités supérieures à celles réellement délivrées.Ces pratiques ont nécessité l’ouverture de 64 enquêtes et procédures contentieuses, avec des montants frauduleux atteignant les 12 millions d’euros.
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