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Fraude : qui sont ces nouveaux cyber-enquêteurs de la Cnam ?
C’est un changement de paradigme. Face à la sophistication croissante des fraudes numériques, l’Assurance maladie a musclé son arsenal en créant six pôles interrégionaux d’enquêteurs judiciaires (PIEJ) dotés de pouvoirs de cyber-enquête. Ces unités, réparties sur le territoire (Paris, Lille, Blois, La Rochelle, Grenoble, Marseille), comptent 60 agents spécialisés – dont près de la moitié issus des forces de l’ordre – capables d’agir sous pseudonyme, d’infiltrer les réseaux frauduleux sur les réseaux sociaux ou le dark web, et de remonter les filières avant tout préjudice financier.
« Nous intervenons de manière proactive pour stopper les fraudes dès leur genèse, grâce à des investigations croisées avec les services de police, de gendarmerie, la justice et les caisses de sécurité sociale », souligne Thomas Fatôme, directeur de la Caisse nationale de l’Assurance maladie (Cnam). En 2024, 628 millions d’euros de fraudes ont été détectés et stoppées, en hausse de 35 % par rapport à 2023, dont 263 millions évités avant même le paiement.
Grâce à leurs prérogatives judiciaires, les cyber-enquêteurs peuvent désormais transmettre directement certains dossiers au parquet, sans passer par la voie administrative. Cette judiciarisation rapide concerne notamment les fraudes structurées, les usurpations d’identité ou les montants élevés.
Pharmaciens, médecins, transporteurs : des cibles privilégiées
Le pôle de Paris, fort de 13 agents, couvre 11 départements dont toute l’Île-de-France et les Antilles-Guyane. En 2024, il a traité cinq dossiers de grande ampleur – tous supérieurs à 100 000 euros – liés à des fraudes sur ordonnances, à l’usurpation d’identité ou à des reventes de médicaments onéreux. Dans un dossier emblématique, le vol d’ordonnances hospitalières a permis à des escrocs de se procurer des anticancéreux ou traitements pour la sclérose en plaques via des assurés recrutés en ligne. Montant du préjudice : plus de 300 000 euros.
Des dossiers de cette ampleur sont systématiquement instruits sur le plan pénal. Les qualifications retenues vont de l’escroquerie aggravée à l’usage de faux, en passant par l’association de malfaiteurs.
Arrêts de travail frauduleux : des documents plus sûrs
Les arrêts de travail constituent un autre angle mort. En 2024, les fraudes aux indemnités journalières ont doublé, atteignant 42 millions d’euros. Les cyber-enquêteurs traquent les « kits arrêts de travail » vendus sur les réseaux sociaux, composés de faux Cerfa et certificats de travail.
Pour y répondre, l’Assurance maladie a déjà renforcé la télétransmission des arrêts via AmeliPro (e-AAT) – pour 79 % des arrêts -. D’ici juillet 2025, l’instance régulatrice généralisera les Cerfa sécurisés (hologrammes, QR code, bande colorimétrique).
Des fraudes parfois organisées en « entreprises »
Les cyber-enquêteurs de l’Assurance maladie font face à des structures criminelles aguerries : usurpations d’identité, création de sociétés fictives de soins, facturations d’actes inexistants. Les faussaires utilisent des techniques de phishing, fabriquent des documents numériques sophistiqués et s’appuient sur des relais humains, souvent recrutés en ligne, pour écouler les produits obtenus frauduleusement.
Outre les prestations de soins, les audioprothèses sont un terrain propice : 115 millions d’euros de fraude ont été détectés en 2024, dont 88 millions évités avant paiement. En réaction, l’Assurance maladie a durci sa politique : refus de conventionnement, radiations, sanctions pénales, contrôle des facturations via la carte Vitale, vérification systématique des dossiers.
Ces pratiques sont désormais systématiquement signalées au procureur de la République. L’articulation entre cyber-enquête, preuves numériques et suites judiciaires permet d’accélérer les poursuites, même avant le versement des prestations.
Une stratégie globale, coordonnée et offensive
L’efficacité de cette riposte repose sur la coopération interinstitutionnelle. En 2024, près de 20 000 actions contentieuses ont été engagées (+100 %), dont 8 400 procédures pénales. La pénalité moyenne imposée aux assurés a bondi de 82 %, atteignant 4 354 €, grâce à la possibilité d’infliger une amende équivalente à 300 % du préjudice subi.
Cette stratégie de fermeté se double d’un travail de prévention et de pédagogie. Dès 2025, chaque assuré sera informé par mail des paiements effectués en son nom dans le cadre du tiers payant afin de renforcer la vigilance collective.
« Face à une fraude numérique de plus en plus organisée, il fallait une réponse systémique, coordonnée, technologique. Le système de santé ne doit pas être une caisse noire », résume Thomas Fatôme.
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