Financement des officines : 4 solutions vertueuses… ou pas

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Financement des officines : 4 solutions vertueuses… ou pas

Publié le 10 mars 2025
Par Christelle Pangrazzi
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Les modes de financement des officines évoluent, oscillant entre opportunités d'installation et contraintes insidieuses. Comment distinguer les options qui préservent l'indépendance des pharmaciens de celles qui limitent leur liberté de gestion ?

Entre hausse des prix et exigences bancaires strictes, le recours à des solutions de financement devient incontournable. Pourtant, derrière ces dispositifs se cachent des réalités contrastées avec parfois des engagements contraignants, limitant la liberté de gestion des titulaires et leur capacité de négociation. Comment discerner les options vertueuses des pièges financiers ? Le choix du financement ne doit pas seulement être une question de faisabilité, mais aussi de stratégie à long terme.

1- Interpharmaciens : un levier financier responsable

Face aux pratiques parfois discutables de certains acteurs du marché, la Caisse d’assurance vieillesse des pharmaciens (CAVP) a mis en place en 2021 un fonds baptisé Interpharmaciens, destiné à soutenir les primo-installants indépendants. L’offre devrait être élargie et réactualiser sur le taux dans les semaines à venir.

Géré par ESFIN Gestion, filiale du Crédit Coopératif (Groupe BPCE), ce fonds propose un complément d’apport personnel de 100 000 à 500 000 euros, pouvant représenter jusqu’à trois fois l’apport personnel du candidat.

Avec un taux fixe de 4,5 % sur 15 ans, cette solution leur évite de s’exposer à des engagements financiers lourds et récurrents.

En outre, l’initiative Interpharmaciens vise à créer un cercle vertueux où les cotisations des pharmaciens en activité sont réinvesties dans le système permettant de soutenir les nouvelles générations. Ce modèle solidaire permet de limiter la mainmise des investisseurs extérieurs sur le marché officinal. À terme, si cette solution devait être plus largement diffusée, elle permettrait de freiner la concentration du secteur préservant ainsi l’indépendance professionnel, gage essentiel pour maintenir un service de proximité accessible à tous.

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2- SantExpert de la Caisse d’Epargne : un prêt adapté aux professionnels de santé

En 2024, la Caisse d’Épargne, en partenariat avec la Banque européenne d’investissement, a lancé SantExpert, un dispositif de financement doté d’une enveloppe de 150 millions d’euros sous forme de prêts à taux bonifiés.

Une des particularités de ce dispositif est le prêt à paliers, qui permet d’ajuster les mensualités en fonction de l’évolution des revenus du pharmacien. Ce mécanisme limite le risque d’endettement excessif et facilite la croissance de l’officine.

Outre cet aspect modulable, SantExpert se distingue par une approche proactive en matière d’accompagnement des pharmaciens. Des experts financiers sont mis à disposition pour conseiller les emprunteurs sur la gestion de leur trésorerie, l’optimisation fiscale et la rentabilité de leur officine. En proposant des solutions adaptées aux besoins réels des professionnels de santé, ce programme cherche à minimiser les défaillances financières et à garantir la viabilité à long terme des officines nouvellement installées.

3- Propulis’if d’Interfimo : une alternative sans contrainte par Interfimo

Interfimo, société de cautionnement mutuel, propose Propulis’if, un prêt bancaire en partenariat avec LCL, cautionné par Interfimo.

Ce financement peut atteindre 200 000 euros sur une durée de 10 ans, avec un différé d’amortissement de 5 ans. Son atout majeur ? Aucune obligation d’adhésion à un groupement ou d’exclusivité avec un grossiste-répartiteur, permettant aux pharmaciens de garder la maîtrise de leur stratégie commerciale.

Cette flexibilité est un point fort pour les titulaires qui souhaitent préserver leur autonomie dans la gestion de leur officine. Contrairement à d’autres financements qui peuvent inclure des clauses restrictives, Propulis’if mise sur la confiance accordée aux pharmaciens pour prendre des décisions en toute indépendance. Cette approche peut être particulièrement bénéfique pour ceux qui envisagent des évolutions rapides dans leur exercice, comme l’intégration de nouveaux services à l’officine ou la diversification de l’offre de soins.

4- Les boosters d’apport : un tremplin aux conditions contraignantes

Accéder à la propriété n’est pas toujours simple. Les banques exigent généralement un apport personnel représentant 20 % du prix total d’achat. Pour y remédier, plusieurs acteurs du secteur – groupements et grossistes-répartiteurs en tête – ont développé des solutions de financement sous forme de boosters d’apport. Le montant accordé correspond souvent à celui de l’apport personnel, voire davantage selon les dossiers. Un soutien financier utile, mais qui comporte des contreparties parfois lourdes.

Des contreparties contraignantes

« Les contreparties peuvent être importantes. Certains demandent une adhésion au groupement pour 10 ans, d’autres imposent des achats auprès de certains acteurs du système de distribution. La force de négociation du jeune pharmacien peut se retrouver enfermé dans un contrat extrêmement contraignant », souligne Guillaume Racle, pharmacien et conseiller économique à l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO). D’où la question de l’indépendance. « On est à la frontière de la financiarisation dont le plus grand sujet porte sur la perte d’indépendance. Avec des conditions excessives, le pharmacien n’est plus qu’un porteur de diplôme obtempérant à toutes les requêtes des prêteurs », avertit Guillaume Racle.

Points de vigilance avant de s’engager

D’un point de vue financier, la prudence est de mise. « Pour un emprunt obligataire, il est essentiel d’analyser les modalités de rémunération, le montant de la prime de non-conversion et les échéances de remboursement », recommande Emma Favre-Rochex, avocate spécialisée en droit des sociétés au barreau de Lyon.

Matthieu Riberry, expert en transactions d’officine, met en garde contre les prêts in fine, où le capital est remboursé en une seule fois à l’échéance. « Les intérêts sont plus élevés que pour un prêt amortissable, mais fiscalement déductibles, ce qui est souvent mis en avant. Toutefois, le pharmacien doit impérativement anticiper ce remboursement sous peine de devoir chercher un nouvel associé ou, pire, revendre son officine. » De quoi inciter à la réflexion avant de s’engager.