Enquête de l’Anepf : la vie des étudiants en pharmacie, pas si rose
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Enquête de l’Anepf : la vie des étudiants en pharmacie, pas si rose

Publié le 4 février 2025 | modifié le 13 février 2025
Par Audrey Chaussalet
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3 786 étudiantes et étudiants en pharmacie, sur 30 000 au total, ont répondu au Grand Entretien réalisé par l'Association nationale des étudiants en pharmacie de France (Anepf), balayant les problématiques qu'ils rencontrent au quotidien. Et certaines d'entre elles depuis au moins une décennie.

« 86 % des étudiants ont choisi pharmacie par intérêt pour les filières de santé ». C’est l’un des premiers constats qui ressort du Grand Entretien, l’enquête réalisée par l’Anepf auprès des étudiants en pharmacie. Doit-on y voir une preuve que l’accès direct aux études de pharmacie post-bac sur Parcoursup, souhaitée par les doyens, l’Ordre national des pharmaciens, les syndicats représentatifs de la profession, mais réfutée par l’Anepf, est une fausse bonne idée ? La pharmacie ne figure pas en tout cas dans la plateforme Parcoursup qui a ouvert le 15 janvier dernier sa phase d’inscription et de formulation des vœux pour la rentrée 2025-2026. Le deuxième enseignement à tirer de cette étude est que la filière souffre toujours d’un manque de visibilité, malgré les campagnes de communication pour revaloriser les métiers.

Une méconnaissance des différentes facettes du métier de pharmacien

94,8 % des étudiants en pharmacie se déclarent « insatisfaits, voire très insatisfaits du niveau d’informations reçues sur la diversité des métiers de la pharmacie. » Grâce aux récentes évolutions du métier de pharmacien d’officine, le parcours officine est celui qui tire le mieux son épingle du jeu : 41 % des étudiants souhaitent ou sont filialisés dans le parcours officine, soit 11,2 points de plus qu’en 2018. Au détriment du parcours industrie, qui perd 7,9 points par rapport à 2018. Ce manque d’informations sur les différentes filières gagne aussi la recherche : en 2024, « 73,2 % des étudiants en pharmacie ne s’estiment pas bien informés sur la recherche ». Pour y remédier, l’Anepf incite, entre autres, les acteurs du monde pharmaceutique à organiser des forums métiers et à intervenir davantage dans les unités d’enseignement du parcours.

Un enseignement pas toujours en adéquation avec la réalité du métier

Quoi de mieux pour se confronter aux attentes terrain que les stages ! Plus de 72 % des étudiants en réclament davantage et souhaitent qu’ils soient répartis de manière plus homogène tout au long du cycle d’études. L’application de la réforme des études du 3e cycle promise par différents ministres de la Santé qui se sont succédé ces dernières années est, elle, toujours en attente de la publication de textes de loi. Invitée à la présentation de la presse du Grand Entretien de l’Anepf, Marie Daudé, la directrice générale de l’offre de soins (DGOS), a assuré que le ministre délégué actuel de la Santé et de l’Accès aux soins, Yannick Neuder, avait lui aussi affirmé son soutien à cette réforme pour une mise en application dès que possible. Parallèlement, une large majorité des étudiants (61,5 %) estime « qu’il est fortement à absolument nécessaire d’inclure de la transition écologique et de la santé environnementale de façon plus approfondie dans leur enseignement », au risque de passer à côté de grands enjeux sociétaux qui transforment déjà leur futur métier.

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L’inquiétante précarité des étudiants

En France, les conditions de vie des étudiants se dégradent. Et malheureusement, ceux de la filière pharmacie ne sont pas épargnés. Plus de 46 % d’entre eux avouent « renoncer à se chauffer l’hiver » et près de 60 % déclarent « avoir changé leurs habitudes alimentaires, notamment en sautant des repas ». Enfin, 42,5 % d’entre eux affirment « travailler pour financer leurs études ». Un taux bien plus élevé qu’en 2018 (33,9 %). Ils sont également plus nombreux à négliger leur santé : « près de 29 % des étudiants en pharmacie ont déjà renoncé aux soins. » Après un appel aux dons lancé par l’association en novembre dernier, une vente aux enchères sera organisée sur le salon PharmagoraPlus, en mars prochain, pour venir en aide aux plus précaires d’entre eux.

Le fléau des violences sexistes et sexuelles

En 2024, 137 étudiants en pharmacie ont rapporté avoir été victimes d’agressions sexuelles », 399 « avoir subi des gestes inappropriés » et 740 avoir été « victimes de remarques sexistes ». Pire encore, 43 affirment « avoir été victimes d’un viol », dont 71 % auraient été causés par d’autres étudiants. « Ces comportements ne sont pas des faits isolés, mais bien des phénomènes systémiques qui nécessitent une prise en charge sérieuse et immédiate, mais surtout une réelle réponse aux signalements de la part des administrations. », décrit l’Anepf dans son rapport. Là encore, Marie Daudé a rappelé que Yannick Neuder avait récemment annoncé un nouveau plan d’action pour accueillir la parole des victimes, les accompagner davantage et renforcer l’efficacité des procédures.

Stop aux discriminations

En 2024, plus d’1 étudiant sur 12 en pharmacie déclare « avoir été victime de discriminations ». De plus, 74 % des étudiants en pharmacie en situation de handicap considèrent que celui-ci est un obstacle dans le déroulement de leurs études, soit 37 points de plus qu’en 2018. Loin du vecteur de progrès social que l’on espère en l’an 2025.