Économie officinale : faut-il ressortir les gilets jaunes et les peindre en vert ?

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Économie officinale : faut-il ressortir les gilets jaunes et les peindre en vert ?

Publié le 7 février 2025 | modifié le 13 février 2025
Par Christelle Pangrazzi
Baisses successives des prix des médicaments, effondrement des volumes de prescriptions, fermetures d’officines, burn-out… Lors des 15ᵉ Rencontres de l’Union des syndicats de pharmaciens d'officine (USPO), Pierre-Olivier Variot, président du syndicat, a lancé un avertissement clair : si rien ne change, une nouvelle mobilisation des pharmaciens sera inévitable.

« Nous faisons face à un ras-le-bol général de la profession », alerte Pierre-Olivier Variot. Si les ruptures de stock restent un fléau quotidien, c’est avant tout les résultats économiques qui inquiètent : « Les trésoreries fondent, les prélèvements automatiques ne passent plus, les pharmaciens ne peuvent même plus se payer, et les licenciements se multiplient », annonce-t-il.

Selon le syndicat, le réseau officinal est en tension extrême, les mesures actuelles ne favorisent pas l’installation et l’USPO redoute qu’à terme, cette crise, menaçant le maillage territorial, serve de prétexte à l’État pour accélérer la vente en ligne des médicaments. « Les pertes financières s’accumulent : 40 millions d’euros sur les produits de contraste, 60 millions sur les tests antigéniques, et la déprescription prônée par la Caisse nationale de l’Assurance maladie – Cnam – risque d’enfoncer encore davantage le secteur. À cela s’ajoute une revalorisation dérisoire des honoraires à l’ordonnance (+ 10 centimes), soit un gain de seulement 3 200 euros par an en moyenne pour une officine. Une goutte d’eau dans un océan de précarité », déplore-t-il.

Un ministre à l’écoute, mais sans engagements concrets

Pour la première fois depuis sa nomination, Yannick Neuder, nouveau ministre de la Santé et de l’Accès aux soins s’est adressé aux pharmaciens. Conscient des tensions, il s’est engagé à travailler sur une loi de simplification administrative et à renforcer le rôle des officines dans la prévention cardiovasculaire avec sans doute, à terme, la possibilité pour les officinaux de prescrire les substituts nictoniques. Mais sur l’enjeu crucial de la viabilité économique, aucune avancée tangible. « Je n’ai pas de budget ! », a-t-il lancé, repoussant toute perspective d’aide immédiate.

Vers une mobilisation inévitable ?

En attendant des mesures gouvernementales significatives, l’USPO a d’ores et déjà décidé de déployer un groupe de travail pour organiser la mobilisation. « Il y aura une montée en puissance des actions », annonce Guillaume Racle, élu national du syndicat.

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Afin d’alerter les pouvoirs publics, le bureau et le conseil d’administration de l’USPO ont décidé de créer une adresse mail indus@uspo-paris.fr, où chaque pharmacien pourra envoyer les informations sur les indus reçus. Chaque dossier sera ensuite étudié par des juristes et des pharmaciens afin d’en déterminer la légitimité. Les indus jugés non conformes seront ensuite transmis à la Cnam, à la Direction de la Sécurité sociale, au ministre de la Santé et à Matignon afin d’alerter les institutions sur les dérives de ces pratiques.

Sur le terrain, certains membres du syndicat envisagent déjà des actions marquantes. Une grève des gardes pourrait être le premier levier de pression. D’autres songent à utiliser Asafo, l’outil de télétransmission des ordonnances douteuses, pour y envoyer en masse toutes les prescriptions non conformes et saturer ainsi le système.

L’appel à l’action est clair. Reste à voir si l’exécutif mesurera l’urgence…